Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 348

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : José Lachance

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 14 novembre 2022
(GE-22-2644)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 15 février 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 27 mars 2023
Numéro de dossier : AD-22-840

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur de droit en décidant de ne pas examiner : 1) la légalité de la politique de vaccination de l’employeur ; 2) la question de savoir si l’appelant, A. G. (prestataire), devait se conformer à une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial. Le prestataire demeure exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[2] Le prestataire fait appel de la décision de la division générale. Celle-ci a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a conclu qu’il avait fait quelque chose qui lui avait fait perdre son emploi. Le prestataire n’a pas respecté la politique de son employeur qui l’obligeait à se faire vacciner et à divulguer son statut vaccinal. Par conséquent, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence et de droit. Plus précisément, il soutient qu’elle n’a pas vérifié si la politique de vaccination de son employeur était légale. Il affirme que la politique a enfreint plusieurs lois. Il soutient donc que si la division générale avait considéré et accepté que la politique violait plusieurs lois, elle aurait conclu qu’il n’avait pas à se conformer à une politique illégale. Il fait valoir qu’elle aurait conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite dans ces circonstances.

[4] Le prestataire soutient également que la politique de vaccination représentait une nouvelle condition d’emploi. Il fait valoir que son employeur n’est pas autorisé à lui imposer de nouvelles politiques sans son consentement. Il affirme donc que son refus de suivre la nouvelle politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] Le prestataire demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

[6] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur. Elle affirme que la politique de vaccination de l’employeur n’avait rien d’illégal et que les employeurs peuvent adopter de telles politiques, car elles sont conformes à leur obligation générale d’assurer la sécurité et la santé au travail. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige dans le présent appel :

  1. a) La division générale a-t-elle omis de vérifier si la politique de vaccination de l’employeur était légale?
  2. b) La division générale a-t-elle omis d’examiner si le prestataire devait se conformer à la politique de vaccination de son employeur, car elle ne faisait pas partie de son contrat de travail?

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale en cas d’erreurs de compétence, de procédure, de droit ou de certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.

Rappel des faits

[9] Les faits généraux ne sont pas contestés. Le prestataire travaillait comme gardien de sécurité dans un établissement qui produit du cannabis. Son employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire. Contrairement aux établissements de soins de santé ou de soins de longue durée, le prestataire affirme que son employeur n’était pas tenu de mettre en œuvre une politique de vaccination.

[10] Pour diverses raisons, le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur, ce qui a entraîné son congédiement. Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi, mais la Commission a rejeté sa demande, concluant qu’il y avait eu une inconduite. Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale.

[11] La division générale a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et que ses actions avaient mené à son congédiement. Elle a également conclu qu’il avait agi de façon délibérée et qu’il savait que le refus de se faire vacciner ou de divulguer son statut vaccinal lui ferait probablement perdre son emploi.

La division générale a-t-elle omis de vérifier si la politique de vaccination de l’employeur était légale?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence. Il avance que la division générale aurait dû vérifier si la politique de vaccination de son employeur était légale. Le prestataire soutient que la politique a enfreint plusieurs lois ou politiques, y compris le Code de Nuremberg, les politiques de l’Association médicale canadienne, ses droits fondamentaux et ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

[13] Le prestataire affirme que si la division générale avait accepté que la politique de son employeur était illégale, elle aurait conclu qu’il n’avait pas à s’y conformer et qu’il n’y avait pas eu d’inconduite.

[14] La Commission convient que la division générale n’a pas vérifié si la politique de l’employeur était légale. Cependant, elle fait valoir que même si elle l’avait fait, cela n’aurait pas changé le résultat.

[15] La division générale a reconnu l’argument du prestataire selon lequel la politique de son employeur était illégale, discriminatoire et injuste, et qu’elle violait plusieurs lois ou principes juridiquesNote de bas de page 2. Elle n’a pas vérifié si la politique de l’employeur était légale, ni si le prestataire devait s’y conformer ou si le refus de s’y conformer constituait une inconduite.

[16] La division générale a établi que la seule question qu’elle devait trancher était celle de savoir si les gestes posés par le prestataire répondaient à la définition d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[17] En accordant la permission de faire appel sur cette question, j’ai souligné que la Cour d’appel fédérale avait laissé entendre que, tant que la directive d’un employeur est légale, les membres du personnel doivent s’y conformerNote de bas de page 3. Le refus de le faire constituerait une inconduite. J’estime que ce qui doit découler de tout cela est que si la directive ou la politique d’un employeur est, par contre, illégale, on pouvait soutenir qu’un membre du personnel ne devrait pas avoir à se conformer à une telle politique et qu’il n’y avait pas d’inconduite.

Selon la décision Cecchetto c Canada (Procureur général), la légalité d’une politique de vaccination n’est pas pertinente à la question de l’inconduite

[18] La Cour fédérale a récemment fourni plus de précisions sur cette question. Dans l’affaire Cecchetto c Canada (Procureur général)Note de bas de page 4, M. Cecchetto a soutenu que la Cour fédérale devrait annuler la décision de la division d’appel dans son cas. Il a dit que la division d’appel n’avait pas répondu à ses questions sur la légalité d’exiger que les membres du personnel se soumettent à des procédures médicales, dont la vaccination et des tests.

