Assurance-emploi (AE)

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Citation : PT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 50

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. T.
Représentant : Sylvain Bergeron
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (547379) datée du 8 novembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 24 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Observatrice
Date de la décision : Le 25 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-23-11

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le prestataire n’a pas cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, il peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur, la Commission scolaire X, l’a congédié après avoir déterminé que ses antécédents judiciaires étaient incompatibles avec son emploi comme concierge.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord. Essentiellement, il explique qu’il a rempli le formulaire demandé par l’employeur concernant ses antécédents judiciaires et qu’il n’a pas commis d’infractions qui sont incompatibles avec son emploi. De plus, il affirme qu’il occupait auparavant cet emploi de façon temporaire par l’entremise d’une entreprise privée.

[6] Je dois déterminer si le prestataire a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[8] Pour déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme étant une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi ?

[9] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce que l’employeur a jugé que ses antécédents judiciaires étaient incompatibles avec l’emploi qu’il occupait comme concierge.

[10] Le 28 juin 2022, l’employeur a transmis une lettre de congédiement au prestataire. Cette lettre indique que la Commission scolaire a complété une évaluation de son dossier en lien avec le formulaire de déclarations des antécédents judiciaires qu’il a rempli. L’employeur mentionne qu’il a conclu que ses antécédents judiciaires étaient incompatibles avec l’emploi occupé comme concierge.

[11] La Commission et le prestataire s’entendent sur la raison pour laquelle il a perdu son emploi.

[12] Le prestataire admet qu’il a rempli un formulaire concernant ses antécédents judiciaires. L’employeur l’a avisé le 28 juin 2022 qu’il était congédié après avoir analysé ses antécédents judiciaires.

[13] Le prestataire a perdu son emploi parce que l’employeur a considéré que ses antécédents judiciaires étaient incompatibles avec l’emploi qu’il occupait.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la Loi ?

[14] Selon la Loi, la raison du congédiement du prestataire n’est pas une inconduite. Je précise que je n’évalue pas la gravité du geste posé, mais je détermine plutôt si le geste que le prestataire a posé constitue une inconduite.

[15] Pour être considérée comme étant une inconduite au sens de la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 2 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 3 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 4 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[16] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 5

[17] Je précise également qu’une conduite répréhensible ne constitue pas nécessairement une inconduite. L’inconduite est un manquement d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement.Note de bas de page 6

[18] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 7

[19] Une responsable chez l’employeur a déclaré à la Commission que le prestataire a été congédié après l’évaluation des résultats des antécédents judiciaires du prestataire par un comité. Elle mentionne que le prestataire a plusieurs condamnations à son dossier criminel ainsi qu’une accusation. Elle est d’avis que ce sont des infractions de nature sévère et répétitive. Elle déclare que le comité a déterminé que les antécédents judiciaires du prestataire étaient incompatibles avec le poste de concierge qu’il occupait. Le comité aurait rencontré le prestataire le 22 juin 2022 et il a entendu sa version. La responsable indique finalement que le fait que le prestataire était responsable des clés de l’établissement a également été considéré dans l’analyse de son dossier.

[20] Le prestataire a expliqué lors de l’audience que le 5 avril 2022, l’employeur lui a demandé de remplir un formulaire pour déclarer ses antécédents judiciaires. Le prestataire a indiqué une infraction commise en 2011 alors qu’il avait conduit en état d’ébriété. Même s’il avait commis certaines infractions entre 1990 et 1998, il ne les a pas indiqués sur le formulaire puisque ses éléments n’étaient pas récents ni pertinents. Aussi, il explique qu’il a été accusé de voies de faits en 2021, mais qu’il n’a pas été condamné pour cette accusation. Cependant, il a autorisé l’employeur à faire une enquête pour vérifier ses antécédents judiciaires. Il explique qu’il a été honnête puisqu’il a déclaré qu’il avait un casier judiciaire.

