Assurance-emploi (AE)

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Citation : CM et al. c Commission de l’assurance-emploi du Canada et X, 2022 TSS 1727

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. M. et al.
Représentante : Martin Savoie
Témoins : C. M.
M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause : X
Représentant : Me Pierrick Bazinet

Décision portée en appel : Décisions découlant de la révision rendues par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquées par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 mai 2022
DATE DU CORRIGENDUM : Le 2 août 2022
Personnes présentes à l’audience : Représentant des appelants
Témoins
Représentant de la partie mise en cause
Date de la décision : Le 14 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-20-2036 et al.

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Les prestataires n’effectuaient pas des semaines entières de travail du 21 juillet 2019 au 2 août 2019. Par conséquent, ils peuvent recevoir des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a conclu que les prestataires ont effectué des semaines entières de travail pendant la période du 21 juillet 2019 au 2 août 2019. La Commission considère que les prestataires étaient en vacances prévues et qu’ils n’étaient donc pas en chômage. Par conséquent, la Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas recevoir des prestations d’assurance‑emploi.

[4] Les prestataires ne sont pas d’accord et soutiennent qu’ils devraient recevoir des prestations d’assurance‑emploi. Ils affirment qu’ils étaient au chômage puisqu’il s’agissait d’un manque de travail causé par la fermeture de l’entreprise.

Questions que je dois examiner en premier

[5] Le présent appel concernait 109 [108] prestatairesNote de bas page 1 qui étaient à l’emploi du X. Dans ces 109 [108] dossiers, la Commission a rendu une décision sur la question de la semaine de chômage, rendant les prestataires inadmissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour la période du 21 juillet 2019 au 3 août 2019 en raison du fait qu’ils n’étaient pas considérés comme étant en chômage.

[6] Les prestataires étaient représentés par Me Martin Savoie. Une seule audience commune a été tenue le 18 mai 2022. Me Pierrick Bazinet, représentant de l’employeur était aussi présent. Il n’a fait aucune représentation outre pour indiquer qu’il supportait la position de ses employés. M. M., représentant permanent syndical était présent à titre de témoin. C. M. était aussi présent à titre de prestataire et de témoin.

[7] Je rédige donc une décision commune pour les 109 [108] dossiers concernés par ce litige. Je note aussi que, sauf avis contraire, 11 autres dossiers seront traités dans des décisions distinctes étant donné que la Commission a rendu des décisions en lien avec la disponibilité dans ces derniers. Ils feront aussi l’objet d’une audience distincte prévue à une date ultérieure.

Question en litige

[8] Les prestataires étaient-ils considérés comme étant en chômage pour la période du 22 juillet au 2 août 2019 ?

Analyse

Conditions requises

[9] Les prestations d’assurance-emploi sont payables à un assuré qui remplit les conditions requises et formule une demande initiale de prestations pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestationsNote de bas page 2.

[10] Je prends donc en considération que la Commission considère que les prestataires remplissent les conditions requises pour établir une demande de prestations. Plus précisément, la Commission est d’avis que les prestataires ont eu un arrêt de rémunération provenant de leur emploi et ont exercé un emploi assurable pour le nombre assurable requisNote de bas page 3. La Commission ne présente aucun argument à l’effet que les prestataires ne rencontrent pas les conditions requises.

Semaine de chômage

[11] Une fois qu’un prestataire remplit les conditions pour établir une demande de prestations, des prestations lui sont payables pour chacun des semaines pendant laquelle il est en chômageNote de bas page 4.

[12] Deux critères servent à déterminer si un prestataire est en chômage :

  1. a) le prestataire ne doit pas effectuer une semaine entière de travailNote de bas page 5;
  2. b) Si un contrat de louage de services d’un prestataire se poursuit et que le prestataire reçoit ou recevra sa rétribution habituelle pour une semaine entière de travail, il ne s’agit pas d’une semaine de chômage, même si le prestataire peut être dispensé de l’exercice de ses fonctions normales ou n’a en fait aucune fonction à exercer à ce moment-làNote de bas page 6.

[13] Selon le premier critère, je suis d’accord avec le fait que les prestataires n’ont pas exercé une semaine de travail. L’entreprise est fermée et aucun travail n’y est effectuéNote de bas page 7.