[19] M. Cecchetto a fait valoir qu’étant donné que l’efficacité et l’innocuité de ces procédures n’étaient pas prouvées, il ne devrait pas avoir à se faire vacciner. Il affirme qu’il y avait des raisons légitimes de refuser la vaccination. Par conséquent, il dit que son choix de ne pas se faire vacciner n’aurait pas dû être considéré comme une inconduite.

[20] La Cour a écrit ce qui suit [traduction] :

[46] Comme je l’ai mentionné plus haut, il est probable que le demandeur [Ceccheto] trouvera ce résultat frustrant, car mes motifs ne traitent pas des questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. En effet, bon nombre de ces questions dépassent tout simplement la portée de la présente affaire. Il n’est pas déraisonnable qu’une personne qui rend une décision omette d’aborder des arguments juridiques s’ils ne relèvent pas de son mandat juridique.

[47] La division générale et la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale ont un rôle important, mais restreint et précis à jouer au sein du système juridique. Dans la présente affaire, ce rôle consistait à établir pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite ».

[48] Malgré les arguments du prestataire, il est impossible d’annuler la décision de la division d’appel parce qu’elle a omis d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6, ou de rendre de décision à ce sujet. Ce type de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel, ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 5. [Citation omise]

(C’est moi qui souligne)

[21] La division d’appel n’a tiré aucune conclusion dans l’affaire Cecchetto concernant la légalité de la politique de vaccination. La Cour a dit que cela dépassait simplement la portée de la division d’appel. La Cour a déclaré que la division d’appel a un rôle très limité. Celui-ci se limite à établir les raisons pour lesquelles une partie prestataire est congédiée de son emploi, et si ce motif constitue une inconduite.

[22] Il ressort clairement de la décision Cecchetto que les arguments du prestataire au sujet de la légalité de la politique de vaccination de son employeur ne sont pas pertinents pour la question de l’inconduite. Ainsi, la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a décidé qu’elle pouvait se concentrer uniquement sur ce que le prestataire a fait ou omis de faire, et sur la question de savoir si cela constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

La division générale a-t-elle omis d’examiner si le prestataire devait se conformer à une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail?

[23] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas examiné s’il devait se conformer à une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial. Il affirme qu’il n’avait pas à se conformer à la politique de vaccination de son employeur parce que son contrat de travail n’exigeait pas qu’il se fasse vacciner.

[24] La division générale a pris note de l’argument du prestataire selon lequel la vaccination n’était pas une condition de son emploi et qu’il n’avait donc pas à se conformer à la politiqueNote de bas de page 6. Cependant, elle ne l’a pas abordé directement et elle n’a tiré aucune conclusion sur les conditions d’emploi du prestataire.

[25] Le prestataire affirme que si la division générale avait examiné cette question, elle aurait conclu que la politique de vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail. Comme cela ne faisait pas partie de son contrat de travail initial et qu’il dit que son employeur n’avait pas le droit d’imposer de nouvelles conditions d’emploi sans son consentement, il n’était pas tenu de se conformer à la nouvelle politique. Si, comme il le dit, il n’avait pas à se conformer à la politique de vaccination de son employeur, le prestataire nie qu’il aurait pu y avoir une inconduite lorsqu’il a refusé de se faire vacciner.

Le prestataire invoque la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada

[26] Le prestataire s’appuie sur la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 7. Le prestataire soutient que ses circonstances sont les mêmes que celles dans l’affaire AL. Il dit que la division générale aurait donc dû appliquer les principes énoncés dans cette décision. (La division générale a rendu la décision AL un mois plus tard, alors même si la division générale n’aurait pas pu la suivre, le prestataire dit essentiellement que les mêmes principes s’appliquent.)

[27] Dans l’affaire AL, la division générale a examiné si A. L. avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. A. L. n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur. La division générale a conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite dans le cas d’A. L. parce que l’employeur avait mis en place une politique de vaccination sans consulter les membres du personnel et sans obtenir leur consentement.

[28] Dans cette affaire, la division générale a décidé qu’aucune des parties ne pouvait unilatéralement imposer de nouvelles conditions au contrat de travail. La division générale a conclu que seule la loi permet à un employeur d’agir unilatéralement et d’exiger qu’un membre du personnel s’y conformeNote de bas de page 8.

Le contrat de travail du prestataire n’exigeait pas la vaccination

[29] Le prestataire m’a informé qu’il n’avait pas fourni de copie de son contrat de travail original à la division générale, bien qu’il y ait fait référence dans son avis d’appelNote de bas de page 9. Malgré cela, je suis prête à accepter que le contrat de travail initial du prestataire n’exigeait pas la vaccination contre la COVID-19 ni une preuve de vaccination. Je n’ai aucune raison de ne pas le croire.

