Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 457

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (479760) datée du 4 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 14 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 20 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-1827

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a mené à sa fin d’emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur affirme avoir congédié le prestataire parce qu’il a agi contre sa politique de vaccination : le prestataire n’a pas suivi le protocole de dépistage pour le personnel non vacciné.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’agir contre la politique de vaccination et le protocole de dépistage de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a donnée. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne ait été congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[8] Pour savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison il a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas suivi le protocole de dépistage de son employeur.

[10] Le prestataire affirme que son employeur l’a congédié parce qu’il n’a pas respecté ses politiques de dépistage et de vaccination contre la COVID-19. Le prestataire a donné plusieurs raisons pour montrer que son employeur a eu tort de le congédier. Il dit aussi que sa conduite n’est pas la vraie raison de son congédiement, mais plutôt une excuse pour le congédier.

[11] La Commission affirme que le prestataire n’a pas respecté les politiques de l’employeur sur le dépistage et sur la vaccination contre la COVID-19. Elle a conclu que c’est ce qui lui a fait perdre son emploi.

[12] L’employeur du prestataire a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. Elle exigeait que les membres de l’équipe soient entièrement vaccinés et qu’ils le confirment ou fournissent une preuve de vaccination à l’entreprise. L’employeur avait également un protocole de dépistage pour le personnel non vacciné, ce qui permettait de faire des tests de routine à titre de mesure provisoire.

[13] L’employeur a envoyé une lettre au prestataire pour mettre fin à son emploi. Elle disait que la raison du congédiement était le non-respect d’une directive de l’entreprise. La lettre faisait référence au dépistage de la COVID-19.

[14] Même si le prestataire avance que sa conduite n’était pas la raison de sa perte d’emploi, il convient qu’il n’a pas dit s’il était vacciné et qu’il ne s’est pas soumis aux tests de routine. Dans des lettres d’avertissement disciplinaire que le prestataire a reçues avant d’être congédié, l’employeur mentionne le non-respect des directives de l’entreprise sur les tests de dépistage rapides et obligatoires. C’est aussi la raison fournie dans la lettre finale visant à congédier le prestataire.

[15] Je ne suis pas convaincue par la déclaration du prestataire selon laquelle sa conduite n’est pas la raison de sa perte d’emploi. J’accorde plus de poids à ses déclarations dans sa demande de prestations, qui vont dans le même sens que les lettres de l’employeur. Même si le prestataire pense que son employeur ne devait pas le congédier, je conclus qu’il a perdu son emploi parce qu’il n’a pas suivi le protocole de dépistage de la COVID-19 établi par l’employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[16] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) m’aide à décider si le congédiement du prestataire est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les facteurs à prendre en compte quand on examine une affaire d’inconduite.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite selon la loiNote de bas de page 5.

[19] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[20] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[21] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 9.

[22] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si certaines lois offrent d’autres options au prestataire. Ce n’est pas à moi non plus de décider si l’employeur a congédié le prestataire injustement ou s’il aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 10. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule McNamara, un prestataire a affirmé qu’il devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié injustementNote de bas de page 11. Il a perdu son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue. De plus, les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides.

[24] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question est de savoir si l’action ou l’omission de la personne employée est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, que la personne ait été congédiée injustement ou nonNote de bas de page 12.

[25] La Cour d’appel fédérale a aussi dit qu’en interprétant et en appliquant la Loi sur l’assurance-emploi, il faut se concentrer sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a fait remarquer qu’il y a d’autres solutions pour les personnes congédiées injustement. Ces solutions pénalisent précisément le comportement de l’employeur et évitent que ses actions coûtent de l’argent aux contribuables en versements de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[26] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, un prestataire a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 14. Il a soutenu qu’il avait été congédié injustement, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec des facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses politiques et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour évaluer s’il y avait eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[27] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, un prestataire a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas de page 16. Il a soutenu que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que son trouble est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Que l’employeur ait offert ou non des mesures d’adaptation n’était pas pertinentNote de bas de page 17.

[28] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais ce qu’elles disent est tout de même pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de congédier le prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] Le prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part, entre autres pour les raisons suivantes :

  • son employeur et la Commission n’ont pas tenu compte de la nature, du contexte et des circonstances de son rôle au travail;
  • son employeur a modifié unilatéralement et arbitrairement les modalités de son contrat de travail;
  • il ne pouvait pas prévoir que sa conduite était susceptible de lui faire perdre son emploi.

