Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 297

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (531619) datée du 12 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 17 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 24 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3413

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait dans une usine comme opérateur de raboteuse et de désempileuse inclinable. La mère de ses enfants lui a demandé de l’aider avec leurs quatre filles qui éprouvaient [traduction] « des difficultés à l’école et causaient des soucis à leur mère ». Les filles du prestataire vivaient avec leur mère à X, soit à plus de quatre heures de route. Il n’était pas en mesure de les rencontrer chaque jour pour leur donner un coup de main. Il a donc quitté son emploi le 12 avril 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. Il pensait que sa demande de prestations d’assurance-emploi serait approuvée et qu’il pourrait utiliser cet argent pour déménager à X.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ du prestataire. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[5] La Commission affirme que d’autres options s’offraient au prestataire : il aurait pu se trouver un emploi à X avant d’y déménager, il aurait pu attendre d’avoir assez d’argent avant de déménager à X, ou il aurait pu demander un congé à son employeur.Note de bas de page 1

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il devait quitter son emploi pour déménager à X, parce que la mère de ses enfants avait besoin d’aide pour s’occuper de leurs enfants.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire a démissionné pour s’occuper de ses filles

[7] Dans le dossier, on indique que le prestataire a déclaré à la Commission qu’il a quitté son emploi parce qu’il prévoyait déménager à X pour aider sa fille à s’occuper de ses petits-enfants.Note de bas de page 2 Il a précisé à l’audience qu’il avait démissionné parce qu’il prévoyait déménager à X pour s’occuper de ses quatre filles. J’accepte cette précision.

Question en litige

[8] Je dois décider si le prestataire est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification.

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord vérifier si le prestataire a quitté volontairement son emploi. S’il l’a fait, je dois alors décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties s’entendent pour dire que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[10] J’admets que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Lors de son témoignage à l’audience, le prestataire a convenu qu’il avait démissionné et que son dernier jour de travail était le 12 avril 2022. Je ne vois aucune preuve qui contredise cela.

Les parties ne sont pas d’accord pour dire que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 3 Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on était fondé à le faire.

[13] La loi explique ce que signifie « être fondé à » quitter son emploi. Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances.Note de bas de page 4

[14] Il incombe au prestataire de prouver qu’il était fondé à quitter son emploi.Note de bas de page 5 Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[15] Pour décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examiner.Note de bas de page 6 Le prestataire affirme que l’une des circonstances prévues par la loi s’applique à son cas. Plus précisément, il affirme qu’il avait l’obligation de s’occuper d’un enfant ou d’un membre de sa famille immédiate. Note de bas de page 7  

[16] Après avoir cerné les circonstances qui s’appliquent au cas du prestataire, je dois voir s’il a démontré que quitter son emploi quand il l’a fait était la seule solution raisonnable.Note de bas de page 8

Les circonstances entourant la démission du prestataire

[17] Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, le prestataire a déclaré qu’il a déménagé à X les 15 et 16 avril 2022. Il a dit qu’au moment où il a décidé de déménager, il s’attendait à rester à X pendant plus de 12 mois.Note de bas de page 9

[18] Le 30 mai 2022, le prestataire a communiqué avec la Commission et a déclaré qu’il éprouvait des difficultés financières. Il a dit qu’il avait été expulsé de chez lui et qu’il avait dû emménager avec son père, qui vit dans la région de X. Il a dit qu’on allait bientôt reprendre possession de son camion.Note de bas de page 10

[19] Le prestataire a parlé à une agente de la Commission le 6 juillet 2022. Il lui a dit qu’il a quitté son emploi parce qu’il prévoyait déménager pour s’occuper de ses filles. Il pensait recevoir des prestations d’assurance-emploi tout de suite et être en mesure d’utiliser cet argent pour déménager. Cependant, lorsque sa demande d’assurance-emploi n’a pas été approuvée, il ne pouvait pas déménager à X, parce qu’il n’avait aucun revenu. Il a dit que les difficultés avec ses filles semblaient s’être apaisées, alors on n’avait plus besoin de lui à X. Il cherchait donc du travail dans la région de X.Note de bas de page 11

[20] Le 12 septembre 2022, le prestataire a parlé à un agent de révision de la Commission. Un compte rendu de leur conversation se trouve au dossier. Le prestataire a confirmé avoir quitté son emploi pour déménager. Il a confirmé sa déclaration antérieure selon laquelle il n’avait aucun revenu et n’avait donc pas pu déménager, et qu’il avait été expulsé de sa maison et avait emménagé avec son père.Note de bas de page 12

[21] Compte tenu de ses déclarations à la Commission, j’ai demandé au prestataire lors de l’audience s’il avait déménagé à X en avril 2022. Il a dit qu’il était bel et bien allé à X et qu’il était là jusqu’en décembre 2022. Il a dit que son père lui a donné un coup de main pour qu’il puisse y aller en lui donnant de l’argent. Il a dit qu’il est retourné vivre avec son père en décembre 2022.

