Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 329

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie prestataire : A. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (463115) datée du 21 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 17 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Prestataire
Date de la décision : Le 23 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3485

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme qu’il n’aurait pas dû être congédié pour cette raison.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas de page 2.

[8] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[10] Le prestataire et la Commission s’entendent sur la raison pour laquelle le prestataire a été congédié. Le prestataire affirme qu’il a été congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 3. Son employeur affirme également qu’il a été congédié pour cette raisonNote de bas de page 4.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[11] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si la suspension du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[13] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 7.

[14] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[15] La Commission doit prouver que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[16] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 10. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[17] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour le prestataireNote de bas de page 12 (lui fournir des mesures d’adaptation). Je peux examiner une seule chose : la question de savoir si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[18] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire était au courant de la politique de son employeur sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et qu’il savait qu’il pouvait être congédié s’il ne respectait pas sa politique, mais qu’il a choisi de ne pas la suivre quand mêmeNote de bas de page 13.

[19] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail initial et qu’il était injuste que son employeur le congédie pour ne pas avoir respecté sa politiqueNote de bas de page 14.

[20] L’employeur du prestataire a dit ce qui suit à la CommissionNote de bas de page 15 [traduction] :

  • Leur entreprise reposait sur le fait que leurs employés visitaient différents sites de clients (fournisseurs) pour travailler.
  • Ils ont mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 parce que la plupart de leurs principaux fournisseurs avaient leur propre politique de vaccination contre la COVID-19, qui exigeait que les employés sur place soient vaccinés.
  • Chacun de ces fournisseurs avait envoyé des lettres aux employés qui travaillaient sur place pour leur dire qu’ils devaient être vaccinés pour continuer à travailler là.
  • Ils voulaient que leurs fournisseurs demeurent satisfaits, alors ils ont adopté indirectement une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19
  • Ils ont simplement envoyé des lettres aux employés pour leur communiquer la politique plutôt que de créer un mémo ou un document de politique à partir de zéro.
  • Leurs lettres disaient que les employés seraient congédiés s’ils n’étaient pas vaccinés, comme c’était maintenant leur exigence également (l’exigence de l’employeur).
  • Il y avait des fournisseurs qui n’avaient pas de politique de vaccination, mais pas assez pour remplir des journées complètes de travail ou répondre aux besoins de tous les employés qui n’étaient pas vaccinés.
  • Le prestataire ne s’est pas fait vacciner et n’a pas donné d’explication pour sa décision.
  • Le prestataire n’a pas demandé d’exemption de la politique de l’employeur et il n’a pas discuté avec celui-ci de la possibilité d’être exempté.
  • L’employeur lui a donné 30 jours pour trouver un autre emploi chez un fournisseur qui n’avait pas de politique de vaccination sans quoi il serait congédié.

[21] Le prestataire a dit à la Commission et déclaré ce qui suitNote de bas de page 16 [traduction] :

  • Il connaissait la politique de son employeur.
  • La politique de son employeur exigeait qu’il divulgue son statut vaccinal, mais il ne l’a pas fait.
  • Il n’a pas demandé d’exemption à la politique parce qu’un collègue de travail en a fait la demande et qu’on avait refusé, alors il n’a pas pris la peine d’en demander une.
  • Il n’a pas commis d’inconduite parce que la politique ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.
  • Il était injuste que son employeur le congédie parce qu’il aurait pu simplement lui donner du travail chez des fournisseurs qui n’avaient pas de politique de vaccination contre la COVID-19, mais il a choisi de ne pas le faire.
  • Lorsque son employeur lui a dit qu’il avait 30 jours pour trouver un autre emploi chez un fournisseur qui n’avait pas de politique de vaccination sans quoi il serait congédié, il a postulé pour deux emplois, mais il n’a obtenu ni l’un ni l’autre.
  • Il savait qu’il pouvait être congédié s’il ne respectait pas la politique de son employeur.

[22] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons qui suivent.

[23] Je conclus que le prestataire a posé les gestes qui ont mené à son congédiement, car il savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et ce qu’il devait faire pour la suivre.

[24] Je juge également que les gestes du prestataire étaient intentionnels, car il a pris la décision consciente de ne pas suivre la politique de son employeur.

