Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 214

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie demanderesse : L. J.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 12 décembre 2022
(GE-22-2433)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 28 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-20

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption à la politique. Par la suite, le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur le congédierait probablement dans ces circonstances. Elle a également conclu que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que son superviseur et son gestionnaire lui ont dit qu’il ne serait pas congédié, et que l’employeur ment et camoufle le fait qu’il n’a jamais été mis en congé. Le prestataire prétend qu’il n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que son superviseur et son gestionnaire lui ont dit qu’il ne serait pas congédié. Il affirme que l’employeur ment et camoufle le fait qu’il n’a jamais été mis en congé. Le prestataire soutient qu’il n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement Note de bas page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et il avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus du prestataire était intentionnel, et donc délibéré. Il s’agit de la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner son congédiement.

[17] La division générale a conclu que l’employeur avait dit au prestataire que tous les membres du personnel devaient être entièrement vaccinés. Elle a aussi conclu que la correspondance écrite de l’employeur ne disait pas que le prestataire serait autorisé à travailler à un autre endroit.

[18] La division générale a préféré la correspondance écrite de l’employeur au témoignage du prestataire, car elle est cohérente et claire, et elle reflète la politique écrite.

[19] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2.

[21] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des membres de son personnel sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les lignes directrices en santé publique pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de tous les membres du personnel et de la clientèle pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été congédiéNote de bas page 3.

[22] La question de savoir si l’employeur a omis d’offrir des mesures d’adaptation au prestataire ou si la politique de l’employeur a porté atteinte aux droits fondamentaux et constitutionnels de celui-ci relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’endroit approprié où le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas page 4.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[24] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu qu’il n’a pas été prouvé que le vaccin est sécuritaire ou efficace. Le prestataire a senti qu’il avait été victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a déclaré qu’il a le droit d’être maître de sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas page 5.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur, et qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 6. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[26] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertainesur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[28] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[30] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné son congédiement.

[31] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 7.

[32] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[33] Je dois répéter qu’un appel à la division d’appel n’est pas une occasion de présenter à nouveau des éléments de preuve en espérant obtenir un résultat différent. Ce n’est pas le rôle de la division d’appel.

[34] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme une erreur concernant la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[35] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[36] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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