[22] J’ai interrogé le prestataire au sujet de ses déclarations à la Commission du 30 mai 2022 et du 6 juillet 2022 : il a déclaré qu’il vivait avec son père à ce moment-là, dans la région de X, et qu’il cherchait du travail. Il a dit qu’il avait quitté X à un moment donné et qu’il était retourné à la maison de son père parce que la mère de ses enfants [traduction] « ne voulait plus de lui dans le coin ». Il ne se souvenait pas du moment précis qu’il avait quitté X; il pensait que c’était peut-être en juin 2022. Il a affirmé qu’il n’a pas réussi à trouver un emploi dans la région de X pendant cette période. Il a dit qu’il est retourné à X par la suite, mais qu’il ne se souvenait plus à quel moment. Il est retourné vivre chez son père de façon permanente en décembre 2022.

[23] La loi prévoit que seules les circonstances qui existaient au moment où une personne quitte son emploi peuvent être prises en considération.Note de bas de page 13 Par conséquent, il n’est pas pertinent de considérer si le prestataire s’est rendu à X après avoir démissionné ni précisément à quel moment il aurait déménagé. J’estime que le prestataire a démontré qu’il a démissionné parce qu’il devait aider à prendre soin de ses enfants et qu’il prévoyait déménager à X pour cette raison.

[24] Voici donc les circonstances qui existaient lorsque le prestataire a quitté son emploi : il prévoyait déménager à X deux semaines plus tard pour aider la mère de ses enfants à s’occuper de leurs filles.  

Autres solutions raisonnables

[25] Je dois maintenant vérifier si le prestataire a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi quand il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas. 

[26] Le prestataire affirme qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner lorsqu’il l’a fait, parce que la mère de ses filles lui a demandé d’aller à X pour l’aider. Il pensait que sa demande d’assurance-emploi serait acceptée parce qu’il avait travaillé pour l’employeur pendant trois ans. Il prévoyait utiliser ces paiements pour déménager.

[27] La Commission n’est pas d’accord et affirme que d’autres options s’offraient au prestataire : il aurait pu se trouver un emploi à X avant d’y déménager, il aurait pu attendre d’avoir assez d’argent avant de déménager à X, ou il aurait pu demander un congé à son employeur.

[28] J’estime que le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi quand il l’a fait.

[29] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas pensé à demander à son employeur s’il pouvait prendre un congé temporaire pour se rendre à X et donner un coup de main à ses filles, puis retourner à son emploi. J’accepte que lorsqu’il a démissionné, le prestataire prévoyait déménager à X pendant plus de 12 mois. Rien ne prouve que l’employeur lui a offert un congé. Par conséquent, je juge que demander un congé temporaire n’était pas une option raisonnable pour lui.

[30] Bien que j’accepte que le prestataire a quitté son emploi parce qu’il prévoyait déménager à X pour aider à prendre soin de ses filles, il n’a pas démontré qu’il devait le faire de toute urgence ou immédiatement. Il n’a pas quitté son emploi immédiatement. Il a déclaré qu’il avait avisé son employeur deux semaines à l’avance qu’il démissionnerait.

[31] Le prestataire a dit à l’agent de la Commission qu’il avait cherché du travail à X avant de démissionner. Il dit avoir rempli quelques demandes d’emploi, mais qu’il n’avait pas eu de nouvelles avant de démissionner.Note de bas de page 14 Le prestataire a déclaré à l’agent de révision de la Commission qu’il n’avait pas attendu d’avoir trouvé un nouvel emploi à X avant de quitter son emploi, parce que la mère de ses filles voulait qu’il soit là pour l’aider le plus tôt possible. Cependant, il n’a pas démontré qu’il ne pouvait pas continuer à travailler pendant qu’il cherchait un emploi à X, au lieu de démissionner quand il l’a fait.

[32] Le prestataire a déclaré à l’audience qu’il avait avisé son employeur deux semaines à l’avance qu’il quitterait son emploi. Cependant, il a dit qu’il n’avait postulé à aucun emploi à X avant de démissionner. Il a dit qu’il avait consulté en ligne certaines offres d’emploi, mais qu’il [traduction] « n’avait pas pu postuler » pour des emplois dans la région de X avant de quitter son emploi.

[33] Je reconnais que le prestataire a déclaré à la Commission qu’il avait postulé à certains emplois à X, mais qu’il n’en a pas eu de nouvelles avant de démissionner. Cependant, je préfère le témoignage du prestataire à sa déclaration à la Commission, parce qu’il a livré son témoignage sous serment et qu’il a répondu à mes questions à ce sujet de façon claire et cohérente. Je pense qu’il est probable qu’il n’a pas postulé à des emplois à X avant de démissionner.

[34] Il existe de nombreuses affaires où la Cour impose aux prestataires de l’assurance-emploi l’obligation de chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de démissionner.Note de bas de page 15 Je ne peux ignorer cette obligation ni le fait que le prestataire s’est volontairement placé en situation de chômage, sans d’abord faire un véritable effort pour se trouver un autre emploi. Une autre une solution raisonnable aurait été de garder son emploi tout en faisant un véritable effort pour en trouver un autre.

[35] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi, je conclus qu’il n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que quitter son emploi au moment où il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

Conclusion

[36] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi au moment où il l’a fait, parce que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il est donc exclu du bénéfice des prestations.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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