Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 342

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation de délai

Partie demanderesse : M. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 5 décembre 2022 (GE-22-2868)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 24 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-92

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Décision

[1] Je refuse d’accorder au prestataire une prolongation du délai pour présenter sa demande de permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, M. S., est un ancien employé de X (l’employeur). En avril 2022, X l’a congédié après qu’il a confisqué la carte de transport d’une cliente perturbatrice. X a déclaré que le prestataire avait dépassé les limites de son pouvoir en tant que concierge de gare de transport. L’employeur a précisé que le prestataire avait déjà été avisé de ne pas enfreindre les règles.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était coupable d’inconduite et qu’elle n’avait donc pas à lui verser de prestations d’assurance-emploi.

[4] Le prestataire a déclaré que l’incident qui a mené à son congédiement n’était pas une inconduite. Il a dit qu’il n’avait pas agi de façon inappropriée parce que son titre de poste était celui de contrôleur des transports en commun et non celui de concierge. Il a affirmé qu’en tant que contrôleur, il avait le pouvoir d’intervenir lorsqu’il voyait une cliente ou un client faire quelque chose de mal.

[5] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel au Tribunal de la sécurité sociale. Après la tenue d’une audience, la division générale du Tribunal était d’accord avec le prestataire. Elle a conclu que le prestataire n’était pas coupable d’inconduite aux fins de l’assurance-emploi parce qu’il n’y avait pas assez de preuves pour démontrer qu’il avait dépassé les limites de son pouvoir. C’est pourquoi, selon la division générale, le prestataire n’avait probablement pas réalisé que son intervention auprès de la cliente perturbatrice lui coûterait son emploi.

[6] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Même si le prestataire a obtenu gain de cause à la division générale, il conteste tout de même certaines de ses conclusions. Il soutient que la division générale a commis des erreurs dans la façon dont elle a décrit sa transition de contrôleur à concierge, et vice versa.

Questions en litige

[7] Après avoir examiné la demande de permission de faire appel du prestataire, j’ai dû trancher les questions suivantes :

  • La demande de permission de faire appel du prestataire a-t-elle été déposée en retard?
  • Si l’appel a été déposé en retard, dois-je accorder au prestataire une prolongation de délai?
  • Si j’accorde la prolongation, l’appel du prestataire a-t-il une chance raisonnable de succès?

[8] J’ai conclu que le prestataire a présenté sa demande de permission de faire appel en retard et qu’il n’avait pas fourni d’explication raisonnable. Même si je n’ai pas eu à trancher la troisième question, j’ai également conclu que l’appel du prestataire n’aurait eu aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel du prestataire ne sera pas instruit en entier.

Analyse

La demande de permission de faire appel du prestataire était en retard

[9] La demande de permission de faire appel doit être présentée à la division d’appel dans les 30 jours suivant la date où la décision a été communiquée au demandeurNote de bas de page 1. La division d’appel peut prolonger le délai pour présenter une demande de permission de faire appel, mais la demande ne peut en aucun cas être présentée plus d’un an après la date où la décision a été communiquée au demandeur.

[10] Dans la présente affaire, la division générale a rendu sa décision le 5 décembre 2022, et le Tribunal a envoyé la décision au prestataire par courriel et par la poste le même jour. Toutefois, la division d’appel a seulement reçu la demande de permission de faire appel du prestataire le 20 janvier 2023, soit plus de deux semaines après la date limite de dépôt.

[11] Je conclus que la demande de permission de faire appel du prestataire était en retard.

Le prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier son retard

[12] Lorsqu’une demande de permission de faire appel est présentée en retard, le Tribunal peut accorder au demandeur une prolongation de délai s’il a une explication raisonnable justifiant son retardNote de bas de page 2. Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prolongation, il faut respecter l’intérêt de la justiceNote de bas de page 3.

[13] Dans son formulaire de demande, le Tribunal demande aux parties qui demandent la permission de faire appel après la date limite d’expliquer la raison de leur retardNote de bas de page 4. Dans la présente affaire, le prestataire a écrit : [traduction] « Des faits mineurs et importants dans la décision m’ont mené à présenter cette demande d’appel ». À première vue, cette explication ne répondait pas à la question et n’avait d’ailleurs pas de sens : comment un fait peut-il être à la fois important et mineur?

[14] Pour cette raison, la division d’appel a envoyé au prestataire une lettre lui demandant expressément d’expliquer les raisons de son retardNote de bas de page 5. Mais le prestataire n’a pas répondu à la lettre et n’a pas fourni d’autres explications pour sa demande en retardNote de bas de page 6.

[15] J’ai ensuite organisé une conférence de règlement dans l’espoir que les parties puissent régler cette question rapidement. J’espérais aussi donner au prestataire une dernière occasion d’expliquer pourquoi sa demande était en retard. Toutefois, le prestataire ne s’est pas joint à la conférence à la date et à l’heure prévuesNote de bas de page 7.

[16] Les règles exigent que les parties demanderesses fournissent une explication raisonnable lorsqu’elles présentent leur demande en retard. Malgré plusieurs occasions, le prestataire ne l’a pas fait. Dans ces circonstances, je ne suis pas disposé à permettre que cette affaire aille plus loin.

