Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ZB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 365

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : Z. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (536717) datée du 10 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc-André St-Jules
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 10 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2840

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec modifications. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler. Cela change à compter du 14 octobre 2022. À partir de ce moment, il a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Par conséquent, il peut seulement recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 14 octobre 2022, pourvu qu’il remplisse toutes les autres conditions d’admissibilité.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 24 janvier 2022 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’une partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il n’a pas cherché de travail pendant les deux premiers mois de sa période de prestations. Il espérait retourner travailler pour son ancien employeur. Lorsqu’il a commencé à chercher du travail, les employeurs les plus convenables avaient les mêmes exigences en matière de politique de vaccination. Entre le 18 janvier 2022 et le 8 août 2022, il a postulé à deux emplois.Note de bas de page 1

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Au départ, il n’a postulé à aucun emploi, car il espérait être rappelé à son ancien emploi. Il voyait qu’on réduisait les restrictions et espérait être réintégré. Il a également fait les démarches suivantes : il a postulé à des emplois; il a établi des alertes d’emploi et un compte LinkedIn; son curriculum vitae était toujours à jour. Il a fait du réseautage avec ses collègues de l’industrie forestière, mais cela n’a rien donné.

Questions que je dois examiner en premier

J’ai deux appels distincts devant moi

[7] J’ai deux appels distincts devant moi avec le même prestataire. J’ai gardé les appels séparés. La présente décision porte sur une question de disponibilité. L’autre décision sera rendue séparément. Question d’économie de temps, j’ai prévu une seule audience pour les deux questions en litige.

[8] Je conclus que le fait d’avoir deux décisions distinctes ne cause pas préjudice au prestataire. Chaque question fait l’objet d’une décision propre, ce qui rend chacune plus claire et concise.

J’accepte les documents déposés après l’audience

[9] Pendant l’audience, j’ai accepté de recevoir les documents à déposer après l’audience, car ils appuyaient une partie du témoignage du prestataire. Les documents ont été présentés comme convenu.

[10] Les documents ont été communiqués à la Commission. Aucune réponse de la Commission n’a été reçue à la date de la présente décision. Les documents ont été examinés dans le cadre de la décision.

Question en litige

[11] Le prestataire était-il disponible pour travailler?

Analyse

[12] Deux articles de loi différents exigent que les prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Il doit remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[13] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenable.Note de bas de page 2 Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer ce qu’on entend par « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 3. Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[14] Deuxièmement, la Loi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenable.Note de bas de page 4 La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sens.Note de bas de page 5 Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[15] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[16] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour décider si le prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[17] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnables.Note de bas de page 6 Il n’y a aucune preuve que la Commission a exigé que le prestataire prouve qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi, comme le prévoit l’article 50(8) de la Loi. Après avoir examiné la preuve au dossier d’appel, je constate que le prestataire a fait seulement deux déclarations à la Commission du genre à s’inscrire dans le contexte de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[18] La première était le commentaire du prestataire selon lequel il n’a postulé à aucun emploi pendant sa suspension et avant son congédiement.Note de bas de page 7 La deuxième était la déclaration du prestataire selon laquelle il a postulé à deux emplois du 18 janvier 2022 au 18 août 2022.Note de bas de page 8

[19] Ces deux affirmations constituent des réponses valides en ce qui concerne l’article 50(8) et le deuxième facteur Faucher qui doit être pris en considération lorsqu’on examine l’article 18(1)(a) de la Loi.

[20] L’article 9.001 du Règlement, qui énonce les critères servant à définir les « démarches habituelles et raisonnables », énumère neuf facteurs dont il faut tenir compte pour rendre une décision. La Commission n’a pas demandé au prestataire d’expliquer les autres facteurs pertinents pour le critère. Cinq des neuf facteurs sont indiqués ci-dessous à titre de référence :

  • l’évaluation des possibilités d’emploi;
  • la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation;
  • l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou à des banques d’emplois ou agences de placement en ligne;
  • la participation à des ateliers de recherche d’emploi ou à des salons du travail;
  • le réseautage.

[21] Il n’y a aucune discussion sur les curriculum vitae, les outils de recherche d’emploi, le réseautage ou autres choses similaires entre la Commission et le prestataire. La Commission s’est prononcé sur l’un des neuf critères proposés dans le Règlement.

[22] De plus, la Commission n’a présenté aucune observation sur la façon dont le prestataire n’a pas réussi à prouver qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi. La Commission a seulement résumé la législation en ce qui concerne l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi et l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploi.