[14] Pour le second critère, je constate qu’il est nécessaire à un prestataire de démontrer qu’aucun contrat de louage de services ne se poursuit ET qu’il ne reçoit pas ou ne recevra pas sa rétribution habituelle pour une semaine entière de travail.

Contrat de louage de services

[15] La Commission est d’avis que le contrat de louage s’est poursuivi pendant la période de fermeture de l’entreprise puisqu’il était prévu que le prestataire retournerait au travail après la période des vacances de la construction. Conséquemment, en vertu des paragraphes 10.1(1) et 10.1(2) du Règlement, on peut conclure qu’il s’agit de vacances prévues et payées. Ainsi, l’employé est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’il aurait normalement travaillé.

[16] Je suis d’avis que les contrats de louage de services des prestataires se poursuivent pendant les deux semaines de fermeture de l’entreprise.

[17] Les prestataires sont liés par une convention collective. C’est cette même convention qui prévoit que « L’employeur fermera l’usine durant les deux (2) semaines de vacances d’été de la construction du Québec »Note de bas page 8.

[18] De plus, il est prévu que les prestataires reprennent leur emploi après les deux semaines de fermeture.

[19] Il est possible d’inférer du paragraphe 11(2) de la Loi « qu’un prestataire qui a conclu un contrat de louage de services, mais qui ne reçoit pas une semaine entière de salaire, peut considérer cette période comme une semaine de chômage. C’est une situation qu’on rencontre souvent dans les cas de mise à pied temporaire : le contrat de louage de services se poursuit, mais il y a interruption de rémunération et le prestataire a droit à des prestations s’il répond aux conditions. Aucune des exceptions prévues aux articles 29 à 33 du Règlement ne s’applique; il n’est donc pas possible de modifier la règle du paragraphe 11(2) en l’espèce. Le fait qu’un prestataire ait un contrat de louage de services, c’est-à-dire un emploi assurable, ne l’exclut pas automatiquement du bénéfice des prestations d’AE »Note de bas page 9.

[20] Ainsi, même si les prestataires étaient toujours sous contrat de louage de services avec leur employeur, ils ne sont pas automatiquement considérés comme n’étant pas en chômage. S’ils ne reçoivent pas leur rétribution habituelle, ils seront considérés comme étant en chômage.

Rétribution habituelle pour une semaine entière de travail

[21] Le Règlement prévoit que lorsqu’un assuré est rétribué par l’employeur pour une période de congé, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’il aurait travailléesNote de bas page 10.

[22] Le représentant des appelants affirme que l’employeur ferme ses portes pendant 2 semaines, chaque période de la construction. Il affirme qu’il ne s’agit pas de vacances, mais bien d’une fermeture d’entreprise. Ainsi, les prestataires sont en chômage puisqu’ils ne peuvent travailler en raison de la fermeture de l’entreprise. Il affirme que cette période ne fait pas partie des vacances des employés. De plus, il explique qu’ils ne sont pas rémunérés pour cette période de vacances. L’employeur verse la paie de vacances accumulée en fiducie et celle-ci est remise aux employés en juillet et en décembre, selon la convention collective.

[23] La Commission est d’avis que la fermeture de l’entreprise est une période de vacances prévues et payées. Ainsi, la Commission est d’avis que les prestataires sont donc réputés avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures qu’ils auraient normalement travaillé. Les employés auraient donc reçu leur rétribution habituelle pour des semaines de vacances prévues, et ce, même si aucune fonction n’a été exercée.

Vacances versées en fiducie

[24] D’abord, je veux examiner la question des vacances versées en fiducie.

[25] Je prends en considération que la convention collective prévoit que la paie de vacances des employés soit versée dans une fiducie à chaque paie, en fonction du pourcentage de vacances auquel ils ont droit. Puis, ces sommes sont reversés aux employés en juillet et en décembre chaque année.

[26] La Commission confirme que lorsque cette paie de vacances est versée aux employés par la fiducie, la somme est alors considérée comme étant une épargne et non comme une rémunérationNote de bas page 11.

[27] La Commission confirme que la paie de vacances n’a pas valeur de rémunération au moment où elle est versée puisque celle-ci est considérée comme étant de l’épargne. Elle considère que le litige du présent appel est différent puisqu’il s’agit du décompte des heures assurables associées aux périodes de vacances et non la répartition de la rémunérationNote de bas page 12.

