Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : YS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 279

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : Y. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 13 janvier 2023
(GE-22-2669)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 16 mars 2023
Numéro de dossier : AD-23-104

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de suivre la politique de vaccination de l’employeur. On ne lui avait pas accordé d’exemption. La division générale a estimé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances. Elle a conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient qu’il n’y a aucune preuve qu’elle a manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Elle dit qu’elle n’a pas signé de contrat avec son employeur qui exigeait la vaccination contre la COVID-19. L’employeur a imposé sa politique de vaccination unilatéralement sans tenir compte de la convention collective et sans consulter l’agent négociateur. La prestataire affirme que l’employeur a rappelé tous les employés concernés, admettant ainsi qu’il les avait congédiés à tort et qu’il avait violé la convention collective.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient qu’il n’y a aucune preuve qu’elle a manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Elle dit qu’elle n’a pas signé de contrat avec son employeur qui exigeait la vaccination contre la COVID‑19. L’employeur a imposé sa politique de vaccination unilatéralement sans tenir compte de la convention collective et sans consulter l’agent négociateur. La prestataire affirme que l’employeur a rappelé tous les employés concernés, admettant ainsi qu’il les avait congédiés à tort et qu’il avait violé la convention collective.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, les actes reprochés doivent avoir été délibérés, ou à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé d’ignorer les répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique de vaccination de l’employeur. Elle en avait été informée et on lui avait donné le temps de s’y conformer. On ne lui avait pas accordé d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations du médecin hygiéniste de l’Ontario en mettant en œuvre sa politique de vaccination pour protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiéeNote de bas de page 4.

[21] La prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur. Elle dit que la division générale a ignoré les éléments de preuve soulignant la nature nocive des médicaments prescrits. Elle soutient que la politique de vaccination de l’employeur était injuste et déraisonnable.

[22] Je remarque que la division générale a bel et bien tenu compte des arguments de la prestataire concernant l’innocuité du vaccinNote de bas de page 5. Toutefois, trancher une question de santé publique dépasse largement le champ d’expertise et la compétence du Tribunal.

[23] Je ne vois donc pas d’erreur révisable dans la décision de la division générale selon laquelle elle n’a pas la compétence de trancher des questions sur l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de vaccination de l’employeur.

[24] La prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation et s’il a enfreint son contrat de travail et sa convention collective.

[25] Les questions de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire et si la politique de vaccination de l’employeur a violé les droits en matière d’emploi ainsi que les droits fondamentaux et constitutionnels de la prestataire relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant la question de l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[27] Le prestataire a fait valoir que refuser de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien internationalNote de bas de page 7.

[28] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers celui-ci et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. La Cour a déclaré qu’il existait d’autres moyens par lesquels les demandes du prestataire pouvaient progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[29] Dans l’affaire Paradis susmentionnée, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[30] La Cour fédérale a déclaré qu’une partie prestataire a des recours pour sanctionner le comportement d’un employeur qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[31] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation d’un employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite dans le cadre de l’assurance-emploi.

[32] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[33] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur mise en place en réponse à la situation exceptionnelle créée par la pandémie et que cela a entraîné son congédiement.

[34] Je ne vois pas en quoi par la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 9.

[35] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie. Cela ne change rien au fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[36] La prestataire a fait référence à une décision de la division générale qu’elle croit semblable à sa situation. Dans cette affaire, la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10. La prestataire demande que les décisions du Tribunal soient cohérentes.

[37] Il est important de répéter que la division d’appel n’est pas liée par les décisions de la division généraleNote de bas de page 11. La division d’appel est liée par les décisions de la Cour fédérale et elle les a suivies. De plus, les faits sont différents dans la décision mentionnée par la prestataire en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait une disposition lui permettant de refuser toute vaccination. La prestataire n’a présenté aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[38] La prestataire soutient en outre que son employeur l’a rappelée au travail sans qu’elle soit vaccinée. Ce fait ne change pas la nature de l’inconduite qui a initialement mené à son congédiementNote de bas de page 12.

[39] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[40] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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