[21] Le prestataire explique également qu’il ne pensait pas que l’employeur le congédierait pour cette raison. D’abord, il affirme qu’il a travaillé comme concierge à cette commission scolaire entre le mois de juillet 2019 et le mois de septembre 2019 par l’entremise d’une entreprise indépendante. Il a également effectué des remplacements à compter du mois de mars 2022. Il a expliqué à la Commission qu’il était apte à effectuer son travail, que son travail était impeccable et qu’il était en bon terme avec son employeur.

[22] Le prestataire précise que l’entreprise indépendante pour laquelle il travaillait fermait ses portes définitivement le 30 juin 2022. Un emploi lui a été offert à l’extérieur de X et la Commission scolaire lui a également offert un emploi permanent le 5 avril 2022.

[23] Le prestataire fait valoir que s’il avait su que l’employeur pouvait le congédier pour cette raison, il aurait accepté l’autre emploi qui lui était offert. En ce sens, le représentant du prestataire fait valoir qu’un employeur ne peut refuser d’embaucher un travailleur parce qu’il a un casier judiciaire. À moins que les infractions du casier judiciaire soient incompatibles avec le poste occupé. Il soutient que les éléments du dossier criminel du prestataire ne sont pas incompatibles avec le poste qu’il occupait comme concierge dans une école. En ce sens, il fait valoir que l’employeur n’a pas fourni les éléments de son enquête qui a permis de déterminer que ces infractions avaient un lien avec l’emploi occupé par le prestataire et que la Commission ne peut se substituer à l’employeur en l’absence d’une telle preuve.

[24] Lors de l’audience, le prestataire a expliqué qu’entre 1990 et 1998 il a été accusé de fraude. Cette fraude était en lien avec des billets de loterie provenant de Loto-Québec. Le prestataire a également été accusé d’être entré par infractions et d’avoir commis des vols. Il a également été condamné pour bris de probation. Le représentant du prestataire fait valoir que ces infractions ont été commises il y a plusieurs années et que le prestataire est réintégré dans la société depuis ce temps. Il soutient qu’aucune de ces infractions n’est incompatible avec l’emploi qu’il occupait comme concierge.

[25] Le prestataire a aussi indiqué lors de l’audience qu’il a présenté une demande de suspension du casier judiciaire (demande de pardon) pour ces événements passés et qu’il attend la réponse.

[26] La Commission affirme que la politique de la Commission scolaire est claire et que tous les employés doivent passer une enquête de sécurité au moment de l’embauche. Elle soutient que le prestataire a fait une fausse déclaration en n’indiquant pas ses condamnations antérieures sur le formulaire d’antécédents judiciaires fourni par l’employeur.

[27] Elle soutient donc que le prestataire devait s’attendre à ce que son dossier criminel soit vérifié et qu’il soit ensuite congédié pour cette raison. Elle fait valoir que c’est volontairement qu’il a voulu cacher certaines informations.

[28] Le dossier de la Commission ne démontre pas les résultats de l’analyse qu’aurait faits l’employeur. Nous pouvons cependant déduire que les accusations de fraude commises il y a plusieurs années ont suscitées une crainte chez l’employeur. Mon rôle ne consiste pas à déterminer si les antécédents judiciaires qu’a le prestataire sont incompatibles avec son poste comme concierge ni si le congédiement était une mesure appropriée.

[29] Mon rôle consiste à déterminer si le geste qu’a commis le prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Ici, il est question du résultat d’une enquête portant sur les antécédents judiciaires du prestataire. Le prestataire a rempli le formulaire comme le demandait l’employeur et il a signé ce formulaire permettant ainsi à l’employeur de faire une enquête portant sur ses antécédents judiciaires. L’employeur a déclaré à la Commission que le résultat d’une telle enquête est conditionnel à l’embauche d’un employé. Cependant, les faits démontrent que l’employeur a embauché le prestataire et il a ensuite complété l’enquête de sécurité plutôt que d’embaucher le prestataire après avoir reçu les résultats de l’enquête. Le résultat de l’enquête n’est pas seulement le détail des infractions commises par le prestataire, il comporte aussi l’analyse faite par l’employeur à savoir si ces infractions sont incompatibles avec l’emploi occupé. Même si la Commission soutient que le processus d’embauche a correctement été effectué par l’employeur, dans les faits le processus n’a pas été complété avant d’embaucher le prestataire. C’est après l’embauche qu’un comité a déterminé que les antécédents judiciaires du prestataire ne sont pas compatibles avec le poste offert.

