Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1733

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (508682) datée du 11 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 30 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2974

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. L’employeur du prestataire affirme qu’il a été suspendu parce qu’il a contrevenu à sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire affirme que sa conduite n’était pas délibérée parce que son employeur aurait dû accepter sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux. Il affirme que le non-respect de la politique ne l’a pas empêché de s’acquitter de ses tâches. Il affirme que l’employeur ne peut pas modifier unilatéralement la convention collective.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique en cas de congédiement et de suspension.Note de bas de page 2

[9] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[10] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il allait à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[11] Le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé.

[12] La Commission affirme que le prestataire a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Elle affirme que le refus a entraîné son congé sans solde ou sa suspension pour la période du 15 mars 2022 au 17 juin 2022.

[13] Je conclus qu’il n’est pas contesté que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il allait à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La raison de la suspension du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur lassurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment déterminer si la suspension du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 3 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 4 Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.Note de bas de page 5

[17] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas de page 6

[18] La loi ne prévoit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeur.Note de bas de page 7 Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.Note de bas de page 8

[19] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour le prestataire.Note de bas de page 9 Je ne peux examiner qu’une seule chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[20] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 10

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique exigeant que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19, à moins que des mesures d’adaptation ne soient prises.
  • L’employeur a communiqué les exigences de la politique aux employés; il leur a donné amplement de temps et d’occasions de se faire vacciner.
  • Le prestataire a confirmé qu’il était au courant de la politique et des conséquences du non-respect de celle-ci.
  • La demande d’exemption du prestataire a été rejetée. Il a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique.

[22] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • Sa conduite n’était pas délibérée parce que son employeur aurait dû lui permettre de demander des mesures d’adaptation pour des motifs religieux.
  • Le non-respect de la politique ne l’a pas empêché d’accomplir ses tâches, car il pouvait travailler de la maison.
  • L’employeur ne peut pas modifier unilatéralement sa convention collective.

[23] La politique de vaccination de l’employeur est datée du 25 octobre 2021. Elle prévoit ce qui suit :

  • Les employés doivent être entièrement vaccinés contre la COVID-19.
  • L’employeur accordera des mesures d’adaptation à la politique en raison de contre-indications médicales attestées, de motif religieux ou d’autres motifs de discrimination prohibés, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  • La date limite pour présenter une attestation est le 30 novembre 2021, ou deux semaines après la date à laquelle un employé apprend que sa demande de mesures d’adaptation a été rejetée.
  • Le non-respect de la politique entraîne des conséquences, dont le congé sans solde.Note de bas de page 11

[24] Le prestataire affirme qu’il n’a pas reçu le vaccin pour des motifs religieux.

[25] Le prestataire affirme qu’aux alentours de septembre 2021 il a appris que l’employeur allait mettre en œuvre une politique. Il a fourni au Tribunal une copie d’une ébauche de la politique, la politique datée du 25 octobre 2021, et d’autres messages de l’employeur au sujet de la politique, y compris des réponses aux questions fréquemment posées.

[26] Le prestataire affirme avoir présenté sa demande de mesures d’adaptation pour des motifs religieux le 1er décembre 2021. Il affirme que sa demande a été rejetée par l’employeur le 14 février 2022. Le prestataire affirme que l’employeur lui a dit que s’il ne se faisait pas vacciner au cours du mois suivant, il serait placé en congé.

[27] Le prestataire a été suspendu à compter du 15 mars 2022.

[28] Le prestataire affirme que la politique a été modifiée et qu’il est retourné au travail le 20 juin 2022.

[29] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que tous les employés soient vaccinés, y compris ceux qui pouvaient travailler de la maison.
  • L’employeur a envoyé des documents au sujet de la politique au prestataire à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes.
  • L’employeur a clairement dit au prestataire que sa demande de mesures d’adaptation avait été rejetée et l’a informé qu’il s’attendait à ce qu’il se fasse vacciner.
  • Le prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[30] Le prestataire s’appuie sur une autre décision du Tribunal, laquelle a conclu qu’une partie à une convention collective ne peut pas imposer unilatéralement de nouvelles conditions sans consulter l’autre partie et obtenir son consentement, sauf lorsque la loi le prévoit.Note de bas de page 12 Je ne suis pas obligée de suivre les autres décisions du Tribunal; je ne suivrai pas celle-ci. En effet, il ne m’appartient pas de décider si l’employeur peut apporter une modification unilatérale à la convention collective du prestataire. Le prestataire peut déposer un grief. D’ailleurs, il dit l’avoir fait avec l’aide de son syndicat.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[31] À la lumière de mes conclusions ci-dessus, je conclus que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[32] En effet, les actions du prestataire ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[33] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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