Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AE c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 332

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. E.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (502963) datée du 27 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 30 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2497 et GE-22-2499

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel GE-22-2497 de A. E.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’employeur du prestataire a suspendu celui-ci pour ne pas avoir respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19, et cela est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[3] Le prestataire n’est donc pas admissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi.

[4] À l’audience, il a dit qu’il ne faisait pas appel de la décision de la Commission sur la disponibilité. Je n’ai donc pas à rendre une décision sur l’appel GE-22-2499.

Aperçu

[5] Le prestataireNote de bas de page 1 a été suspendu de son emploi de technologue en cardiologie chez X (l’employeur).

[6] L’employeur affirme l’avoir suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[7] Il ne conteste pas cela.

[8] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a aussi décidé que l’employeur avait suspendu le prestataire pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite. La Commission ne pouvait donc pas lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi.

[9] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Il est toujours au travail et a essayé par tous les moyens de continuer à travailler. Il affirme que son employeur est coupable d’inconduite pour ne pas avoir respecté ses droits fondamentaux. Son employeur a rejeté sa demande d’exemption religieuse sans fournir de raison, et il n’a pas tenu compte de ses croyances religieuses.

[10] Je dois décider si le prestataire a été suspendu de son emploi pour inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Le Tribunal a joint deux appels

[11] Le prestataire a déposé son appel au Tribunal. Celui-ci a ouvert deux dossiers d’appel pour le prestataire, un pour chaque question dans la lettre de la décision découlant de la révision de la Commission :

  • GE-22-2497 (suspension pour inconduite)
  • GE-22-2499 (disponibilité pour le travail)

[12] Il était logique du point de vue juridique et pratique de joindre les deux appels pour que je puisse les instruire et les trancher ensemble. C’est donc ce que j’ai décidé de faire.

[13] J’ai aussi envoyé au prestataire et à la Commission une lettre contenant les raisons pour lesquelles j’ai joint les deux appelsNote de bas de page 2.

Le prestataire ne fait pas appel de la décision de la Commission sur la disponibilité

[14] Les personnes qui demandent des prestations régulières doivent démontrer qu’elles sont disponibles pour travailler. Autrement dit, une partie prestataire a l’obligation constante de chercher du travail.

[15] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas disponible pour travailler du 14 mars au 16 mars 2022Note de bas de page 3. La Commission affirme qu’il a reçu l’autorisation de revenir d’un congé de maladie seulement le 17 mars 2022.

[16] Le prestataire n’a pas soulevé d’argument concernant la disponibilité dans son avis d’appel.

[17] À l’audience, il a confirmé qu’il ne fait pas appel de la décision de la Commission sur la disponibilité.

[18] Par conséquent, je n’ai pas à trancher l’appel GE-22-2499.

Question en litige

[19] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite?

InconduiteNote de bas de page 4

[20] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personne.

[21] Une suspension au titre de la Loi sur l’assurance-emploi signifie la même chose qu’une mise en congé (ou en congé autorisé) sans solde par un employeur.

[22] Je dois décider deux choses :

  • la raison pour laquelle le prestataire a été suspendu ;
  • si la Loi sur l’assurance-emploi considère ce motif comme une inconduite.

La raison de la suspension du prestataire

[23] Je conclus que l’employeur du prestataire l’a suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination.

[24] Le prestataire et la Commission sont d’accord sur ce point. C’est ce que :

  • le prestataire a écrit dans sa demande d’assurance-emploi et ce qu’il a mentionné à la CommissionNote de bas de page 5;
  • le prestataire a écrit dans son avis d’appelNote de bas de page 6;
  • le prestataire a témoigné à l’audience;
  • l’employeur a inscrit sur son relevé d’emploi (code N, congé autorisé) et dans la lettre de suspension qu’il a fait parvenir au prestataireNote de bas de page 7;
  • l’employeur a dit à la CommissionNote de bas de page 8.

[25] L’employeur du prestataire a également dit à la Commission qu’il considérait son congé sans solde comme une suspensionNote de bas de page 9.

[26] J’accepte la preuve du prestataire et de la Commission. Je n’ai aucune raison de douter de ce que le prestataire et son employeur ont dit et écrit. Aussi, aucune preuve ne le contredit.

La raison est une inconduite au sens de la loi

[27] Le refus du prestataire de se conformer à la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[28] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Toutefois, les décisions des tribunaux énoncent le critère juridique de l’inconduite. Celui-ci précise les types de faits et les questions que je dois examiner au moment de rendre ma décision.

[29] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, et non pour une autre raisonNote de bas de page 10.

[30] Je dois me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cette conduite constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur est raisonnable ni si la suspension est une pénalité raisonnableNote de bas de page 12.

[31] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable. Autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait eu l’intention de faire quelque chose de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 13. Pour être considérée comme une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 14. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 15.

[32] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir une obligation qu’il devait à son employeur, et qu’il y avait une possibilité réelle qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 16.

[33] Je peux seulement décider s’il y a eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] Je ne peux pas rendre ma décision en me fondant sur d’autres loisNote de bas de page 17. Je ne peux pas décider si une partie prestataire a été congédiée de façon déguisée ou injustifiée au titre du droit du travail. Je ne peux pas interpréter une convention collective ni décider si un employeur a enfreint une convention collectiveNote de bas de page 18. Je ne peux pas décider si un employeur a fait preuve de discrimination à l’égard d’une partie prestataire ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation selon le droit en matière des droits de la personneNote de bas de page 19. De plus, je ne peux pas décider si un employeur a porté atteinte à la vie privée ou à d’autres droits d’une partie prestataire dans le contexte de l’emploi, ou autrement.