[30] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 et le protocole de dépistage établis par l’employeur. Elle dit que le prestataire connaissait ces mesures. Il comprenait que s’il ne s’y conformait pas, il pouvait perdre son emploi. La Commission a donc conclu que la conduite du prestataire constituait une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[31] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce que le prestataire savait qu’il pouvait perdre son emploi s’il ne suivait pas le protocole de dépistage de la COVID-19 que son employeur avait établi pour le personnel non vacciné.

[32] La politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19 prévoit ce qui suit :

  • les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés au 31 octobre 2021;
  • toute personne qui ne se dit pas entièrement vaccinée s’expose à des mesures disciplinaires, administratives ou autres mesures correctives pouvant aller jusqu’au congédiement;
  • l’employeur offre des mesures d’adaptation qui permettent d’exempter toute personne de la vaccination contre la COVID-19 si ses raisons sont valides sur le plan des droits de la personne.

[33] L’employeur avait également un protocole en place. C’était une mesure provisoire pour le personnel non vacciné, et une politique définitive pour les personnes à qui l’on avait accordé des mesures d’adaptation liées aux droits de la personne. Voici ce que le protocole prévoit :

  • les membres du personnel doivent travailler de chez eux, à moins que leur présence sur le lieu de travail soit essentielle aux activités de l’entreprise;
  • les membres du personnel occupant des postes dont la présence sur le lieu de travail est essentielle pour l’entreprise doivent se soumettre à des tests de dépistage rapides deux fois par semaine;
  • les membres du personnel autres que ceux qui ont obtenu des mesures d’adaptation liées aux droits de la personne doivent suivre un cours sur la vaccination;
  • tout non-respect de ce protocole peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[34] Dans sa demande de prestations, le prestataire a dit qu’il avait refusé de confirmer son statut vaccinal. Il a ajouté que son employeur lui avait offert une option de dépistage rapide une fois que la date limite pour la vaccination complète était passée. Il a expliqué qu’avant de se soumettre aux tests, il devait accepter de se conformer au protocole de dépistage et à la politique de vaccination. Il n’a donc pas adhéré à l’option de dépistage rapide.

[35] L’employeur a fourni des copies des lettres d’avertissement disciplinaire qu’il a envoyées au prestataire. La première, qui date du 8 novembre 2021, avisait le prestataire qu’il serait suspendu pendant un jour pour avoir omis de subir des tests rapides. La deuxième, qui date du 16 novembre 2021, l’avisait qu’il serait suspendu pendant trois jours pour la même raison.

[36] L’employeur a envoyé une troisième lettre au prestataire le 22 novembre 2021. Elle l’avisait d’une suspension de cinq jours cette fois-ci. L’employeur a suspendu le prestataire parce qu’il ne s’était pas soumis aux tests rapides. Cette troisième lettre disait que le prestataire devait téléverser les résultats de ses tests rapides sur le portail de l’employeur au plus tard à minuit le soir même. La lettre indiquait que s’il ne le faisait pas, son emploi prendrait fin.

[37] Le 2 décembre 2021, l’employeur a envoyé une lettre au prestataire pour mettre fin à son emploi parce qu’il n’avait pas suivi la directive de l’entreprise concernant les tests de dépistage rapides.

[38] Je considère que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Je suis de cet avis parce que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait perdre son emploi s’il ne suivait pas le protocole de dépistage de la COVID-19 établi par son employeur. Il a choisi de ne pas le suivre, même après ses trois suspensions.

[39] Le prestataire soutient que son employeur a appliqué sa politique vaccinale de façon déraisonnable compte tenu de son emploi et de son rôle au travail. Le prestataire dit qu’il avait peu de risque de contracter et de transmettre le virus de la COVID-19.

[40] Le prestataire a expliqué qu’il travaillait seul la plupart du temps et que ses réunions et sa formation avaient lieu surtout par téléphone ou sur Internet. Il a déclaré que lorsqu’il a été congédié, sept personnes travaillaient au bureau central. Il a dit que seuls lui et une autre personne travaillaient au rez-de-chaussée et qu’après le transfert de cette personne, il avait tout l’étage pour lui.

[41] Je remarque que la politique de l’employeur précise que le vaccin était exigé dans le cadre du plan de retour aux activités normales. De plus, les tests de dépistage destinés aux membres du personnel non vaccinés qui n’avaient pas de mesures d’adaptation étaient une option provisoire jusqu’à ce que ces personnes se fassent vacciner contre la COVID-19. Cette option me semble raisonnable compte tenu de l’emploi du prestataire et de ses contacts limités avec les autres. Cependant, ce n’est pas à moi de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’instaurer une politique de vaccination contre la COVID-19 et un protocole de dépistage pour le personnel non vacciné.

