Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 421

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire appel

Partie demanderesse : A. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 30 décembre 2022 (GE-22-2974)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 12 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-136

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, A. S., travaillait pour un organisme du gouvernement fédéral. Le 15 mars 2022, l’employeur du prestataire l’a placé en congé sans solde parce qu’il a refusé de fournir la preuve qu’il avait reçu un vaccin contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que le prestataire avait délibérément contrevenu à la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a mal interprété le sens que la Loi sur l’assurance-emploi donne à l’« inconduite ».
  • Elle a ignoré le fait que rien dans la loi n’exigeait que son employeur établisse et applique une politique de vaccination contre la COVID-19.
  • Elle a ignoré le fait que ni son contrat de travail ni sa convention collective ne mentionnaient une exigence relative au vaccin.
  • Elle a ignoré le fait que son employeur a tenté d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale a fait au moins l’une des choses suivantes :

  • elle n’a pas mené un processus équitable;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.Note de bas de page 1

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 2 Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendable.Note de bas de page 3 Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[9] Le prestataire maintient qu’il n’a rien fait de mal en refusant de se faire vacciner. Il laisse entendre qu’en le forçant à le faire sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits.

[10] Étant donné le droit relatif à l’inconduite, je ne vois pas comment la division générale a commis une erreur en rejetant ces arguments.

[11] Lorsque la division générale a examiné la preuve disponible, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer des politiques de vaccination et de dépistage comme il l’entendait.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique claire exigeant que les employés fournissent la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés.
  • Le prestataire savait que s’il ne respectait pas la politique avant une certaine date cela entraînerait la perte de son emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner ou de se soumettre à des tests dans les délais raisonnables prescrits par son employeur.

[12] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier, ainsi que le témoignage du prestataire. La division générale a conclu que le prestataire s’était rendu coupable d’inconduite parce que sa conduite était délibérée et qu’elle a vraisemblablement mené à sa suspension. Le prestataire croyait peut-être que son refus de suivre la politique ne causait aucun préjudice à son employeur, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à lui d’en décider.

Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[13] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste au prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises. La division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[14] Le prestataire soutient que rien dans la loi n’exigeait que son employeur mette en œuvre une politique de vaccination obligatoire. Il soutient que se faire tester ou se faire vacciner n’a jamais été une condition de son emploi.

[15] Je ne vois pas le bien-fondé de ces arguments.

[16] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi, qui ne correspond pas nécessairement à sa signification courante. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite du prestataire était consciente, voulue ou intentionnelle. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que sa conduite soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raison Note de bas de page 4.

[17] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre que pour évaluer l’admissibilité du prestataire à l’assurance-emploi, elle n’avait pas le pouvoir de décider si les politiques de l’employeur étaient raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[18] Le prestataire soutient que rien dans son contrat de travail et sa convention collective ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, la jurisprudence dit que ce n’est pas la question. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

Je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour le prestataire. Je ne peux examiner qu’une seule chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi. Note de bas de page 5

[19] Ce passage fait écho à une affaire appelée Lemire, dans laquelle la Cour d’appel fédérale avait dit ceci :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiement.Note de bas de page 6

[20]  Dans la décision Lemire, la Cour a conclu qu’un employeur était fondé à considérer comme une inconduite le fait qu’un de ses employés chargés de la livraison de nourriture ait exploité une entreprise parallèle de vente de cigarettes. La Cour a conclu qu’il en était ainsi même si l’employeur n’avait pas de politique explicite concernant une telle conduite.

Une nouvelle affaire confirme l’interprétation de la loi par la division générale

[21] Une décision récente de la Cour fédérale a confirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis des obligations vaccinales contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Note de bas de page 7 La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive n0 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ou de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale Note de bas de page 8.

[22] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons, dans le système juridique, par lesquelles le prestataire aurait pu faire valoir son congédiement injustifié ou ses revendications en matière de droits de la personne.

[23] En l’espèce, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Conclusion

[24] Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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