[28] Je suis d’accord avec le fait que la répartition de la rémunération n’est pas en cause dans le présent dossier. La paie de vacances reçue par les employés n’est pas une rémunération et est considérée comme étant de l’épargne lorsque celle-ci est versée par la fiducie.

[29] Dans les faits, la question n’est pas de savoir si la somme versée par la fiducie aux employés est une rémunération qui doit être répartie au sens du Règlement. La question dont je suis saisie est de savoir si les prestataires reçoivent leur rétribution habituelle pour la période de fermeture de deux semaines pendant les semaines de la construction du Québec.

Les prestataires ont-ils reçu leur rétribution habituelle pour la période du 22 juillet 2019 au 2 août 2019 ?

[30] Je suis d’avis que les prestataires n’ont pas reçu leur rétribution habituelle pendant la période du 22 juillet au 2 août 2019. En effet, il n’y a aucune indication que les prestataires ont été payés selon la rémunération qu’ils auraient habituellement reçue si l’entreprise n’avait pas été fermée.

[31] D’abord, l’employeur émet un relevé d’emploi indiquant un dernier jour payé le 17 juillet 2019. De plus, à cette date, il indique un manque de travailNote de bas page 13. L’employeur agirait de manière contraire à la Loi en émettant un relevé d’emploi alors que les prestataires continuent de recevoir une rémunération puisque l’origine de l’émission de ce relevé est le manque de travail lié à la fermeture de l’entreprise.

[32] Puis, la convention prévoit le versement du paiement des vacances (montant mis en fiducie) à deux moments dans l’année, soit en janvier et en juillet. Ce paiement se fait indépendamment du moment de la fermeture de l’entreprise.

[33] Enfin, même si je suis d’avis que l’argument du représentant des prestataires ne peut s’appliquer étant donné le nombre d’années d’ancienneté des prestatairesNote de bas page 14, je le reprends tout de même. Le représentant indique en effet qu’un employé qui débuterait son emploi en avril de l’année en cours n’aurait pas suffisamment de jours de vacances pour obtenir sa rémunération habituelle pour les deux semaines de fermeture.

[34] Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’est pas démontré que les prestataires ont reçu leur rétribution habituelle pendant la période du 22 juillet au 2 août 2019.

Rétribution différée

[35] Je constate que la Loi prévoit qu’une semaine, totale ou partielle, n’est pas une semaine de chômage lorsque :

  • elle fait partie d’une période de congé en conformité avec une entente entre un employeur et un employé,
  • fait partie d’une période de congé durant laquelle l’employé demeure employé de cet employeur
  • l’employé reçoit, indépendamment du moment du versement, la partie de sa rétribution qui a été mise de côtéNote de bas page 15.

[36] Il n’est pas remis en question que les prestataires reçoivent l’épargne accumulée en fiducie, deux fois par année. En effet, la convention collective prévoit un versement « aux vacances d’été [et] au congé des Fêtes d’hiver »Note de bas page 16.

[37] En ce qui a trait au fait que la période de congé doit faire partie d’une entente, je constate que la version anglaise de la Loi réfère à « the employee takes the period of leave » lorsqu’elle parle de la période de congé.

[38] Or, même s’il existe une convention collective et donc une entente pour la fermeture des deux semaines de la construction, je pourrais difficilement conclure que l’employé « prend » une période de congé à ce moment. En effet, à l’inverse, étant donné la fermeture de l’entreprise, un employé ne pourrait pas demeurer au travail et ne peut travailler en raison de la fermeture de l’entreprise.

[39] Dans les faits, la convention collective indique que « L’Employeur fermera l’usine durant les deux (2) semaines de vacances d’été de la construction du Québec »Note de bas page 17.

[40] De plus, même si le prestataire n’a pas réussi à me convaincre que cette période n’était pas incluse dans le nombre de jours de vacances qu’il obtient annuellement et qu’il avait confirmé que c’était le cas à la CommissionNote de bas page 18, je constate que les réponses diffèrent d’un employé à l’autre. Ainsi, en lisant attentivement la convention collective, je suis d’avis que cette situation n’est ni confirmée ni infirmée par la convention collective.