[42] Je ne suis pas d’accord avec le prestataire. Selon lui, le non-respect du protocole de dépistage ne l’a pas empêché de remplir ses obligations envers son employeur. Son employeur a voulu prévenir la propagation de la COVID-19 et en réduire les répercussions au moyen de sa politique de vaccination. Dans un courriel, l’employeur a déclaré qu’il instaurait le protocole de dépistage provisoire pour la santé et la sécurité de tout le monde. Par conséquent, j’estime qu’en refusant de subir les tests exigés, le prestataire ne pouvait pas remplir ses obligations comme son employeur voulait qu’il le fasse, c’est-à-dire d’une manière sûre pour tout le monde. Et je ne trouve pas que les contacts limités du prestataire changent quoi que ce soit.

[43] Pour appuyer son argument, le prestataire fait référence à un document de la Commission qui est accessible au public. Ce document dit que la Commission peut communiquer avec un employeur pour évaluer si l’application d’une politique à une personne congédiée ou suspendue était raisonnable dans le contexte du milieu de travail.

[44] Je remarque que le document de la Commission donne à son personnel le pouvoir discrétionnaire de communiquer avec un employeur au sujet d’une politique qu’il a établie. Cependant, je ne crois pas que la décision de la Commission de ne pas exercer ce pouvoir m’empêche de décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[45] Le prestataire affirme que l’employeur avait d’autres mesures pour faire face à la pandémie. Il a dit que ces mesures fonctionnaient et que l’employeur avait d’autres options raisonnables à sa disposition.

[46] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de son employeur d’instaurer des politiques de vaccination et de dépistage. Et je ne doute pas que les mesures initiales ont aidé l’employeur à poursuivre ses activités pendant la première partie de la pandémie. Cependant, comme je l’ai mentionné plus haut, ce n’est pas mon rôle de décider si l’employeur aurait dû prendre des dispositions autres que la politique de vaccination et le protocole de dépistage.

[47] Le prestataire affirme que son employeur a modifié unilatéralement et arbitrairement les modalités de son contrat de travail. Il dit que ces modalités font partie de sa convention collective et de ses lettres d’entente.

[48] Le prestataire a envoyé au Tribunal une copie de sa convention collective et de ses lettres d’entente. La convention collective prévoit que l’entreprise consulte le syndicat lorsqu’il y a changements de classification ou de fonctions des emplois. Elle précise aussi que l’entreprise [traduction] « a le pouvoir exclusif [...] d’établir et de modifier de temps à autre les règles et les règlements que le personnel doit observer ». La convention collective ne traite pas de vaccination.

[49] Je ne considère pas que l’employeur a modifié unilatéralement et arbitrairement les modalités du contrat de travail du prestataire lorsqu’il a instauré la politique de vaccination contre la COVID-19 et le protocole de dépistage pour le personnel non vacciné. J’estime plutôt que l’employeur a exercé son pouvoir lui permettant d’établir des politiques pour faire face à la pandémie de COVID-19. Je suis d’avis que son initiative concorde avec ce que l’entreprise et le syndicat ont convenu dans la convention collective.

[50] Le prestataire a envoyé au Tribunal une copie non publiée d’une décision de la division généraleNote de bas de page 18. Il affirme que les circonstances dans cette affaire sont semblables aux siennes et que le raisonnement du membre du Tribunal devrait s’appliquer à sa situation.

[51] Je ne suis pas liée par les décisions des autres membres de la division générale du Tribunal. Je peux adopter le raisonnement de telles décisions si je le trouve convaincant. Mais je ne le ferai pas dans la présente affaire.

[52] Dans l’affaire mentionnée ci-dessus, une prestataire occupait un poste administratif dans un hôpital. Elle a décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 en raison d’un problème de santé. Son employeur l’a suspendue puis congédiée. La convention collective de cette prestataire contenait un article sur la vaccination contre la grippe. Celui-ci précisait que les membres du personnel avaient le droit de refuser tout vaccin recommandé ou requis.

[53] Dans cette affaire, le membre du Tribunal a établi que la Commission n’avait présenté aucune preuve d’une exigence explicite dans le contrat de travail, selon laquelle la prestataire devait se faire vacciner contre la COVID-19. Le membre a aussi décidé qu’aucune preuve ne laissait croire qu’il y avait une obligation implicite de vaccination découlant du contrat de travail de la prestataire.

