Assurance-emploi (AE)

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Citation : RP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 703

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation de délai et à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : R. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
21 décembre 2022 (GE-22-2886)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 5 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-328

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Décision

[1] La prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. La permission de faire appel n’est toutefois pas accordée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a fumé dans la mine, près d’explosif, alors que cela était contraire à la politique de l’employeur.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a déterminé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi car il avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le prestataire a porté en appel la décision en révision devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a fumé dans la mine alors que la politique de l’employeur lui interdisait. Elle a déterminé que le prestataire savait qu’il était interdit de fumer dans la mine. La division générale a déterminé que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’en agissant de la sorte, il était possible qu’il soit congédié. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] Le prestataire demande maintenant à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il fait valoir que la division générale n’a pas questionné son employeur afin de vérifier sa crédibilité. Il soumet que la division générale ne pouvait lui reprocher d’avoir oublié un détail puisque le dossier remonte à cinq ans. Il fait valoir qu’il n’a jamais fumé une cigarette en présence d’explosif. Le prestataire fait valoir qu’il est permis de fumer dans une mine souterraine dans les endroits ayant une ventilation continue.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes:

  1. a) La demande a-t-elle été présentée en retard à la division d’appel?
  2. b) Si la demande est en retard, est-ce que je devrais prolonger le délai pour présenter la demande?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

La demande a été présentée en retard

[7] La décision de la division générale a été communiquée au prestataire le 21 décembre 2022. Il a déposé sa demande pour permission d’en appeler le 30 mars 2023. La demande du prestataire a été présentée en retard.

Je prolonge le délai pour présenter la demande

[8] Pour décider si je prolonge ou non le délai pour présenter la demande, je dois examiner si le prestataire a une explication raisonnable qui justifie le retard de sa demandeNote de bas de page 1.

[9] Le prestataire fait valoir qu’il n’a pas reçu la décision de la division générale avant le 2 mars 2023, soit lorsqu’il a reçu la décision de sa représentante devant la division générale.

[10] Dans les circonstances, le prestataire a présenté une explication raisonnable justifiant son retard. Il y a lieu d’accorder la prolongation du délai pour présenter la demande.

Je n’accorde pas la permission de faire appel au prestataire

[11] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[12] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel il devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais, il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En autres mots, que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[13] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par le prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[14] Le prestataire fait valoir que la division générale n’a pas questionné son employeur afin de vérifier sa crédibilité. Il soumet que la division générale ne pouvait lui reprocher d’avoir oublié un détail puisque le dossier remonte à cinq ans. Il fait valoir qu’il n’a jamais fumé une cigarette en présence d’explosif. Le prestataire fait valoir qu’il est permis de fumer dans une mine souterraine dans les endroits ayant une ventilation continue.

[15] La division générale devait décider si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[16] Le rôle de la division générale est de déterminer, selon la preuve présentée par les parties, si la conduite de l’employé constitue une inconduite et non pas de déterminer si la gravité de la sanction imposée par l’employeur est justifiée ou non ou si le geste de l’employé constitue un motif valable de congédiement.Note de bas de page 2

[17] Le seul fait qu’une partie soit présente et que l’autre soit absente n’est pas un facteur déterminant. La division générale est libre de préférer la crédibilité de l’une ou de l’autre.

[18] La division générale a déterminé que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a fumé dans la mine alors que la politique de l’employeur lui interdisait. Elle a déterminé que le prestataire savait qu’il était interdit de fumer dans la mine. La division générale a déterminé que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’en agissant de la sorte, il était possible qu’il soit congédié. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[19] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[20] Dans une déclaration initiale, sept mois seulement après le congédiement, le prestataire a déclaré à la Commission que personne ne pouvait affirmer qu’il avait fumé parce qu’il ne l’avait pas fait.Note de bas de page 3

[21] L’employeur a déclaré à la Commission que le prestataire avait été pris par son superviseur à fumer sous terre dans la mine en présence d’explosif.Note de bas de page 4 Le superviseur a confirmé par écrit la version de l’employeur.Note de bas de page 5 L’employeur a ultérieurement produit une photo de la pancarte située à l’entrée de la mine qui indique une interdiction de fumer sous terre.Note de bas de page 6

[22] Dans une déclaration subséquente, le prestataire a déclaré avoir fumé dans la mine et non dans une zone autorisée. Il a admis connaitre les règlements l’interdisant. Il a déclaré ne pas être le seul à fumer dans la mine et qu’il était loin des explosifs au moment des faits.Note de bas de page 7 Dans une déclaration écrite, le prestataire a réitéré avoir fumé une cigarette le jour du congédiement.Note de bas de page 8

[23] Le superviseur du prestataire a déclaré à la Commission qu’il avait personnellement surpris le prestataire assis dans un wagon en mouvement en train de fumer dans la mine.Note de bas de page 9 Il remet un avis disciplinaire à chaque employé pris sur le fait à fumer dans la mine.Note de bas de page 10

[24] Après avoir initialement déclaré à la suite de son congédiement ne pas avoir fumé, le prestataire a changé sa version pour déclarer avoir fumé dans la mine loin des explosifs. La version de l’employeur n’a cependant pas changé au fil du temps. Je ne trouve aucune raison qui justifierait mon intervention sur la question de crédibilité du prestataire, telle qu’évaluée par la division générale.

[25] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a été congédié parce qu’il a fumé dans la mine alors qu’il savait que cela était interdit. Le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il agissait de manière contraire à la politique de l’employeur en fumant dans la mine et que, de ce fait, il était possible qu’il soit congédié. Il a été congédié pour cette raison. Il a donc perdu son emploi en raison de son inconduite.

[26] La décision de la division générale repose sur les éléments de preuve qui ont été présentés ainsi que sur les dispositions législatives applicables, telles qu'elles ont été interprétées dans la jurisprudence.

[27] Un appel devant la division d’appel n’est pas une audience de nouveau permettant à une partie de présenter une deuxième fois sa preuve et espérer une décision différente.

[28] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je conclu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire ne soulève aucune question de fait ou de droit dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[29] La prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. Cependant, la permission de faire appel n’est pas accordée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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