[41] De plus, je constate que l’employeur confirme qu’aucune demande de vacances n’est présentée par les employés pour cette périodeNote de bas page 19. Les employés n’ont donc pas le choix de travailler ou non.

[42] Par conséquent, je suis d’avis que sur une balance des probabilités, il n’est pas démontré que les prestataires ont reçu une rétribution différée pour les semaines du 22 juillet 2019 au 2 août 2019.

Conclusion

[43] Je conclus que les prestataires étaient chômage puisque malgré le fait qu’ils avaient un contrat de louage de services, ils n’ont pas reçu leur rétribution habituelle pour les semaines du 22 juillet 2019 au 2 août 2019.

[44] L’appel est donc accueilli.

Annexe 1 – Liste des dossiers/prestataires visés par cette décision

GE-20-2106 A. M.
GE-20-2010 B. F.
GE-20-2013 B. C.
GE-20-2109 B. O.
GE-20-2167 B. R.
GE-20-2125 I. C.
GE-20-2110 I. R.
GE-20-2158 B. A.
GE-20-2172 B. B.
GE-20-2211 O. C.
GE-20-2067 B. M.
GE-20-2064 B. N.
GE-20-2133 B. S.
GE-20-2223 O. R.
GE-20-2035 B. G.
GE-20-2065 R. F.
GE-20-2136 B. K.
GE-20-2135 C. D.
GE-20-2138 C. A.
GE-20-2079 H. D.
GE-20-2140 L. A.
GE-20-2213 L. R.
GE-20-2146 C. J.
GE-20--2130 O. D.
GE-20-2162 C. N.
GE-20-2169 D. A.
GE-20--2113 D. I.
GE-20-2134 D. V.
GE-20-2152 D. S.
GE-20-2179 D. M.
GE-20-2156 D. É.
GE-20-2107 D. M.
GE-20-2141 U. M.
GE-20-2212 F. L.
GE-20-2219 F. H.
GE-20-2137 F. C.
GE-20-2170 G. S.
GE-20-2066 G. A.
GE-20-2173 G. D.
GE-20-2132 G. B.
GE-20-2128 I. B.
GE-20-2073 G. G.
GE-20-2041 G. J.
GE-20-2174 G. L.
GE-20-2240 G. M.
GE-20-2183 I. M.
GE-20-2120 I. S.
GE-20-2184 R. S.
GE-20-2022 O. S.
GE-20-2124 G. F.
GE-20-2121 O. G.
GE-20-2175 G. J.
GE-20-2119 G. N.
GE-20-2214 L. S.
GE-20-2012 L. F.
GE-20-2151 A. R.
GE-20-2221 A. A.
GE-20-2147 V. A.
GE-20-2139 L. D.
GE-20-2117 L. L.
GE-20-2070 L. J.
GE-20-2037 L. D.
GE-20-2178 L. C.
GE-20-2148 O. C.
GE-20-2116 M. F.
GE-20-2036 M. C.
GE-20-2111 M. G.
GE-20-2242 M. L.
GE-20-2144 M. Y.
GE-20-2150 M. J.
GE-20-2182 M. R.
GE-20-2122 N. G.
GE-20-2192 N. P.
GE-20-2131 N. S.
GE-20-2163 O. S.
GE-20-2115 O. M.
GE-20-2072 P. D.
GE-20-2123 P. J.
GE-20-2074 P. M.
GE-20-2071 R. M.
GE-20-2142 P. D.
GE-20-2181 P. C.
GE-20-2143 O. C.
GE-20-2129 P. A.
GE-20-2166 P. G.
GE-20-2021 O. J.
GE-20-2126 P. L.
GE-20-2145 O. M.
GE-20-2043 U. M.
GE-20-2194 P. P.
GE-20-2171 O. P.
GE-20-2075 P. S.
GE-20-2045 Q. L.
GE-20-2160 B. M.
GE-20-2159 R. C.
GE-20-2127 R. I.
GE-20-2149 S. B.
GE-20-2077 S. K.
GE-20-2014 T. M.
GE-20-2176 N. M.
GE-20-2161 T. P.
GE-20-2165 T. A.
GE-20-2112 T. S.
GE-20-2076 U. S.
GE-20-2168 V. J.
GE-20-2118 V. M.
GE-20-2069 V. N.
GE-20-2177 E. N.
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