Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 361

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (500082) datée du 5 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 22 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2790

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. Je ne suis pas d’accord avec D. S, qui est l’appelant (prestataire) dans la présente affaire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement).

[3] Le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa période de suspension du 1er février 2022 au 8 juillet 2022Note de bas de page 1.

Aperçu

[4] Le prestataire travaillait comme technicien de terrain pour une entreprise de télécommunications. L’employeur l’a mis en congé sans solde (suspendu) parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[5] Même si le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme que ne pas respecter la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[6] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer la suspension. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. La Commission a donc conclu que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Partie mise en cause potentielle

[7] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’ancien employeur de la partie prestataire pour lui demander s’il veut être mis en cause dans l’appel. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans cet appel parce que rien dans le dossier n’indique que ma décision pourrait lui imposer des obligations juridiques.

Documents en retard

[8] Dans l’intérêt de la justice, j’ai accepté les observations et les documents reçus après l’audience du 10 janvier 2023 Note de bas de page 2.

[9] Au début de l’audience, le prestataire a indiqué qu’il avait reçu et examiné tous les documents d’appel jusqu’aux documents GD10. Toutefois, pendant l’audience, il n’a pas pu trouver ou se rappeler avoir reçus les documents GD3. J’ai pris des dispositions pour que le Tribunal lui envoie par courriel une autre copie des documents GD3 pendant l’audience. Avant de se déconnecter de l’audience, le prestataire a confirmé avoir reçu les documents GD3. Il dit qu’il a pu les ouvrir et les consulter.

[10] Pour respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, j’ai autorisé le prestataire à présenter ses observations finales par courriel au plus tard le 17 janvier 2023. Ses observations supplémentaires ont été reçues le 13 janvier 2023. Aucune autre observation n’a été reçue avant la date limite.

[11] La Commission a reçu des copies des observations présentées en retard et a eu l’occasion d’y répondre. Je juge donc qu’il n’y aurait aucun préjudice pour l’une ou l’autre des parties si les documents en retard étaient acceptés.

Questions en litige

[12] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[13] La loi dit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique tant en cas de congédiement que de suspensionNote de bas de page 3.

[14] Pour décider si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois examiner pour quelle raison le prestataire a été suspendu. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[15] Les deux parties conviennent que le prestataire a été mis en congé sans solde (suspendu) parce qu’il a refusé de se faire vacciner avant la date limite fixée dans la politique de vaccination de son employeur.

[16] Je ne vois rien dans le dossier qui pourrait m’amener à conclure autrement. Je conclus donc que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il a refusé de se faire vacciner conformément à la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[17] Oui. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Voici les éléments que j’ai examinés.

[18] Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite du prestataire était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5.

[19] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est‑à‑dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que sa conduite soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[20] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raisonNote de bas de page 7.

[21] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu ou congédié en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu ou congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 8.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Le 1er septembre 2021, l’employeur a avisé le prestataire qu’il devait fournir une preuve de vaccination.
  • Le prestataire savait que tous les employés devaient fournir une preuve qu’ils étaient entièrement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. Cette date limite a été repoussée au 31 janvier 2022.
  • Le prestataire savait qu’il serait mis en congé sans solde (suspendu) s’il ne divulguait s’il était entièrement vacciné.
  • Le prestataire n’a pas demandé de mesures d’adaptation ni d’exemption de la politique.

[23] Le prestataire affirme qu’il travaillait à domicile et que la politique ne devrait donc pas s’appliquer à lui. Il croit que son employeur a fait preuve de discrimination envers lui. Ses décisions de santé lui appartiennent. Il soutient que la politique de vaccination de son employeur violait ses droits garantis par la Charte. L’employeur a enfreint le Code criminel en forçant ses employés à subir un traitement médical. La politique de vaccination ne fait pas partie, expressément ou implicitement, directement ou indirectement, d’une convention collective entre l’employeur et le syndicat.

[24] Le prestataire reconnaît avoir reçu les courriels du siège social l’informant qu’il serait suspendu sans solde s’il ne respectait pas la politique de vaccination. Il dit qu’il a ignoré ces courriels parce qu’ils lui demandaient de se faire injecter un vaccin qu’il n’approuvait pas. Il a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner.

[25] Cinq jours avant l’audience, le prestataire a déposé une copie de la décision du Tribunal AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, GE‑22‑1889Note de bas de page 9. Il dit que son appel devrait être accueilli comme celui d’A. L.pour les raisons suivantes :

  • laconvention collectived’A. L. n’exigeait pas qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19;
  • le Tribunal a conclu qu’A. L. avait le droit selon la jurisprudence canadienne de refuser de se faire vacciner;
  • la Commission n’a pas tenu compte de ces deux conclusions.

[26] Je ne suis pas liée par les autres décisions rendues par le TribunalNote de bas de page 10. Je n’ai donc pas à les suivre, mais je peux m’appuyer sur elles pour me guider si je les trouve convaincantes ou utiles.

[27] En toute déférence, je ne suis pas convaincue par les conclusions ou les motifs du membre dans la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada. Si je comprends bien, ce membre a rendu sa décision sur la base de sa conclusion selon laquelle l’employeur avait imposé unilatéralement sa politique de vaccination et de sa conclusion concernant la question de savoir si la prestataire était légalement justifiée de refuser de se faire vacciner contre la COVID-19.

[28] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la conduite de l’employeur pour décider s’il y a eu inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[29] Le prestataire a également soutenu qu’il avait le droit de refuser de se faire vacciner en se fondant sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c Morgentaler, [1988] 1 RCS 30. Je ne suis pas d’accord parce que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux déclaré que la question de savoir si un employeur a offert ou non des mesures d’adaptation à un employé suivant la législation sur les droits de la personne n’est pas pertinente à la question de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause. De telles questions peuvent être jugées par d’autres instancesNote de bas de page 13.

[30] Il est également important de savoir que je ne peux pas décider si d’autres lois offraient d’autres options au prestataire. Je n’ai pas à décider s’il a été suspendu injustement ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 14. Je peux seulement évaluer si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[31] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le refus du prestataire de se faire vacciner était délibéré ou intentionnel. Il y avait un lien de cause à effet entre son refus de se faire vacciner et sa suspension. Je conclus donc que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[32] La demande (période de prestations) a commencé le 30 janvier 2022. Le prestataire est retourné au travail le lundi 11 juillet 2022. Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du lundi 1er février 2022 au vendredi 8 juillet 2022Note de bas de page 15.

Conclusion

[33] La Commission a prouvé que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite. Il n’est donc pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi.

[34] L’appel est rejeté et la période d’inadmissibilité est modifiée.

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