Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 404

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (524148) datée du 24 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 24 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 3 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3171

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été suspendue de son emploi. L’employeur de la prestataire affirme qu’elle a été suspendue parce qu’elle est allée à l’encontre de sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas page 2.

[8] Pour décider si la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison la prestataire a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi?

[9] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[10] La prestataire affirme qu’elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle a dit qu’elle devait être entièrement vaccinée pour travailler.

[11] La Commission affirme que la prestataire n’a pas respecté la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Elle affirme que c’est pour cette raison que son employeur l’a suspendue.

[12] La prestataire ne conteste pas la raison pour laquelle son employeur l’a suspendue. Même si elle ne croit pas que le refus de se faire vacciner constitue une inconduite, je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] La raison de la suspension de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si la suspension du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 5.

[16] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 6.

[17] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas page 8.

[18] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 9.

[19] Je peux trancher les questions au titre de la Loi sur l’assurance-emploi seulement. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Et ce n’est pas à moi de décider si son employeur l’a suspendue à tort ou s’il aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour elleNote de bas page 10 (lui offrir des mesures d’adaptation). Je peux seulement examiner une chose : la question de savoir si ce que la prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] Dans une affaire appelée McNamara, la Cour d’appel fédérale (CAF), le prestataire a fait valoir qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié à tortNote de bas page 11. Il a perdu son emploi en raison de la politique de son employeur sur le dépistage de drogue. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il était incapable d’effectuer son travail en toute sécurité parce qu’il consommait de la drogue. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage auraient dû être valides.

[21] En réponse, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’elle a toujours dit que, dans les cas d’inconduite, la question à trancher est de savoir si l’acte ou l’omission de l’employée ou l’employé constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non si la personne a été congédiée à tortNote de bas page 12.

[22] La Cour d’appel fédérale a également déclaré que, lorsqu’on interprète et applique la Loi sur l’assurance-emploi, l’accent est clairement mis sur le comportement de l’employée ou l’employé, et non sur celui de l’employeur. Elle a souligné que les personnes qui ont été congédiées à tort ont d’autres solutions à leur disposition. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur, plutôt que de transférer les coûts du comportement de l’employeur aux contribuablesNote de bas page 13.

[23] Dans une affaire plus récente appelée Paradis, le prestataire a été congédié après avoir échoué à un test de dépistageNote de bas page 14. Il a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, puisque les résultats des tests ont démontré que ses facultés n’étaient pas affaiblies pendant qu’il était au travail. Il a dit que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en fonction de ses propres politiques et des lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que le comportement de l’employeur n’était pas pertinent pour décider de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 15.

[24] De même, dans l’affaire Mishibinijima, le prestataire a perdu son emploi en raison de sa dépendance à l’alcoolNote de bas page 16. Il a fait valoir que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que la dépendance à l’alcool est considérée comme une invalidité. La Cour d’appel fédérale a répété que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait, et qu’il n’est pas pertinent que l’employeur ne lui ait pas offert de mesures d’adaptationNote de bas page 17.

[25] Ces décisions ne concernent pas des politiques de vaccination contre la COVID‑19. Cependant, ce qu’elles disent est toujours pertinent. Mon rôle n’est pas d’examiner le comportement ou les politiques de l’employeur et de décider s’il était juste de suspendre la prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • il n’y a rien dans sa convention collective concernant l’obligation de se faire vacciner;
  • son employeur n’a pas suivi le processus pour établir s’il y avait eu une inconduite;
  • personne ne devrait avoir le droit de porter un jugement sur ses croyances religieuses.

[27] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite parce que la prestataire connaissait la politique de son employeur sur la COVID-19, y compris les conséquences du non-respect de celle-ci.

[28] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite. J’estime que la prestataire savait qu’elle pouvait être suspendue de son emploi si elle allait à l’encontre de la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Cependant, elle a choisi de ne pas se faire vacciner même après que son employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation.

[29] La prestataire a dit à la Commission qu’elle était en congé autorisé parce qu’elle ne s’était pas conformée à la vaccination obligatoire. Elle a expliqué qu’elle devait être entièrement vaccinée contre la COVID-19 pour travailler.

[30] La prestataire travaille pour X. Elle a mis en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19 qui est entrée en vigueur le 6 octobre 2021 et qui prévoit ce qui suit :

  • tous les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés, à moins que des mesures d’adaptation ne soient prises pour des raisons médicales ou religieuses, ou tout autre motif illicite de discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
  • les membres du personnel doivent divulguer leur statut vaccinal au plus tard le 29 octobre 2021;
  • les membres du personnel qui ne divulguent pas leur statut vaccinal dans le délai prévu seront placés en congé administratif sans solde;
  • les personnes qui demandent des mesures d’adaptation doivent présenter leur demande dans les deux semaines suivant la notification de la décision de l’employeur.

