Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1715

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (511086) datée du 25 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 14 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2644

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire affirme qu’il a été congédié parce qu’il s’est opposé à sa politique de vaccination : il n’a pas dit s’il avait été vacciné. 

[4] Même si le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire affirme que la politique est illégale, discriminatoire et injuste. Il affirme que la vaccination n’était pas une condition de son contrat de travail et que son employeur n’a pas le droit de lui demander des renseignements médicaux personnels. Il dit que la politique viole un certain nombre de principes juridiques, dont le Code de Nuremberg, la Charte canadienne des droits et libertés, les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne et le droit des patients de refuser un traitement.

[7] Le prestataire affirme que, comme le vaccin présente un risque de préjudice, d’autres options auraient dû lui être offertes. Il dit avoir pris d’autres précautions efficaces, comme le port d’équipement de protection et les tests rapides.

Question en litige

[8] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il est allé à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[12] Le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Il a déclaré qu’il n’a pas fourni à son employeur de renseignements sur la question de savoir s’il avait été vacciné ou non.

[13] La Commission affirme que le prestataire était au courant de la politique et qu’il comprenait que le défaut de s’y conformer entraînerait son congédiement. Elle affirme qu’il y a un lien direct entre le fait que le prestataire ne remplit pas les conditions de la politique de l’employeur et la cessation de son emploi. Elle affirme que le refus du prestataire de se conformer à la politique était volontaire et délibéré et qu’il prouve qu’il y a eu inconduite.

[14] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il est allé à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[16] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[17] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que la partie prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[18] Il y a inconduite si la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[20] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour le prestataire (lui offrir des mesures d’adaptation)Note de bas de page 9. Je peux examiner une seule chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • L’employeur a clairement avisé le prestataire de ses attentes au sujet de la vaccination et qu’il devait lui dire s’il avait été vacciné. 
  • L’employeur a envoyé des lettres et des courriels au prestataire à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes.
  • Le prestataire savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait s’il ne respectait pas la politique.

[23] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique est illégale, discriminatoire et injuste. Il affirme que la vaccination n’était pas une condition de son contrat de travail. Il affirme que son employeur n’a pas droit à ses renseignements médicaux personnels. Il affirme que la politique viole un certain nombre de lois ou de principes juridiques. Il dit que d’autres options auraient dû lui être offertes, comme le port d’équipement de protection et des tests rapides.

[24] La politique de vaccination de l’employeur a été envoyée par courriel aux membres du personnel le 26 janvier 2022. La politique dit ceci [traduction] :

  • Les employés doivent prouver qu’ils ont reçu au moins deux doses d’un vaccin contre la COVID-19 approuvé par Santé Canada au plus tard le 28 février 2022.
  • Les employés peuvent demander des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou de droits fondamentaux.
  • Les employés qui ne se conforment pas à la politique pourraient faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 11.

[25] Le prestataire a déclaré qu’il n’a pas donné à son employeur de renseignements sur la question de savoir s’il était vacciné ou non. Il dit qu’il ne voulait pas divulguer ses renseignements médicaux.

[26] Le prestataire a déclaré avoir reçu la politique qui a été envoyée par courriel aux membres du personnel le 26 janvier 2022. Il dit avoir reçu une autre lettre de l’employeur lui disant que la date limite du 28 février 2022 avait été reportée au 18 mars 2022.

[27] Le prestataire a déclaré qu’il avait demandé à son employeur de lui permettre de travailler seul pendant le quart de nuit, comme mesure d’adaptation à la politique. Il explique qu’il y a seulement de 5 à 10 personnes dans l’édifice pendant la nuit. Il dit que l’édifice est grand, alors il est possible de pratiquer la distanciation sociale. Il affirme également qu’il y a d’autres précautions pouvant être prises, dont l’équipement de protection individuelle.

[28] Le prestataire affirme que son employeur n’a pas accueilli sa demande de mesures d’adaptation. Il affirme que son employeur lui a demandé plus d’information, y compris un billet médical. Il affirme que l’employeur a seulement accordé des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou religieuses. Il dit que l’employeur n’accordait pas de mesures d’adaptation de conscience.

[29] Le 18 mars 2022, l’employeur a écrit au prestataire pour l’informer qu’il ne s’était pas conformé à la politique. Il a donné un préavis de cessation d’emploi au prestataire pour lui dire qu’il serait congédié à la fin de la journée de travail le 13 mai 2022. L’employeur a dit qu’il permettrait au prestataire de prolonger le préavis de cessation d’emploi s’il lui fournissait une preuve démontrant qu’il avait reçu une première dose au plus tard le 13 mai 2022Note de bas de page 12.

[30] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que les membres du personnel présentent une preuve de vaccination sans quoi ils risquaient de se faire congédier.
  • L’employeur a clairement informé le prestataire de ce qu’il attendait des membres de son personnel et des conséquences du non-respect de la politique, dans des correspondances écrites datées du 26 janvier 2022 et du 18 mars 2022. L’employeur a prolongé la date limite pour que le prestataire se conforme à la politique ainsi que son préavis de cessation d’emploi à condition qu’il reçoive une première dose.
  • Le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[31] Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[32] En effet, les actions du prestataire ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire vacciner ou de dire s’il avait été vacciné était susceptible de lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[33] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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