Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1714

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (503371) datée du 11 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Suzanne Graves
Mode d’audience : En personne
Date d’audience : Le 21 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 5 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2868

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été congédié de son emploi. L’employeur du prestataire a dit à la Commission qu’il avait été congédié parce qu’il était intervenu à la suite d’un incident avec une cliente et qu’il avait confisqué la carte de transport de la cliente. L’employeur a déclaré que le prestataire avait dépassé les limites de son autorité en tant que concierge de gares de transport et qu’il avait déjà été averti que ce type de comportement pouvait mener à un congédiement.

[4] Le prestataire affirme que l’incident qui a mené à son congédiement n’était pas une inconduite. Il affirme qu’il n’a pas agi de façon inappropriée et que son titre d’emploi était celui de contrôleur des transports en commun et non de concierge. En tant que contrôleur, il dit qu’il avait le pouvoir d’intervenir à la suite de l’incident et de demander à la cliente de lui remettre son laissez-passer.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire porte la décision de la Commission en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[6] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’ancien employeur d’une partie prestataire pour lui demander s’il veut être ajouté comme partie à l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeurNote de bas de page 2. L’employeur n’a pas répondu à cette lettre. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] J’estime que le prestataire a perdu son emploi le 1er avril 2022Note de bas de page 3 parce qu’il est intervenu après un incident dans une station de transport en commun et qu’il a demandé à une cliente de lui remettre sa carte de transport.

[10] La Commission affirme que l’explication fournie par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait dépassé les limites de son autorité lorsqu’il a confisqué le laissez-passer d’une cliente dans une station de transport en commun après un incident. Par la suite, la cliente a porté plainte contre le prestataire. L’employeur affirme que le prestataire avait déjà été averti de ne pas intervenir dans de telles situations.

[11] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il a perdu son emploi à la suite de cet incident. Cependant, il affirme qu’il a agi de façon appropriée et dans le cadre de son autorité en tant que contrôleur des transports en commun. Il nie également avoir déjà reçu un avertissement.

[12] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’une cliente a déclaré à l’employeur que le prestataire était intervenu après un incident dans une station de transport en commun et qu’il lui avait demandé de lui remettre sa carte de transport.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] J’estime que la Commission n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que la raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi. Mes motifs sont énoncés ci-dessous.

[14] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[15] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 5. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 6. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 7.

[16] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 8.

[17] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a confisqué la carte de transport d’une cliente et que ce geste ne relevait pas de ses fonctions. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait agi de façon inappropriée et qu’il avait été averti qu’il perdrait son emploi pour un tel geste, conformément à une entente de [traduction] « dernière chance » datée du 22 mars 2021Note de bas de page 9. L’employeur a également déclaré que le prestataire a été informé lors d’une réunion qu’il ne devait pas intervenir lors d’incidents dans les stations de transport en commun.

[18] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il a agi de façon appropriée et dans les limites de son autorité en tant que contrôleur des transports en commun. Il dit que la cliente a vandalisé un magasinNote de bas de page 10 et qu’il l’a approchée calmement et professionnellement par la suite, en suivant les règles de la société de transport en communNote de bas de page 11. Il a immédiatement signalé l’incident.

[19] La cliente a ensuite déposé une plainte, affirmant que le prestataire lui avait crié après et lui avait [traduction] « volé » sa carte de transport. Il dit qu’il a agi de la même manière l’année précédente sans faire l’objet d’aucune mesure disciplinaire. Il a déclaré qu’il ne se souvenait pas qu’on lui ait dit de ne pas agir de la sorte.

[20] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il a agi de façon consciente et délibérée en demandant à la cliente du service de transport en commun de lui remettre son laissez-passer. Il a déclaré avoir agi de façon appropriée et dans les limites de son autorité, et il a fait remarquer que la société de transport en commun publie des bulletins publics indiquant qu’une cliente ou un client pourrait se faire confisquer son laissez-passer pour certains comportements. Je conclus donc que les gestes du prestataire étaient délibérés.

Le prestataire savait-il ou aurait-il dû savoir qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour ses actions?

[21] Je dois ensuite vérifier si le prestataire savait ou aurait dû savoir que ses actions pouvaient l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.

