Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 415

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une permission d’en appeler

Partie demanderesse : S. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 3 janvier 2023
(GE-22-3509)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 12 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-108

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Décision

[1] La permission d’en appeler n’est pas accordée. L’appel prend donc fin.

Aperçu

[2] La demanderesse, S. M. (prestataire), porte en appel la décision de la division générale. La division générale a conclu que la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, avait prouvé que la prestataire avait été suspendue puis avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a conclu qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension, puis son congédiement. La prestataire n’avait pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[3] Par conséquent, la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension, du 18 octobre 2021 au 29 octobre 2021. La prestataire a également été exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 30 octobre 2021, soit la date de son congédiement.

[4] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Elle affirme que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a conclu qu’elle travaillait de la maison. Elle affirme que la division générale a commis une erreur de droit en disant que sa conduite constituait une inconduite.

[5] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 2. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est close.

[6] Je considère que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en affirmant que la prestataire travaillait de la maison?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite?

Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel

[8] La division d’appel doit accorder la permission de faire appel, sauf si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès existe s’il y a une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[9] Une fois qu’une partie demanderesse obtient la permission de la division d’appel, l’appel est instruit. La division d’appel décide alors si la division générale a commis une erreur. Si la division d’appel décide que la division générale a commis une erreur, elle décide alors comment la corriger.

Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en décidant si la prestataire travaillait de la maison?

[10] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante en décidant qu’elle travaillait de la maison. La division générale a conclu que la prestataire travaillait effectivement chez elleNote de bas de page 4. La prestataire nie avoir déclaré qu’elle travaillait de la maison.

[11] La division générale a mal cité la preuve de la prestataire. Aucun des éléments de preuve n’a démontré que le prestataire travaillait à domicile. Tout au plus, la prestataire avait indiqué qu’elle avait la possibilité de travailler de la maison comme solution de rechange à la vaccinationNote de bas de page 5.

[12] Toutefois, la division d’appel n’intervient pas et n’offre pas de réparation pour chaque erreur de fait. La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que la division d’appel peut intervenir et offrir des réparations seulement pour certains types d’erreurs de fait.

[13] Le seul moment où la division d’appel peut intervenir en cas d’erreur de fait est lorsque la division générale a fondé sa décision sur cette erreur et si elle a commis cette erreur de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

[14] La division générale n’a pas fondé sa décision sur la question de savoir si la requérante travaillait de la maison. La division générale a conclu que cette question n’était pas pertinente. La division générale a écrit que la question de savoir si la requérante travaillait à domicile ou non était sans conséquence. La division générale a expliqué que, peu importe l’endroit où la prestataire travaillait, son [traduction] « obligation envers son employeur était de se conformer à la politique de vaccination, ce qui était une condition de maintien de l’emploi (citation omise)Note de bas de page 6 ».

[15] Je considère que la prestataire n’a pas de cause défendable sur ce point parce que la division générale n’a pas fondé sa décision sur l’erreur de fait qu’elle a commise.

Est-il possible de soutenir que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite?

[16] La prestataire soutient que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite. Elle soutient qu’une inconduite survient seulement lorsqu’un employé fait l’une des choses suivantes :

  1. a) néglige les procédures de sécurité;
  2. b) falsifie ses qualifications;
  3. c) s’absente souvent du travail;
  4. d) brise le lien de confiance;
  5. e) vole;
  6. f) abuse de substances telles que les drogues;
  7. g) fait de l’insubordination;
  8. h) entretient des relations non éthiques;
  9. i) est physiquement violent;
  10. j) participe à des activités illégales, ou
  11. k) se livre à un comportement répréhensible ou immoralNote de bas de page 7.

[17] La prestataire affirme que le dernier élément de cette liste est particulièrement important. Elle affirme qu’un employeur ne devrait jamais avoir le pouvoir d’exiger une intervention médicale sans obtenir le consentement éclairé de l’employé.

[18] La prestataire soutient que la politique de vaccination de l’employeur est erronée et immorale. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstances.

[19] La prestataire conteste les affirmations de son employeur selon lesquelles la vaccination était pour la sécurité de tout le monde, y compris les patients, leurs familles et le personnel. Elle affirme qu’au début, le personnel non vacciné devait s’occuper des patients atteints de la COVID-19, en se fiant uniquement à l’équipement de protection individuelle pour assurer sa sécurité. Elle se demande pourquoi son employeur a admis des adultes atteints de la COVID-19 dans un hôpital pour enfants s’il se préoccupait tant de la sécurité des patients. Elle s’interroge sur la logique du congédiement des employés qui prenaient soin des personnes atteintes de la COVID-19.

[20] La prestataire soutient également que son employeur aurait dû respecter sa demande de mesure d’adaptation religieuse. Elle affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’elle aurait dû recevoir une mesure d’adaptation religieuse de la politique de vaccination de son employeur.

[21] La division générale a souligné que la Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas ce qu’est une inconduite. La division générale s’est donc tournée vers les décisions de la Cour d’appel fédérale pour obtenir des conseils. La Cour d’appel fédérale a défini l’inconduite. La division générale a écrit :

[18] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite de la prestataire était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi. [citation omise]

[19] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédiée à cause de cela. [citation omise]

[20] La loi ne précise pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comporté. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi [sur l’assurance-emploi]. [citation omise]

[21] […] Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de la prestataire. [citation omise]

[22] La Cour d’appel n’a pas limité ce que constitue une inconduite aux comportements que la prestataire énumère. La Cour a fourni une définition plus large et plus générale de l’inconduite.

[23] La division générale est tenue de suivre les décisions des tribunaux. Par conséquent, il était approprié que la division générale s’appuie sur la définition d’inconduite de la Cour et l’applique aux faits.

[24] La Cour fédérale a récemment dissipé tout doute quant à l’existence d’une inconduite si une partie demanderesse ne se conforme pas à la politique de vaccination de son employeur. Dans une affaire appelée CecchettoNote de bas de page 8, le demandeur a été suspendu puis congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de son employeur en matière de vaccination et de dépistage. Le demandeur a fait valoir que la politique était discriminatoire et sans fondement. Il n’avait pas consenti à la politique et il a soutenu que les vaccins étaient dangereux et inefficaces. Il a nié qu’il y avait eu inconduite simplement parce qu’il n’avait pas respecté une politique avec laquelle il n’était pas d’accord.

[25] La Cour a établi que ni la division générale ni la division d’appel n’ont le pouvoir d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité d’une politique de vaccination ou de rendre une décision à ce sujet. Leur rôle est strictement de déterminer les raisons du congédiement d’une partie demanderesse et si ce motif constitue une inconduite. La Cour a conclu que c’est exactement ce que la division générale et la division d’appel ont fait.

[26] La division générale suivait la jurisprudence établie lorsqu’elle a décidé s’il y avait eu inconduite dans le cas de la prestataire. Pour cette raison, j’estime que la prestataire n’a aucune cause défendable fondée sur l’argument que la division générale a mal interprété ce qu’est une inconduite.

[27] Enfin, la prestataire affirme que son employeur aurait dû lui accorder une exemption religieuse. Cependant, comme la Cour d’appel fédérale l’a décidé dans l’affaire MishibinijimaNote de bas de page 9, la question de savoir si un employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour un employé n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit d’inconduite.

Conclusion

[28] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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