[23] Pour ces raisons, je conclus que le prestataire n’est pas inadmissible au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cela est fondé sur l’absence de preuve et d’observations.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[24] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 9 :

  1. a) Il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[25] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite du prestataire.Note de bas de page 10

Vouloir retourner travailler

[26] Je juge que le prestataire a démontré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Mes motifs se trouvent au paragraphe suivant.

[27] J’admets que la seule raison pour laquelle le prestataire n’a pas travaillé après le 18 janvier 2022 est qu’il a été forcé de prendre un congé sans solde. La Commission a accepté que le prestataire désirait sincèrement retourner sur le marché du travail.Note de bas de page 11

[28] En résumé, je conclus que le prestataire voulait retourner sur le marché du travail. C’est suffisant pour répondre au premier facteur de Faucher. La Commission ne conteste pas cela.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[29] Le prestataire a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[30] J’ai tenu compte des activités de recherche d’emploi mentionnées ci-dessus pour trancher ce deuxième élément.

[31] Pendant l’audience, le prestataire a également fourni des renseignements sur ses activités de recherche d’emploi. Cela s’ajoute aux deux emplois auxquels il a postulé avant le 18 août 2022. Voici quelques-unes des démarches que le prestataire a faites pour trouver un nouvel emploi : il a mis à jour son curriculum vitae, il a établi un compte LinkedIn et des alertes d’emploi. Il a fait du réseautage en parlant à ses collègues dans l’industrie forestière afin d’évaluer les possibilités d’emploi.

[32] Il a déclaré qu’à la fin de septembre 2022, il a commencé à exercer un travail occasionnel comme préposé à l’entretien au sein d’un organisme local.

[33] J’estime que ces efforts sont suffisants pour répondre aux exigences de ce deuxième élément parce qu’à la lumière des exigences en matière de vaccination, très peu d’emplois dans sa région auraient été convenables pour lui. Ce n’est pas le seul facteur. Comme la Commission l’a déclaré, le prestataire occupait un emploi de haut niveau dans un domaine spécialisé, ce qui limite le nombre d’emplois disponibles, abstraction faite de l’obligation vaccinale.Note de bas de page 12 Le prestataire a déclaré qu’il était gestionnaire de projet et qu’il avait une formation en foresterie. Il gérait des dossiers complexes en consultation avec de nombreuses parties prenantes.

[34] Le prestataire affirme qu’il a examiné des possibilités d’emplois dans diverses villes et chez divers employeurs, car ses compétences étaient transférables.Note de bas de page 13 Le problème c’est que les emplois dans son domaine exigeaient souvent la vaccination. Son opinion quant à la vaccination a réduit le nombre d’emplois auxquels il pouvait postuler.

[35] J’accepte que le prestataire a postulé seulement à quelques emplois; en effet, peu d’emplois répondaient à ses critères de recherche. Cela est attribuable à ses études supérieures, à ses antécédents et à son domaine spécialisé de travail. D’ailleurs, ce nombre est réduit de nouveau parce qu’un certain nombre d’emplois avaient leur propre politique de vaccination. Ce dernier point, cependant, sera abordé dans la prochaine section.

[36] J’estime que le prestataire en a fait assez pour trouver un emploi convenable selon le deuxième facteur de Faucher. La Commission n’a présenté aucun argument ni sa propre position concernant le deuxième facteur de Faucher.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[37] Le prestataire a établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.

[38] Le prestataire affirme ne pas l’avoir fait parce qu’on soulevait ou assouplissait plusieurs des restrictions partout au pays. Il est demeuré disponible pour travailler d’après les conditions de son embauche et il était prêt, disposé et capable de continuer.

[39] Il soutient également qu’il a le droit de postuler des emplois qui comportent des politiques en matière de vaccination. Les affichages d’emploi qu’il a fournis mentionnent également que [traduction] « des mesures d’adaptation seront offertes aux personnes exemptées de la vaccination contre la COVID-19 pour des motifs protégés par les lois pertinentes sur les droits de la personne ».

[40] La Commission affirme que le prestataire a limité sa disponibilité en ce qui concerne les possibilités de travail autre que son employeur habituel. Il n’a postulé à aucun emploi pendant qu’il était en congé.Note de bas de page 14 Le prestataire a fourni des renseignements à l’appui concernant la politique de son employeur en matière de congéNote de bas de page 15. Celle-ci précise que le congé sans solde [traduction] « ne doit pas être utilisé pour permettre à un employé ou à une personne nommée à un poste de travailler pour un autre employeur ou organisme... ».