[22] La Commission affirme que le prestataire occupait un poste de concierge et qu’il n’avait donc pas l’autorité d’un contrôleur des transports en commun. Par conséquent, il aurait dû savoir que ses actions dépassaient le cadre de son travail. La Commission fait remarquer que le prestataire a inscrit dans sa demande de prestations que son titre d’emploi était celui de [traduction] « concierge » et que les tâches qu’il a décrites ne correspondent pas à celles d’un contrôleurNote de bas de page 12. La Commission fait également référence à un protocole d’entente qui précise que le prestataire serait affecté à un poste de concierge à compter du 31 octobre 2021Note de bas de page 13. De plus, elle affirme que le prestataire a déjà été avisé de ne pas intervenir dans des incidents semblables.

[23] Le prestataire nie catégoriquement qu’on l’ait averti de ne pas prendre les mesures qu’il a prises. Il convient qu’il avait signé une entente de [traduction] « dernière chance » le 22 mars 2021. L’entente le plaçait dans en poste de concierge en raison de problèmes de santé. Cependant, il a obtenu un nouveau rapport médical et a soumis un formulaire d’annulation d’offres préalables dans le cadre de la convention collective qui annulait cette ententeNote de bas de page 14. Il admet avoir sélectionné par erreur le poste de concierge dans sa demande, mais affirme qu’il avait d’abord tenté sans succès de sélectionner le poste de contrôleur et qu’il avait tenté de modifier sa demande par la suite. Il fait valoir que ses talons de chèque de paye montrent clairement que son titre d’emploi est [traduction] « contrôleur des transports en commun »Note de bas de page 15.

[24] Il y a des éléments de preuve contradictoires concernant les actions du prestataire à la date de l’incident et son titre d’emploi. Je dois donc évaluer la preuve dont je dispose, en tenant compte du fait que la Commission est tenue de prouver tous les éléments de l’inconduite selon la prépondérance des probabilités.

[25] Les tribunaux ont déclaré qu’une conclusion d’inconduite, avec les graves conséquences qu’elle entraîne, peut seulement être tirée sur la base d’éléments de preuve clairs et pas sur de simples suppositions. Je dois donc rendre ma décision en me fondant sur la preuve dont je dispose et, en l’absence de preuve, je ne peux pas faire de suppositionsNote de bas de page 16.

[26] Je juge qu’il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a agi de façon inappropriée en injuriant une cliente ou en lui criant après. En tirant cette conclusion, j’ai accordé de l’importance au témoignage direct du prestataire selon lequel il a agi calmement et a immédiatement signalé l’incident.

[27] Le prestataire a déclaré qu’à la suite de l’entente de dernière chance du 22 mars 2021, son titre d’emploi a été changé pour celui de contrôleur des transports en commun le 28 juin 2021, lorsqu’il a présenté son nouveau rapport médical. Il prend acte du protocole d’entente daté du 27 octobre 2021, mais il affirme que son affectation en tant que concierge avait de nouveau été annulée dès que l’employeur a tenu compte de son rapport médicalNote de bas de page 17. Il ne conteste pas le fait qu’il a accepté de suivre toutes les règles de la société de transport en commun.

[28] La preuve montre que la Commission a tenté sans succès de communiquer avec l’employeur à plusieurs reprises par téléphone et par la poste en juillet 2022, après que le prestataire a présenté sa demande de révisionNote de bas de page 18. La Commission n’a pas assisté à l’audience et n’a déposé aucun document écrit de l’employeur confirmant que le prestataire avait déjà été averti de ne pas intervenir lors d’incidents semblables dans des stations de transport en commun.

[29] L’avis de cessation d’emploi du prestataire daté du 1er avril 2022 comprend une phrase selon laquelle le prestataire a déclaré qu’il ne se souvenait pas avoir participé à une séance d’information sur la sécurité au cours de laquelle on lui avait dit ne signaler tout incident et de ne pas intervenirNote de bas de page 19. J’estime que la preuve n’est pas suffisante pour démontrer que le prestataire a reçu un tel avis.

[30] Le témoignage du prestataire au sujet de son titre d’emploi concorde avec l’information qui figure clairement sur ses talons de chèque de paye et les déclarations antérieures qu’il a faites à la Commission. J’ai accordé de l’importance à son témoignage et j’estime également que le titre d’emploi figurant sur les talons de chèques de paye du prestataire est la preuve la plus fiable concernant sa classification d’emploi.

[31] Je conclus que le prestataire a agi de façon délibérée, mais il n’y a pas assez d’éléments de preuve pour démontrer qu’il a dépassé les limites de son autorité, ou qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il pourrait perdre son emploi en raison de ses actions du 18 mars 2022.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[33] La Commission n’a pas prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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