Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 334

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (529883) datée du 9 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 9 janvier 2023
Date de la décision : Le 11 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3094

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’elle a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19 : elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’agir contre la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] Elle affirme que la politique de vaccination de l’employeur n’était pas justifiée. Cette politique ne faisait pas partie de son contrat de travail initial. Elle n’avait pas de contact avec les patientes et les patients de l’hôpital et aurait pu faire son travail administratif entièrement de la maison. Elle dit qu’elle était prête à passer des tests réguliers au lieu de se faire vacciner, mais que l’employeur a refusé de lui offrir des mesures d’adaptation.

[6] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas page 2.

[9] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[10] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a agi contre la politique de vaccination de son employeur. Elle a confirmé dans son témoignage qu’elle a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se faire vacciner.

[11] La prestataire a déclaré qu’elle avait appris pour la première fois en juillet ou en août 2021 que son employeur était en train de rédiger une politique de vaccination obligatoire. L’employeur a mis en place la politique à compter du 19 août 2021. Elle exigeait que tout le personnel soit entièrement vacciné au plus tard le 31 octobre 2021Note de bas page 3. La prestataire a déclaré avoir reçu la politique par courriel. Elle a dit que la politique s’appliquait à tout le personnel, y compris elle.

[12] La prestataire a déclaré qu’elle comprenait que le fait de ne pas se faire vacciner pouvait mener à une suspension ou à un congédiement.

[13] Le 3 septembre 2021, la prestataire a envoyé un courriel à l’employeur pour demander une exemption de vaccinationNote de bas page 4. Dans un courriel du 17 septembre 2021, l’employeur a rejeté sa demande d’exemptionNote de bas page 5.

[14] Dans un courriel qu’elle a envoyé à l’employeur le 20 septembre 2021, la prestataire a demandé qu’on lui permette de passer des tests au lieu de se faire vaccinerNote de bas page 6. L’employeur a rejeté sa demandeNote de bas page 7.

[15] La politique de vaccination de l’employeur précisait qu’après le 31 octobre 2021, l’option d’être testé au lieu de se faire vacciner n’était offerte qu’aux personnes qui bénéficiaient d’une exemption de vaccination approuvéeNote de bas page 8.

[16] La prestataire a déclaré que l’employeur tenait régulièrement des réunions de type [traduction] « assemblée générale » avec tout le personnel, au cours desquelles il fournissait des renseignements sur ses exigences en matière de vaccination et répondait aux questions sur la politique de vaccination.

[17] La prestataire est partie en congé de maladie le 5 octobre 2021. Son retour au travail était prévu pour le 9 mai 2022.

[18] L’employeur a dit à l’agent de la Commission qu’il avait envoyé un courriel à la prestataire pour lui rappeler qu’elle devait fournir une preuve de vaccination avant de retourner au travail le 9 mai 2022. Il a dit que la prestataire n’avait pas fourni de preuve de vaccination et qu’elle avait donc été congédiée le 10 mai 2022Note de bas page 9.

[19] La prestataire a dit à l’agent de la Commission qu’elle avait reçu le courriel de rappel de l’employeur et qu’elle avait dit à l’employeur qu’elle n’avait pas de preuve de vaccinationNote de bas page 10. Elle a déclaré à l’audience qu’elle avait dit à son employeur qu’elle ne pouvait pas fournir de preuve de vaccination parce qu’elle n’était pas vaccinée.

[20] De plus, la prestataire a dit à l’agent de la Commission qu’elle avait fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner, parce qu’elle ne croyait pas que le vaccin aidait à prévenir la COVID-19Note de bas page 11. Lors de son témoignage à l’audience, elle a dit qu’en travaillant au service de contrôle des infections de l’hôpital, elle avait entendu parler de personnes qui avaient eu de mauvais résultats après avoir reçu le vaccin contre la COVID-19. Elle estimait que le nombre d’études à long terme sur le vaccin n’était pas suffisant. Les personnes vaccinées avaient quand même des résultats positifs au test de dépistage de la COVID-19.

[21] La prestataire affirme que la politique de vaccination de l’employeur était arbitraire et injustifiée. La directive de la province mentionnait comme solution de rechange à la vaccination le fait de bien se renseigner et de se soumettre à des tests de dépistage réguliers. Elle était prête à faire des tests réguliers au lieu d’être vaccinée, mais l’employeur a refusé de lui offrir des mesures d’adaptation.

[22] La prestataire soutient qu’elle avait travaillé de façon sécuritaire jusqu’à son congé de maladie, en suivant les mesures de sécurité, y compris des tests réguliers, le port du masque et le lavage des mains. La politique de l’employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail initial. Elle n’avait pas de contact avec les patientes et les patients de l’hôpital et aurait pu faire son travail administratif entièrement de la maison. Elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant de nombreuses années et elle estime être admissible à des prestations.