[41] Cette information est tirée de la dernière mise à jour de la politique de l’employeur en matière de congés de 2016.Note de bas de page 16 Je peux choisir de tenir compte de la politique de l’employeur, mais je n’y suis pas obligé. Je dois appliquer la Loi sur l’assurance-emploi. Peu importe ce que prévoit la politique, lorsqu’une personne demande des prestations à la Commission, c’est la Loi sur l’assurance-emploi qu’elle doit respecter. L’une des conditions essentielles pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi est l’obligation de chercher du travail. La politique de l’employeur n’invalide pas cette exigence.

[42] C’est ce que soutient la Cour d’appel fédérale. Dans une affaire, la Cour a déclaré qu’« [...] un prestataire ne peut pas se contenter d’attendre d’être rappelé au travail, mais doit se chercher du travail pour avoir droit à des prestations [...] »Note de bas de page 17. Dans une autre affaire, la Cour a déclaré qu’il importe peu qu’une personne estime que ses recherches d’emploi ne porteront pas des fruits, la Loi sur l’assurance-emploi est conçue de façon à ce que seules les personnes qui cherchent activement un emploi reçoivent des prestations.Note de bas de page 18

[43] Je conclus qu’il a effectivement limité ses chances de retourner au travail. Personne ne conteste le fait que son statut vaccinal a grandement réduit le nombre d’emplois disponibles. Le prestataire a accepté cela dans son témoignage. Je juge que le choix du prestataire de ne pas se faire vacciner a limité indûment ses chances de retourner travailler dans son propre domaine ou dans des emplois gouvernementaux. Cependant, une fois qu’il a commencé à élargir sa recherche d’emploi, son statut vaccinal ne limitait plus indûment ses chances.

[44] Le prestataire a déclaré qu’à la fin de septembre, il a commencé à travailler de façon occasionnelle dans le domaine de l’entretien. Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai accepté son compte rendu de recherches d’emploi après l’audience; on y voit qu’il a communiqué avec un fournisseur de logement local.Note de bas de page 19 Ce courriel, daté du 14 octobre 2022, est envoyé par le prestataire. Il s’est présenté et a affirmé qu’il aimerait travailler pour l’entreprise et qu’il avait aidé son ami la semaine précédente à terminer du travail.

[45] On ne mentionne pas si le travail effectué la semaine précédente était payé ou s’il [traduction] « aidait » simplement sans être payé. Le courriel est rédigé comme un courriel d’introduction et non comme un courriel où il y avait une relation de travail préétablie. J’estime que s’il s’était agi d’un poste rémunéré, le courriel n’aurait pas été rédigé aussi formellement par le prestataire.

[46] Le prestataire a déclaré que ce courriel s’est bel et bien avéré important et qu’il effectue maintenant des travaux d’entretien pour cette entreprise. Il a déclaré qu’il avait commencé à travailler à la fin de septembre 2022. Je juge que la date du 14 octobre 2022 est plus exacte. C’est la date à laquelle il a communiqué avec l’employeur. La semaine précédente, il aidait son ami, il n’exerçait pas un travail rémunéré pour l’entreprise.

[47] Je juge que cela montre que le prestataire a élargi sa recherche d’emploi à un domaine beaucoup plus vaste. Les emplois dans le secteur privé sont beaucoup plus susceptibles de ne pas avoir de politiques de vaccination. Les petits employeurs privés sont également plus susceptibles de ne pas avoir de politiques de vaccination. Pour cette raison, à compter du 14 octobre 2022, le prestataire ne limitait plus indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

Le prestataire était-il donc capable de travailler et disponible pour le faire?

[48] À la lumière de mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que le prestataire n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire avant le 14 octobre 2022. Toutefois, je juge qu’il a satisfait à compter du 14 octobre 2022 aux trois facteurs énoncés dans la décision Faucher et donc qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire.

Conclusion

[49] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi avant le 14 octobre 2022. C’est pourquoi je conclus que le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi avant cette date. Il est admissible au bénéfice des prestations à compter du 14 octobre 2022, pourvu qu’il remplisse toutes les autres conditions d’admissibilité.

[50] Par conséquent, l’appel est rejeté avec modifications.

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