Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 405

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. H.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 3 février 2023 (GE-22-3171)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 11 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-138

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. La division générale a conclu que la prestataire savait qu’il était probable que l’employeur la suspende dans ces circonstances. Elle a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. La prestataire soutient qu’elle ne devrait pas être victime de discrimination en raison de sa religion. Elle soutient qu’elle a demandé à juste titre une exemption religieuse et que son employeur l’a refusée de façon déraisonnable. La prestataire soutient que, selon le Guide de la détermination de l’admissibilité, si un employeur l’impose, un congé est considéré comme une mise à pied. Elle soutient que l’employeur a violé son contrat de travail et ses droits constitutionnels.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient qu’elle ne devrait pas faire l’objet de discrimination en raison de sa religion. Elle soutient avoir demandé à juste titre une exemption pour motifs religieux, et que son employeur l’a refusée de façon déraisonnable. Elle affirme également que l’employeur a violé son contrat de travail et ses droits constitutionnels. Enfin, elle dit que selon le Guide de la détermination de l’admissibilité, si un employeur lui impose un congé, celui-ci est considéré comme une mise à pied.

[13] Il est important de rappeler que le Guide de la détermination de l’admissibilité est un guide d’interprétation qui n’est pas juridiquement contraignant pour le Tribunal. Il reflète simplement l’opinion de l’administrateur qui agit en vertu de la loi. Cet avis ne correspond pas nécessairement à la loiNote de bas page 1.

[14] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, d’établir quels sont les faits pertinents à la question de droit dont elle est saisie et d’énoncer, dans sa décision écrite, sa propre décision indépendante à cet égard.

[15] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[16] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspensionNote de bas page 2.

[18] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se conformer à la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et elle avait eu le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. Le refus de la prestataire était intentionnel, et donc délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension.

[19] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[20] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 3. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas page 4.

[22] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des membres de son personnel sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous les membres de son personnel pendant la pandémie. Cette politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendueNote de bas page 5.

[23] Il n’appartenait pas à la division générale de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[24] Il n’était pas non plus nécessaire que la division générale décide si l’employeur pouvait mettre la prestataire en « congé sans solde » selon sa convention collective parce qu’elle avait refusé de suivre sa politique. Il est bien établi que la procédure disciplinaire d’un employeur n’est pas pertinente pour déterminer l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 6.

[25] La question de savoir si l’employeur aurait dû accorder des mesures d’adaptation à la prestataire en lui permettant de travailler de la maison, s’il aurait dû lui accorder une exemption religieuse, si la politique de l’employeur violait les droits en matière d’emploi de la prestataire, ou si elle violait ses droits fondamentaux et constitutionnels, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’endroit approprié où la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demandeNote de bas page 7.

[26] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire ou efficace. Le prestataire a senti qu’il avait été victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a affirmé qu’il a le droit d’être maître de sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas page 8.

[27] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 9. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[28] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[29] Elle a déclaré qu’une partie prestataire peut sanctionner le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[30] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[31] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[32] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[33] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 10.

[34] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas page 11. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[35] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[36] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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