[23] La Commission affirme que la prestataire connaissait les exigences de la politique de vaccination de l’employeur. Ses demandes de mesures d’adaptation ont été rejetées et elle savait, ou aurait dû savoir, que si elle ne respectait pas la politique au plus tard à la date de son retour au travail, soit le 9 mai 2022, elle serait congédiée.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[24] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[25] La Loi sur lassurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de la prestataire est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[26] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 12. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 13. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 14.

[27] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 15.

[28] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 16.

[29] Je peux seulement trancher les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à la prestataire. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement congédiée ou aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas page 17. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[30] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule McNamara, un prestataire a affirmé qu’il devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait injustement congédiéNote de bas page 18. Il avait perdu son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue. De plus, les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides.

[31] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question est de savoir si l’action ou l’omission de la personne employée est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, que la personne ait été injustement congédiée ou nonNote de bas page 19.

[32] La Cour d’appel fédérale a aussi dit que l’interprétation et l’application de la loi se concentrent sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a fait remarquer qu’il y avait d’autres solutions pour les personnes injustement congédiées. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur au lieu de faire en sorte que les actions de l’employeur coûtent de l’argent aux contribuables en versements de prestationsNote de bas page 20.

[33] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, un prestataire a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas page 21. Le prestataire a soutenu qu’il avait été injustement congédié, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec des facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à sa politique et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour évaluer s’il y avait eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 22.

[34] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, un prestataire a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas page 23. Le prestataire a soutenu que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que le trouble lié à la consommation d’alcool est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Le fait que l’employeur ne lui avait pas offert de mesures d’adaptation n’était pas pertinentNote de bas page 24.

[35] Ces dossiers ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais ce qu’ils disent est tout de même pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de congédier la prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou a omis de faire et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[36] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que :

  • l’employeur avait une politique de vaccination;
  • l’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes concernant la vaccination;
  • la prestataire savait ou aurait dû savoir quelles étaient les conséquences si elle ne respectait pas la politique de vaccination de l’employeur.

[37] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que :

  • la politique de vaccination de l’employeur était injustifiée : elle allait au-delà de la directive de la province;
  • elle était prête à faire des tests réguliers au lieu d’être vaccinée, mais l’employeur a refusé de lui offrir des mesures d’adaptation;
  • la politique de l’employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail initial;
  • elle n’avait pas de contact avec les patientes et les patients de l’hôpital et aurait pu faire son travail administratif entièrement de la maison.

[38] La politique de vaccination de l’employeur disait ceci :

  • tout le personnel devait être vacciné au plus tard le 31 octobre 2021, à moins de bénéficier d’une exemption médicale approuvée et documentée ou d’une autre exemption approuvée en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario;
  • le personnel devait fournir une preuve de vaccination complète;
  • après le 31 octobre 2021, le dépistage rapide était seulement offert comme solution de rechange à la vaccination si la personne avait une exemption médicale documentée et approuvée ou une autre exemption approuvée en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario;
  • le non-respect de la politique pouvait entraîner un congé sans solde ou des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

[39] La prestataire a fait le choix conscient et délibéré de ne pas se faire vacciner. Elle a déclaré avoir dit à son employeur qu’elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’allait pas le faire.

[40] La prestataire savait que le fait de ne pas être vaccinée signifiait qu’elle ne pouvait pas effectuer son travail. Elle a déclaré que le personnel ne pouvait pas travailler sans se faire vacciner, à moins d’avoir une exemption. Sa demande d’exemption a été rejetée par l’employeur, alors elle savait que ne pas se faire vacciner signifiait qu’elle ne pouvait pas travailler.

[41] La prestataire a déclaré que la politique de vaccination de l’employeur s’appliquait à elle. Elle a confirmé qu’elle savait ce qu’elle devait faire aux termes de la politique de vaccination et ce qui se passerait si elle ne la respectait pas. Elle savait que si elle ne fournissait pas de preuve de vaccination complète, elle pourrait être congédiée de son emploi.

[42] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que :

  • l’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que tout le personnel soit vacciné ou bénéficie d’une exemption de vaccination;
  • la politique exigeait que le personnel fournisse une preuve de vaccination complète;
  • l’employeur a clairement communiqué sa politique à la prestataire et a précisé ses attentes concernant la vaccination et la communication d’une preuve de vaccination;
  • l’employeur a tenu des réunions régulières avec le personnel pour lui faire part de ses attentes;
  • la prestataire connaissait les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur;
  • la prestataire n’a pas été exemptée de la vaccination;
  • la prestataire n’a pas été vaccinée et a donc été congédiée.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[43] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[44] En effet, les actions de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait que son refus de se faire vacciner pouvait entraîner la perte de son emploi.

[45] La prestataire estime avoir le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi. Je comprends qu’elle pense qu’elle devrait recevoir des prestations parce qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant de nombreuses années. Cependant, l’assurance-emploi n’est pas une prestation automatique. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour avoir droit aux prestations. Elle ne remplit pas les conditions requises pour avoir droit aux prestations.

Conclusion

[46] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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