[31] La prestataire a déclaré qu’elle était au courant de la politique de X en octobre 2021, mais que son ministère n’en avait pas été informé officiellement avant novembre 2021. Elle a dit qu’il avait été avisé le 8 novembre 2021 qu’il fallait confirmer son statut vaccinal. La prestataire a déclaré que si elle n’était pas vaccinée au plus tard le 14 décembre 2021, elle serait mise en congé.

[32] Je conclus du témoignage de la prestataire qu’elle connaissait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle était également au courant les dates limites et des conséquences du non-respect de la politique. Je juge donc qu’elle savait que si elle ne se faisait pas vacciner contre la COVID-19, elle serait suspendue de son emploi.

[33] La prestataire a demandé à son employeur de lui offrir des mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Elle a dit à la Commission que son employeur avait rejeté sa demande. L’employeur lui a envoyé une lettre le 14 février 2022 et la prestataire avait deux semaines pour attester son statut vaccinal.

[34] La prestataire a déclaré qu’elle ne sait pas comment une personne qui ne la connaît pas pourrait évaluer sa demande de mesures d’adaptation. Elle a dit que les gens qui la connaissent savent qu’elle va à l’église depuis 30 ans. Elle a dit que son employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation, d’autant plus qu’elle faisait la majeure partie de son travail à domicile.

[35] Je comprends que la prestataire n’est pas d’accord avec la décision de son employeur de rejeter sa demande de mesures d’adaptation. Toutefois, ce n’est pas mon rôle de décider si la décision de l’employeur était raisonnable.

[36] La prestataire a dit que la nouvelle condition d’emploi selon laquelle il faut être entièrement vacciné contre la COVID-19 ne figure pas dans sa convention collective. Elle a dit que son employeur et son syndicat négocient maintenant. Cependant, elle ne sait pas si l’exigence relative à la vaccination sera ajoutée à la convention collective.

[37] J’ai demandé à la prestataire si elle disait que son employeur ne peut pas créer de politiques pour gérer des situations d’urgence comme la COVID-19. La prestataire a dit qu’elle imagine que c’est possible, mais que l’employeur ne peut pas ajouter une condition d’emploi lors des négociations. Elle a dit qu’au moment de son embauche, rien ne disait qu’elle devait se faire vacciner contre la COVID-19 et que son employeur ne pouvait pas maintenant dire qu’il s’agissait d’une condition d’emploi.

[38] Je ne crois pas que le fait de ne rien avoir mentionné auparavant au sujet de la vaccination dans sa convention collective signifie que l’employeur de la prestataire ne pouvait pas créer et mettre en œuvre une politique pour traiter des effets de la COVID‑19 sur ses activités. Cependant, la prestataire peut demander un recours devant une autre cour ou un autre tribunal si elle pense que son employeur est allé à l’encontre de sa convention collective en mettant en œuvre sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[39] La prestataire affirme que son employeur n’a pas suivi son processus pour établir s’il y avait eu une inconduite. Je n’ai aucune raison d’en douter. La politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur fait référence à un congé administratif sans solde. Cependant, la question à laquelle je dois répondre est de savoir si la décision de la prestataire de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non selon les processus de l’employeur.

[40] La prestataire a déclaré que sa décision concernant sa propre santé n’est pas une inconduite. Elle a dit qu’il y avait des personnes dans son immeuble qui avaient attrapé la COVID-19 et que le vaccin n’avait rien changé. Elle a dit qu’elle avait des problèmes avec les vaccins à ARNm en raison de l’utilisation de tissus de la lignée cellulaire fœtale, mais son employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation. Elle a déclaré qu’elle fait bien son travail, alors on ne peut pas dire que son choix de santé est une inconduite.

[41] Malgré les préoccupations de la prestataire, je conclus que sa décision de ne pas se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur était délibérée. Elle a fait un choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Elle l’a fait en sachant qu’elle serait placée en congé sans solde. J’estime que cela signifie qu’elle a été suspendue. Pour ces motifs, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite.

La prestataire a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[42] Selon mes conclusions précédentes, je juge que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[43] En effet, les actions de la prestataire ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner allait probablement entraîner sa suspension.

Conclusion

[44] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[45] Ainsi, l’appel est rejeté.

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