Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 347

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse : M. R.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 23 janvier 2023 (GE-22-3194)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 24 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-165

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Il n’a pas obtenu d’exemption. Il a donc demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. En conséquence, elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu après avoir refusé de suivre la politique de l’employeur. Celui-ci avait rejeté ses demandes d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait que, dans les circonstances, l’employeur allait probablement le suspendre. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu pour inconduite.

[5] Le prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel.Il soutient que la politique de l’employeur a porté atteinte à ses droits de la personne et à ses droits constitutionnels. Il avance que l’employeur a commis un acte criminel en menaçant, par voie d’une obligation, d’injecter certaines substances dans son corps, et ce, sans son consentement et à l’encontre de sa religion. Le prestataire fait valoir que la vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail. Il soutient que la procédure n’est pas équitable parce que la membre de la division générale est payée par le même employeur que lui : le gouvernement du Canada.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t‑il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait permettre d’accueillir l’appel.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t‑il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits de la personne et à ses droits constitutionnels. Il avance que l’employeur a commis un acte criminel en menaçant, par voie d’une obligation, d’injecter certaines substances dans son corps, et ce, sans son consentement et contre sa religion. Le prestataire fait valoir que la vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail. Il soutient que la procédure n’est pas équitable parce que la membre de la division générale est payée par le même employeur que lui : le gouvernement du Canada.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu pour inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle manière que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné la suspension Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Son employeur a rejeté ses demandes d’exemption, qui reposaient sur les croyances religieuses et les droits de la personne. Le refus du prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. Voilà la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de respecter la politique pouvait entraîner une suspension.

[17] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de son employeuse ou employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. Le fait de ne pas suivre une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est aussi considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[19] Personne ne conteste vraiment le fait qu’une employeuse ou un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur les lieux de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de Santé Canada pour mettre en œuvre sa propre politique dans le but de protéger son personnel durant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspenduNote de bas de page 4.

[20] Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection au personnel qui travaillait à domicile pendant la pandémie.

[21] La question de savoir si l’employeur a omis de mettre en place des mesures d’adaptation pour le prestataire en refusant de lui accorder une exemption, ou si l’employeur a violé ses droits en matière d’emploi, ou si la politique violait ses droits de la personne et ses droits constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 5.

[22] Récemment, dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a rendu une décision concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée de façon unilatérale par un employeur n’est pas une inconduite. Il avançait que personne n’avait prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Il se sentait victime de discrimination en raison d’un choix médical personnel. Il a affirmé avoir le droit de contrôler son intégrité physique et il a ajouté que ses droits avaient été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 6.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel voulant que, de par la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à régler ces questions. La Cour a convenu que, lorsqu’il a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré que le système juridique offre d’autres voies par lesquelles le prestataire peut adéquatement porter plainte.

[24] Dans une affaire précédente, appelée Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a jugé que c’était une question qui relevait d’une autre autorité.

[25] La Cour fédérale a ajouté que, pour sanctionner le comportement d’un employeur, les prestataires ont d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[26] Comme je l’ai expliqué plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle manière que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si l’inconduite a mené à la suspension.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[28] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[29] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre autorité, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[30] Le prestataire avance que la procédure n’est pas équitable parce que la membre de la division générale est payée par le même employeur que lui : le gouvernement du Canada.

[31] Une allégation de partialité à l’égard d’un tribunal, surtout de partialité réelle, et non une simple crainte de partialité, est très grave. Elle remet en question l’intégrité du tribunal et des membres qui ont pris part à la décision contestée. On ne fait pas une telle allégation à la légère. Elle ne peut pas reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou un simple sentiment éprouvé par une partie demanderesse et son avocate ou avocat. L’allégation doit être appuyée par des éléments de preuve importants qui démontrent un comportement dérogeant à la norme. Pour ce faire, il est souvent utile, et même nécessaire, de recourir à des éléments de preuve externes aux faits de l’affaire. 

[32] Je conclus que les allégations du prestataire ne reposent sur aucune preuve. Le rôle de la membre de la division générale était d’examiner les éléments de preuve présentés par les deux parties, de déterminer les faits pertinents à la question de droit qu’elle devait trancher et d’articuler par écrit sa propre décision indépendante sur la question.

[33] Je constate que la division générale a examiné tous les arguments du prestataire. Dans sa décision, la membre de la division générale a expliqué en détail pourquoi elle n’acceptait pas les arguments du prestataire et pourquoi la preuve prépondérante venait appuyer la conclusion d’inconduite. 

[34] Je ne vois aucun élément de preuve déterminant qui montrerait que la conduite de la membre de la division générale déroge à la norme. Je tiens à répéter qu’une telle allégation ne peut pas reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou un simple sentiment qu’éprouvent les prestataires.

[35] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou le non‑respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, dont la décision serait entachée.

[36] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[37] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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