[54] Je juge que la situation du prestataire de la présente affaire est différente. Comme je l’ai déjà mentionné, la convention collective du prestataire ne contient aucun article sur la vaccination. De plus, elle reconnaît le pouvoir de l’employeur d’établir des règles et des règlements à l’intention du personnel. L’employeur du prestataire a créé et mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19 et un protocole de dépistage qu’il exigeait que son personnel suive.

[55] Malgré la différence dans les deux affaires, ce n’est pas mon rôle de décider si l’employeur du prestataire a violé la convention collective en modifiant unilatéralement et arbitrairement les modalités d’un contrat de travail. Mon rôle n’est pas non plus de décider si la politique de l’employeur est invalide ou illégale parce qu’elle n’est pas prévue par la loi ou par une ordonnance provinciale ou fédérale en matière de santé. Comme je l’ai mentionné plus haut, les affaires McNamara, Paradis et Mishibinijima montrent clairement qu’il faut se concentrer sur ce qu’une partie prestataire a fait ou n’a pas faitNote de bas de page 19.

[56] Je remarque que le prestataire a déposé un grief contre ses suspensions et son congédiement. C’est en effet un mécanisme de recours approprié si le prestataire estime que son employeur a violé sa convention collective. Cela dit, même si je considère que la présente affaire diffère de celle que le prestataire a mentionnée et qui a été tranchée par un autre membre de la division générale, je ne déciderai pas si son employeur a violé sa convention collective, car cette décision dépasse ma compétence.

[57] Le prestataire ajoute que son employeur a appliqué sa politique de façon arbitraire et incohérente lorsqu’il l’a laissé continuer à exercer ses fonctions. Le prestataire affirme que l’employeur a enfreint sa propre politique ainsi que les directives de santé publique. Le prestataire dit qu’il a été autorisé à se présenter au travail après le 31 octobre 2021 (date limite pour se faire vacciner contre la COVID-19), mais qu’il n’avait toujours pas accès aux tests de dépistage rapides.

[58] Le prestataire soutient que son employeur savait qu’il n’était pas vacciné et qu’il n’avait pas fait de tests. Mais l’employeur lui a permis de travailler sur place début novembre, malgré ce que disait la politique de vaccination. Il affirme que l’absence de tests ne l’a pas empêché de s’acquitter de ses fonctions et que son employeur ne s’en est pas vraiment soucié.

[59] Le prestataire a fourni au Tribunal des courriels que l’employeur avait envoyés au sujet de son protocole de dépistage et de la livraison des tests rapides. Le dernier a été envoyé le 8 novembre 2021. Il dit qu’une trousse de tests rapides approuvés par Santé Canada a été expédiée au domicile des membres du personnel. On y apprend aussi que le personnel devait se présenter au travail comme d’habitude, se soumettre au dépistage quotidien obligatoire et commencer les tests dès leur réception.

[60] Je ne suis pas d’accord avec le prestataire. Il dit que le fait que son employeur l’a autorisé à se présenter au travail dans l’attente des tests rapides signifie que l’employeur a violé sa propre politique et qu’il aurait pu poursuivre sa relation de travail sans avoir à se soumettre aux tests rapides. La livraison des tests rapides a été retardée. L’employeur a donc demandé au prestataire de subir un dépistage quotidien avant de se présenter au travail et de commencer les tests dès qu’il les recevait. Je ne trouve pas que cette approche soit insensée.

[61] Le protocole de dépistage prévoit que [traduction] « si les tests rapides d’autodépistage ne sont pas disponibles, d’autres méthodes de dépistage rapide et/ou des mesures de prévention additionnelles peuvent être nécessaires, selon le cas, et peuvent changer de temps à autre ». Je juge que cet énoncé est conforme aux instructions que l’employeur a données au prestataire jusqu’au 8 novembre 2021, lorsqu’il n’avait pas encore reçu ses tests rapides.

[62] À compter du 9 novembre 2021, le prestataire a refusé de se soumettre aux tests rapides comme l’exigeait le protocole de dépistage de l’employeur. Le 14 novembre 2021, le prestataire a envoyé un courriel à son employeur. Il a dit qu’il ne suivrait pas ses politiques de dépistage et de vaccination parce qu’elles contrevenaient à sa convention collective. J’estime que le prestataire savait ce que les politiques de son employeur lui exigeaient, mais qu’il a décidé de ne pas les suivre.