[25] Il y a une preuve claire que le prestataire était au courant de la politique de son employeur. Il a dit qu’il était au courant, comme je l’ai mentionné plus haut.

[26] Il y a aussi des éléments de preuve clairs démontrant que le prestataire a choisi de ne pas suivre la politique de son employeur. Il a dit qu’il n’avait pas informé son employeur de son statut vaccinal comme il devait le faire. Il a ajouté qu’il a tout de même choisi de ne pas suivre la politique de son employeur même s’il n’a pas été en mesure d’obtenir un autre emploi chez un fournisseur qui n’avait pas de politique de vaccination, comme je l’ai mentionné plus haut.

[27] Je reconnais que le prestataire estime qu’il n’a pas commis d’inconduite parce que la politique de son employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.

[28] Malheureusement, je juge que cet argument n’est pas pertinent dans la présente affaire. Comme je l’ai mentionné plus haut, je peux examiner les gestes posés par le prestataire uniquement en fonction de ce que la loi dit au sujet de l’inconduite. Cela signifie que je dois me concentrer sur les actions du prestataire qui ont mené à son congédiement et sur la question de savoir s’il savait que ses actions allaient mener à son congédiement. Si le prestataire veut poursuivre cet argument, il devra le faire auprès d’une autre instance.

[29] Je reconnais également que le prestataire estime qu’il était injuste que son employeur le congédie, car il aurait pu simplement lui donner du travail chez d’autres fournisseurs, mais qu’il a choisi de ne pas le faire.

[30] Toutefois, je juge que cet argument n’est pas pertinent non plus dans la présente affaire. Encore une fois, comme je l’ai mentionné plus haut, je peux examiner les gestes posés par le prestataire seulement par rapport à ce que la loi dit au sujet de l’inconduite. Si le prestataire veut poursuivre cet argument, il doit le faire par l’entremise d’une autre tribune également.

[31] Je juge plutôt que ce qui est pertinent, c’est que le prestataire pouvait suivre la politique de son employeur de deux façons : fournir la preuve qu’il avait eu [le vaccin contre] la COVID-19 pour conserver son emploi, ou trouver un autre emploi chez un fournisseur qui n’avait pas de politique de vaccination contre la COVID-19. Il a choisi la deuxième option, mais lorsque cela n’a pas fonctionné (il n’a pas pu trouver un autre emploi), il n’est pas allé fournir une preuve de vaccination. Cela signifie qu’il n’a pas suivi la politique de son employeur, d’une façon ou d’une autre.

[32] Par conséquent, même si je comprends les préoccupations du prestataire au sujet de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, je juge que la preuve démontre qu’il a pris la décision consciente de ne pas la suivre. Il n’a pas divulgué son statut vaccinal ni trouvé un autre emploi au sein de l’entreprise comme la politique l’exigeait, ce qui démontre que ses gestes étaient intentionnels.

[33] Je juge également que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur pouvait entraîner son congédiement.

[34] La preuve démontre clairement que le prestataire savait qu’il pouvait être congédié s’il ne respectait pas la politique de son employeur. Il a dit qu’il le savait, comme je l’ai mentionné plus haut.

[35] De plus, l’employeur du prestataire a clairement démontré qu’il lui a dit qu’il pourrait être congédié s’il ne respectait pas sa politique. Le 13 décembre 2021, il lui a envoyé une lettre qui disait ce qui suitNote de bas de page 17 [traduction] :

  • À l’heure actuelle, il ne respecte pas les exigences de vaccination d’au moins un des clients où il pourrait avoir besoin de se rendre pour travailler.
  • L’une de ses tâches est de visiter les sites des clients et un des sites dont il est responsable a exigé que tous les visiteurs soient vaccinés.
  • Il n’a pas respecté ces exigences (vaccination complète) et ne peut donc pas effectuer une de ses fonctions essentielles.
  • On lui a déjà dit qu’il devait respecter les exigences des clients pour faire son travail.
  • Il a 30 jours pour respecter ces exigences (fournir une preuve de vaccination complète) ou trouver un autre poste au sein de l’entreprise.

[36] Par conséquent, je conclus que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la loi puisqu’il a adopté la conduite qui a mené à son congédiement (il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur), que ses gestes étaient intentionnels et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils entraîneraient son congédiement.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[37] Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[38] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[39] L’appel est donc rejeté.

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