Ce que disent la Commission et le prestataire

[35] La Commission et le prestataire s’entendent sur les faits clés de la présente affaire. Il s’agit des faits que la Commission doit prouver pour démontrer que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[36] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce que la preuve démontre queNote de bas de page 20 :

  • l’employeur avait une politique de vaccination et qu’il l’a communiquée à tous les membres du personnel en octobre 2021Note de bas de page 21;
  • le prestataire était en congé de maladie à compter du 17 novembre 2021 et il a reçu l’autorisation de retourner au travail le 17 mars 2022;
  • selon la politique de vaccination, le prestataire devait être partiellement ou entièrement vacciné et divulguer son statut vaccinal à son employeur au plus tard le 30 novembre 2021Note de bas de page 22;
  • le prestataire savait ce qu’il devait faire au titre de la politiqueNote de bas de page 23;
  • le prestataire savait également que son employeur pouvait le suspendre selon la politique s’il ne se faisait pas vacciner dans les délais prescritsNote de bas de page 24;
  • le 19 octobre 2021, le prestataire a demandé une exemption pour des motifs religieux, mais son employeur a rejeté sa demande à la fin de la journée du 31 octobre 2021Note de bas de page 25;
  • le prestataire a fait un choix personnel conscient et délibéré de ne pas se faire vacciner avant la date limite, pour des raisons religieusesNote de bas de page 26;
  • l’employeur a suspendu le prestataire à compter du 17 mars 2022 parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccinationNote de bas de page 27.

[37] À l’audience, le prestataire n’a pas contredit ni contesté la preuve sur laquelle la Commission s’est fondée. Il a déclaré qu’il a suivi la politique de vaccination de son employeur du mieux qu’il pouvait sans aller à l’encontre de ses croyances religieuses. Il a aussi déclaré que son employeur ne lui avait pas donné de raison pour avoir refusé sa demande d’exemption. Il a eu l’impression que son employeur n’avait pas l’intention d’accorder des exemptions religieuses, et il estime qu’il aurait dû lui accorder une exemption religieuse ou du moins tenir compte de ses croyances religieuses.

La Commission a prouvé qu’il avait eu une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi

[38] Les éléments de preuve dans le présent appel sont cohérents et directs. Je crois et j’accepte la preuve du prestataire ainsi que la preuve de la Commission pour les raisons qui suivent.

[39] Je n’ai aucune raison de douter de la preuve du prestataire (ce qu’il a dit à la Commission et à l’audience, et ce qu’il a écrit dans sa demande d’assurance-emploi et son avis d’appel). Son témoignage est cohérent. Il a dit la même chose à la Commission et au Tribunal. Et son histoire est restée la même depuis sa demande d’assurance-emploi jusqu’à l’audience.

[40] J’accepte la preuve de la Commission parce qu’elle concorde avec la preuve du prestataire. La politique de vaccination de l’employeur et sa lettre de suspension reflètent ce que le prestataire et l’employeur ont dit à la Commission. Il n’y a pas non plus de preuve contradictoire concernant les principaux faits du présent appel.

[41] Selon la preuve que j’ai acceptée, je conclus que la Commission a prouvé que la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’elle a démontré que le prestataire :

  • était au courant de la politique de vaccination;
  • connaissait son obligation de se faire entièrement vacciner (ou d’obtenir une exemption);
  • savait que son employeur pouvait le suspendre s’il ne se faisait pas vacciner;
  • a consciemment, délibérément et intentionnellement pris la décision personnelle de ne pas se faire vacciner avant la date limite, pour des raisons religieuses;
  • a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

Autres arguments du prestataire

[42] Dans son avis d’appel et à l’audience, le prestataire a dit que sa conduite n’était pas une inconduite et que la Commission devrait donc lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi, carNote de bas de page 28 :

  • Son employeur n’a pas tenu compte de ses croyances religieuses au titre de la loi de la Nouvelle-Écosse sur les droits de la personne. Par exemple, au lieu d’exiger la vaccination contre la COVID-19, son employeur aurait pu lui permettre de porter de l’équipement de protection individuelle et de faire des tests de dépistage de la COVID-19.
  • Je devrais suivre une décision arbitrale en faveur d’une infirmière de la Nouvelle-Écosse. Dans cette affaire, l’arbitre a décidé que l’employeur (un hôpital) avait l’obligation de tenir compte des croyances chrétiennes de l’infirmière, qui l’empêchaient de se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 29.

[43] Malheureusement pour le prestataire, je ne vais pas accepter ces arguments. Je ne peux pas appliquer la loi de la Nouvelle-Écosse sur les droits de la personne. De plus, je n’ai pas à suivre la décision d’un arbitre rendue au titre du droit du travail de la Nouvelle-Écosse et d’une convention collective. Les tribunaux ont clairement dit que je peux tenir compte de la Loi sur l’assurance-emploi seulement lorsque je décide si sa conduite constitue une inconduite au sens de cette loi.

[44] La Cour fédérale a récemment confirmé le [traduction] « rôle important, mais restreint et précis » du Tribunal dans les appels en matière d’inconduiteNote de bas de page 30. Dans cette affaire, la Commission avait refusé des prestations régulières à un prestataire qui n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID de son employeur. La Cour a déclaré que le rôle du Tribunal était de décider deux choses : pourquoi le prestataire a été congédié et si ce motif constitue une « inconduite » au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 31.

[45] Voilà ce que j’ai fait dans le présent appel.

Résumé de ma conclusion sur l’inconduite

[46] Après avoir examiné et soupesé les documents et le témoignage, je conclus que la Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite.

Conclusion

[47] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu pour inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[48] Par conséquent, il n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi, et c’est ce que la Commission a décidé.

[49] Je rejette donc son appel.

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