[63] Le prestataire soutient que la déclaration de la Commission selon laquelle je dois me concentrer sur sa conduite, et non sur celle de l’employeur, est problématique. Il cite une décision de la Cour fédérale pour appuyer son argument selon lequel la conduite de son employeur est pertinenteNote de bas de page 20. Dans cette décision, la Cour a établi que la division générale devrait tenir compte de la conduite d’un employeur lorsque celle-ci a pu entraîner une inconduite.

[64] Le prestataire est dérangé par l’idée que le protocole de dépistage exige de déclarer le résultat des tests. Il explique qu’à l’inscription sur la plateforme de l’employeur, toute personne doit confirmer qu’elle a lu et compris le protocole et les politiques de dépistage rapide, et qu’elle accepte de s’y conformer. Il ajoute que cette condition comprend aussi la politique vaccinale de l’employeur. Il affirme que c’est ce qui l’a amené à refuser les tests, parce qu’il ne voulait pas se faire vacciner comme l’exige la politique vaccinale.

[65] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait mis en place le protocole de dépistage rapide à titre de mesure à court terme. Il a expliqué que son intention était de donner au personnel le temps de se faire vacciner entièrement. L’employeur a envoyé à la Commission une copie de la foire aux questions sur le dépistage rapide. Une question porte sur la fin des tests rapides, à savoir s’ils se poursuivraient jusqu’en janvier. La réponse est que oui, mais qu’ils seraient abandonnés après le 31 janvier 2022.

[66] L’employeur a envoyé à la Commission un courriel du 2 décembre 2021. Il précise qu’à compter du 1er février 2022, les membres du personnel qui ne sont pas entièrement vaccinés contre la COVID-19 seront mis en congé sans solde et s’exposent à un congédiement. Je remarque que le 2 décembre 2021 est le jour où l’employeur a congédié le prestataire.

[67] Le prestataire a perçu le dépistage rapide comme une solution de rechange à la vaccination contre la COVID-19. Mais ce n’est pas ce que dit le protocole de dépistage. Le protocole considère les tests rapides comme une mesure provisoire. Et l’objectif ultime est que tout le personnel soit entièrement vacciné.

[68] Selon moi, la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19, son protocole de dépistage et sa foire aux questions en la matière disent tous que le personnel doit être vacciné. J’accorde alors beaucoup de poids à la déclaration de l’employeur à la Commission : le protocole de dépistage était une mesure provisoire destinée à donner le temps au personnel de se faire vacciner. Pour cette raison, je ne crois pas que l’employeur a agi de mauvaise foi lorsqu’il a exigé du prestataire qu’il accepte de se conformer à la politique de vaccination. Je ne crois pas non plus que la conduite du prestataire était une conséquence directe des actions de l’employeur, comme c’était le cas dans l’affaire Astolfi. Je considère que le prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner et de ne pas suivre le protocole de dépistage de l’employeur pour ses propres raisons.

[69] Le prestataire affirme qu’il ne pouvait pas prévoir que sa conduite entraînerait son congédiement. Il énumère plusieurs raisons à cet effet. Après avoir consulté la politique vaccinale de l’employeur, le protocole de dépistage et les lettres d’avertissement disciplinaire, je ne suis pas d’accord.

[70] La politique de vaccination contre la COVID-19 et le protocole de dépistage de l’employeur indiquent tous deux qu’un manquement peut entraîner des mesures disciplinaires. Les deux premières lettres d’avertissement disciplinaire que l’employeur a envoyées au prestataire disent que tout refus de se soumettre aux tests obligatoires entraînera des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement. Une troisième lettre précise que tout refus entraînera cette fois-ci la fin d’emploi du prestataire. Dans une dernière lettre, l’employeur a avisé le prestataire qu’il était congédié.

[71] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec les politiques de son employeur sur la COVID-19. Je comprends aussi qu’il pensait que l’employeur le mettrait simplement en congé sans solde. Je n’ai aucune raison de douter de la déclaration du prestataire selon laquelle il était un employé de longue date qui se démarquait des autres. Cependant, j’estime qu’il aurait dû s’attendre à ce que son refus de faire les tests rapides mène à son congédiement. C’est exactement ce que son employeur a dit dans la lettre qu’il lui a envoyée le 22 novembre 2021.

[72] Je considère que l’acte du prestataire de ne pas suivre le protocole de son employeur sur le dépistage de la COVID-19 était délibéré. Il a fait le choix conscient, voulu et intentionnel de ne pas se soumettre aux tests. Il l’a fait en sachant qu’il perdrait probablement son emploi. Pour ces motifs, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[73] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[74] En effet, les actions du prestataire ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait ou aurait dû savoir que le refus de se soumettre aux tests de routine allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[75] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[76] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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