Un employeur peut imposer unilatéralement de nouvelles conditions en dehors du contrat de travail

[30] Le fait que le contrat de travail ne contenait peut-être aucune disposition sur la vaccination n’empêchait pas l’employeur d’imposer unilatéralement de nouvelles conditions ou exigences au prestataire.

[31] Je reconnais que dans l’affaire AL, la division générale a conclu qu’aucune des parties ne pouvait imposer unilatéralement de nouvelles conditions, mais cette conclusion est incompatible avec une loi bien établie.

[32] Dans un contexte où le personnel est syndiqué, un employeur peut imposer unilatéralement toute règle ou politique, même si le syndicat n’est pas d’accord, pourvu que cela soit raisonnable et conforme à la convention collectiveNote de bas de page 10. C’est ce qu’on appelle le « critère énoncé dans KVP ». Les tribunaux ont toujours appuyé ce critère.

[33] L’emploi du prestataire n’était pas dans un milieu syndiqué. Cependant, les tribunaux ont couramment utilisé cette approche en dehors du contexte syndicalNote de bas de page 11. Autrement dit, tant que la politique ou la règle de l’employeur est conforme au contrat de travail et qu’elle est raisonnable dans l’ensemble, l’employeur peut imposer unilatéralement de nouvelles politiques ou règles.

La division générale a un rôle limité dans les questions qu’elle peut examiner

[34] Si la Cour fédérale a établi que l’évaluation du bien-fondé, de la légitimité ou de la légalité de la politique de vaccination d’un employeur ne relève pas de la compétence de la division générale, il devrait en être de même lorsque la question du caractère raisonnable d’une politique de vaccination se pose.

[35] Cela voudrait dire que la division générale n’a aucun rôle à jouer pour décider si une politique de vaccination est raisonnable, si elle sert à évaluer l’inconduite ou à d’autres fins, par exemple pour examiner si un employeur peut imposer unilatéralement une règle ou une politique en milieu de travail.

[36] Après tout, il semblerait déraisonnable que, d’une part, la division générale n’ait ni le mandat ni la compétence de décider du bien-fondé, de la légitimité ou de la légalité d’une politique de vaccination, mais que, d’autre part, elle ait ensuite un mandat large pour décider du caractère raisonnable de cette politique.

[37] La Cour fédérale a clairement indiqué que la division générale et la division d’appel ont un rôle restreint et précis. Leur rôle se limite à déterminer les raisons pour lesquelles une partie prestataire aurait pu être congédiée de son emploi et si ce motif constitue une inconduiteNote de bas de page 12.

Dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a admis que l’employeur pouvait imposer unilatéralement une politique de vaccination

[38] Dans l’affaire Cecchetto, le demandeur s’est appuyé sur l’affaire AL, tout comme le prestataire dans l’appel dont je suis saisie. M. Cecchetto a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite.

[39] Dans l’affaire Cecchetto, il ressort clairement de la preuve que le contrat de travail du demandeur n’exigeait pas la vaccination. Le demandeur a commencé à travailler en 2017, soit bien avant le début de la pandémie. Son employeur a par la suite adopté la directive provinciale sur la santé qui exigeait la vaccination ou des tests réguliers. L’employeur a adopté la politique unilatéralement, sans le consentement de M. Cecchetto.

[40] La Cour a pris note de ces éléments de preuve. Elle savait quand M. Cecchetto avait commencé à travailler et que son employeur avait adopté la directive provinciale sur la santé. M. Cecchetto s’y est opposé.

[41] La Cour a admis que, même si la vaccination ne faisait pas partie du contrat de travail initial de M. Cecchetto, son employeur pouvait par la suite introduire une politique exigeant la vaccination.

[42] La Cour a conclu que la division générale avait raisonnablement conclu que M. Cecchetto avait commis une inconduite en raison du non-respect de cette politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.

[43] La Cour a déclaré qu’il pouvait y avoir des circonstances de fait où AL serait pertinent. Toutefois, les commentaires de la Cour sur ce point ont été formulés de manière incidente et ils ne sont donc pas contraignants. De plus, la Cour a rapidement distingué les faits de l’affaire. Elle a fait remarquer que dans l’affaire AL, la politique de l’employeur exigeait la vaccination obligatoire et ne prévoyait aucune exemption ni aucun test de dépistage comme solution de rechange. Dans la présente affaire, l’employeur du prestataire a fourni des mesures d’adaptation, à condition qu’il soit convaincu que la demande était valide.

[44] Bien que le contrat de travail du prestataire n’exigeait pas la vaccination, il est clair, d’après l’affaire Cecchetto, qu’un employeur peut introduire une nouvelle politique ou règle, même si un membre du personnel n’est pas d’accord avec celle-ci et n’y consent pas.

Conclusion

[45] L’appel est rejeté.

[46] La division générale n’a pas omis de vérifier si la politique de vaccination de l’employeur était légale. Elle n’avait tout simplement pas le pouvoir de trancher cette question.

[47] La division générale a pris note de l’argument du prestataire selon lequel il n’avait pas à se conformer à une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial. Elle n’a pas abordé directement cet argument, mais cela n’aurait pas changé le résultat.

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