L’appel du prestataire n’aurait eu aucune chance raisonnable de succès

[17] Comme le prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour avoir dépassé le délai de dépôt, je n’ai pas à décider si son appel aurait une chance raisonnable de succès. Cependant, je crois qu’il est juste d’expliquer au prestataire que, même s’il avait présenté sa demande à temps, son appel aurait quand même échoué.

La division d’appel se concentre sur les erreurs

[18] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon injuste;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 8.

La division d’appel accorde la permission de faire appel seulement s’il existe une cause défendable

[19] Pour qu’un appel aille de l’avant, la division d’appel doit d’abord décider si l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 9. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 10. Sans cause défendable, l’appel de la partie demanderesse ne va pas plus loin.

La raison pour laquelle le prestataire cherche à faire appel n’est pas claire

[20] Devant la division générale, le prestataire a soutenu qu’il n’avait rien fait qui justifiait son congédiement. Il a soutenu qu’il avait le pouvoir d’intervenir lorsqu’il a vu une passagère vandaliser un magasin de détail à la gare. Il a expliqué que, même s’il avait déjà travaillé comme concierge, il avait repris son poste précédent de contrôleur des transports en commun au moment de l’incident.

[21] D’après ce que je peux voir, la division générale a donné au prestataire essentiellement tout ce qu’il voulait. Elle a conclu qu’il n’était pas coupable d’inconduite. Elle a conclu qu’il avait des raisons de croire qu’il était autorisé à intervenir lorsqu’une cliente ou un client a un comportement perturbateur. Elle a conclu qu’il n’était pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[22] Le prestataire conteste maintenant deux des conclusions de fait de la division générale. Mais je ne vois pas en quoi ces conclusions sont inexactes et, même si elles sont inexactes, en quoi elles sont importantes.

La division générale n’a commis aucune erreur de fait

[23] Le prestataire conteste l’énoncé suivant dans la décision de la division générale : « [Le prestataire] convient qu’il avait signé une entente de “dernière chance” le 22 mars 2021. L’entente le plaçait dans un poste de concierge en raison de problèmes de santéNote de bas de page 11 ». Le prestataire insiste sur le fait qu’il était contrôleur à cette date.

[24] Toutefois, lorsque j’examine la preuve, je constate que la division générale avait de bonnes raisons de tirer cette conclusion. Il y a un protocole d’entente au dossier entre le prestataire, son syndicat et X qui dit ceci :

[traduction]
Attendu que, le 22 mars 2021, l’employé a été réintégré au travail à la suite d’un congé de maladie aux termes d’une entente de dernière chance;
[...]

Et alors que les restrictions médicales de l’employé lui permettent de remplir le rôle de concierge de gares au sein du département des gares [...]Note de bas de page 12

[25] Ce préambule, que le prestataire a signé, semble correspondre à la conclusion de la division générale.

[26] Le prestataire s’oppose également à cette phrase : « Le prestataire a déclaré qu’à la suite de l’entente de dernière chance du 22 mars 2021, son titre d’emploi a été changé pour celui de contrôleur des transports en commun le 28 juin 2021, lorsqu’il a présenté son nouveau rapport médicalNote de bas de page 13 ». Le prestataire affirme que cette déclaration est inexacte.

[27] Cependant, lorsque j’examine la preuve, je vois les documents suivants : i) un rapport d’un médecin daté du 27 juin 2021, indiquant que le prestataire était [traduction] « apte sur le plan médical à reprendre son poste de contrôleur des transports en commun en avril 2021Note de bas de page 14 » et ii) une demande du prestataire datée du 28 juin 2021, approuvée par un contremaître, visant à annuler les [traduction] « offres préalables » et à rester à [traduction] « l’horaire du groupe de contrôleurs des transports en communNote de bas de page 15 ».

[28] En tant que juge des faits, la division générale a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit de soupeser et d’évaluer la preuve dont elle dispose. À la lumière des documents mentionnés ci-dessus, la division générale avait des raisons de conclure que le prestataire était probablement un contrôleur des transports en commun au moment de l’incident avec la cliente.

Même si la division générale a commis des erreurs de fait, elles sont mineures

[29] À la division d’appel, il ne suffit pas de démontrer que la division générale a commis une erreur de fait. L’appelant doit également démontrer que la division générale a fondé sa décision sur cette erreur. Autrement dit, l’erreur doit être importante ou matérielle.

[30] Quand bien même la division générale a commis les erreurs que le prestataire a soulevées, je ne vois pas en quoi elles ont eu une incidence sur le résultat de l’affaire. Comme je l’ai mentionné, l’appel du prestataire a été accueilli. La division générale l’a cru lorsqu’il a dit qu’il était contrôleur des transports en commun au moment de l’incident et qu’il avait donc le pouvoir d’intervenir. La division générale était d’accord avec lui pour dire qu’aux fins de l’assurance-emploi, ses actions ne constituaient pas une inconduite.

[31] Le prestataire semble ergoter au sujet de la date précise à laquelle il est passé du statut de concierge à celui de contrôleur. Cependant, cela n’a finalement aucune incidence sur la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire ne savait pas qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié en raison de ses actions.

Conclusion

[32] Je refuse d’accorder au prestataire une prolongation du délai pour présenter sa demande de permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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