[30] Ce serait une erreur à mon avis de considérer que les antécédents judiciaires sont le geste que le prestataire a posé pour conclure à une inconduite. Comme l’a fait valoir le représentant, ces antécédents existaient avant que le prestataire soit embauché et le prestataire a accepté que l’employeur fasse son enquête.

[31] Bien sûr, l’employeur est doté d’une politique de vérification des antécédents judiciaires. Cette politique mentionne que le travailleur doit déclarer « toute information pertinente à ses antécédents ».Note de bas de page 8 Le prestataire a indiqué que les infractions commises il y a plus de 25 ans n’étaient pas pertinentes ni incompatibles, mais que ne sachant pas, il a autorisé l’employeur à effectuer une enquête sur ses antécédents judiciaires.

[32] Selon la Commission, c’est le fait d’avoir caché certaines informations lorsqu’il a rempli le formulaire qui constitue une inconduite. Cependant, le prestataire mentionne qu’il a agi de bonne foi en autorisant l’employeur à effectuer une enquête de sécurité et qu’il s’est réintégré dans la société depuis des événements ayant eu lieu entre 1990 et 1998, il y a environ 25 ans. Il mentionne qu’il n’a pas été reconnu coupable pour l’accusation de voies de fait.

[33] Même si le prestataire a commis un geste répréhensible en n’indiquant pas sur le formulaire des condamnations s’étant produits il y a plusieurs années et pour lesquelles il n’avait pas reçu encore un pardon, il a autorisé l’employeur à effectuer une enquête complète sur ses antécédents judiciaires. Je suis d’avis que le prestataire n’a pas commis une inconduite. Le prestataire a collaboré avec l’employeur, il a rempli le formulaire sur ses antécédents judiciaires et il a permis à l’employeur de faire une enquête. Lorsque le comité l’a rencontré, il a expliqué les événements passés.

[34] Le prestataire ne s’attendait pas à être congédié. Comme il l’a expliqué, s’il avait su, il aurait accepté un autre emploi. Cependant, il a accepté celui offert à la Commission scolaire puisque les conditions de travail lui convenaient mieux et qu’il avait déjà travaillé à cet endroit à plusieurs reprises par l’entremise d’une entreprise indépendante.

[35] Comme le fait valoir le représentant du prestataire, les résultats de l’enquête faite par l’employeur ne sont pas déposés au dossier et nous ne pouvons pas présumer de la preuve soumise. La Commission a le fardeau de prouver l’inconduite et, dans ce cas-ci, la preuve présentée ne permet pas de conclure que le prestataire a commis une inconduite. Au contraire, les faits démontrent que le prestataire a collaboré avec l’employeur et qu’il a rempli et signé le formulaire de déclaration des antécédents judiciaires permettant ainsi à l’employeur d’effectuer une enquête complète.

[36] Je dois rendre cette décision en fonction de la balance des probabilités et, selon les faits présentés, il est plus probable qu’improbable que le prestataire n’ait pas voulu enfreindre délibérément les règles de l’employeur. Les infractions ont été commises il y a plusieurs années et même si de façon contemporaine l’employeur considère que ces éléments sont incompatibles avec l’emploi occupé par le prestataire, celui-ci n’a pas commis d’inconduite. Au moment de l’embauche, le prestataire a collaboré et il a accepté qu’une enquête soit effectuée. Le prestataire n’a pas agi volontairement dans le but de nuire à l’employeur et/ou ne pas respecter les règles émises par l’employeur. Il a volontairement collaboré aux demandes de l’employeur.

[37] Ainsi, je suis d’avis qu’étant donné les circonstances et d’après les faits au dossier, les gestes reprochés au prestataire ne constituent pas une inconduite au sens de la Loi.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[38] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[39] L’appel est accueilli.

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