Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : OD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1735

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : O. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (467183) datée du 17 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc-André St-Jules
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 30 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2369

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire (qui est l’appelant).

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi le 25 janvier 2022 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire avait quitté son emploi. Elle a conclu que ce dernier avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que le prestataire aurait pu accepter l’offre de mutation vers un autre lieu de travail. Il travaillait comme gardien de nuit dans un hôpital. Ses tâches principales consistaient à surveiller les patients. L’employeur lui a offert un emploi dans l’aire de restauration d’un centre commercial local, ce que le prestataire a refusé.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme que la proposition de travail dans un centre commercial n’était pas raisonnable. Il fait également valoir qu’il avait le droit de refuser l’autre emplacement. Il a cherché du travail dans des hôpitaux comme gardien de sécurité travaillant strictement de nuit et il n’a pas à accepter quoi que ce soit d’autre.

Question que je dois examiner en premier

J’accepterai les documents envoyés après l’audience

[7] À l’audience, les personnes présentes ont convenu que j’accepterais un document résumant les arguments du prestataire. J’ai accepté de les recevoir, car ils pourraient être pertinents à la décision. Ils ont été envoyés et je les ai pris en considération pour rendre cette décision. Ce sont les documents portant les codes GD17 et GD19.

[8] Le document portant le code GD18 est une observation supplémentaire présentée par la Commission. Dans ce document, celle-ci maintient sa position initiale, à savoir que le prestataire a quitté son emploi sans avoir épuisé toutes les solutions raisonnables.

Question en litige

[9] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[10] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[11] J’estime que le prestataire a quitté volontairement son emploi, ce qui est contraire aux renseignements tirés de sa demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1. Lorsqu’il a fait sa demande, le prestataire a indiqué un manque de travail à la question lui demandant pourquoi il ne travaillait plus. Pendant l’audience, le prestataire a également expliqué pourquoi le manque de travail s’applique à sa situation. Cependant, il a aussi dit pourquoi son départ était la seule solution raisonnable dans son cas et il a présenté des arguments à l’appui.

[12] Fournir des renseignements généraux aidera à mettre en contexte mon analyse de la raison de la cessation d’emploi. Le prestataire travaillait de façon permanente dans un hôpital, de nuit et faisait la surveillance de patients. Cela impliquait la garde de personnes qui avaient besoin d’une supervision constante.

[13] Le prestataire a décrit deux types de zones dans lesquelles on lui demandait de travailler. Le premier est celui des [traduction] « zones fermées » où, selon ce que soutient le prestataire, il y avait peu ou pas de ventilation. Il affirme que ce type de zone était trop risqué pour lui et qu’il refusait de travailler dans les aires fermées. Le deuxième est celui des [traduction] « zones ouvertes » ayant une bien meilleure ventilation. Le prestataire acceptait de travailler en zone ouverte. Il a déclaré qu’il n’avait aucune objection à travailler auprès de patients atteints de la COVID-19, pourvu que ce soit seulement dans les zones ouvertes.

[14] Le prestataire affirme qu’à son arrivée au travail, le gardien principal lui assignait parfois la surveillance de zones fermées. Le prestataire refusait d’y travailler. Il lui arrivait de téléphoner au siège social et la personne chargée de la répartition annulait l’affectation du gardien principal; le prestataire était donc affecté à une zone ouverte. Si cela se produisait, il restait et faisait son quart de travail. Il ne réussissait pas toujours et le seul travail offert par l’employeur était parfois en zone fermée. Comme le prestataire refusait les zones fermées, il partait, ce qui signifie qu’il n’était pas payé pour le quart de 12 heures.

[15] Le prestataire soutient qu’il y avait un manque de travail parce que l’employeur ne lui fournissait pas suffisamment de travail qu’il pouvait faire de façon sécuritaire. Le prestataire a déclaré que le manque de travail a été [traduction] « créé artificiellement » par le fait que l’employeur l’assignait souvent aux zones fermées.

[16] Après de tels événements, le prestataire écrivait à l’employeur une requête pour être payé pour le travail manqué et demandait que le gardien principal et d’autres personnes, s’il y avait lieu, soient tenus responsables. Le prestataire a déclaré ne jamais avoir été indemnisé pour le temps manqué. Il a ajouté que les autres personnes n’ont jamais eu à rendre des comptes.

[17] Un nouvel incident s’est produit et le prestataire a écrit un courriel à l’employeur le 26 janvier 2022Note de bas de page 2. Dans ce message, le prestataire a écrit qu’il [traduction] « propose ou réclame humblement » deux choses. La première était une indemnisation pour 12 heures de travail pour un autre quart manqué. La deuxième chose qu’il réclamait était sa [traduction] « … mise en disponibilité temporaire (pour manque de travail) et que mon relevé d’emploi soit transmis à l’assurance-emploi pour le traitement de prestations de chômage en mon nom… ».

[18] L’employeur a répondu le 27 janvier 2022Note de bas de page 3. Il n’a pas accusé réception de la proposition ou de la demande de relevé d’emploi. L’employeur a cependant convenu dans le courriel qu’il y avait certainement de moins en moins de travail de surveillance de patients n’ayant pas la COVID-19, mais que le travail n’a pas diminué. Ce même courriel offre au prestataire une autre affectation de jour dans une aire de restauration de centre commercial à un taux horaire plus élevéNote de bas de page 4.

[19] En réponse à l’offre, le prestataire a écrit un autre courriel le 27 janvier 2022Note de bas de page 5. Dans ce message, il a écrit que [traduction] « l’offre que vous me faites ou toute autre offre potentielle ne m’intéresse pas. » Il a conclu le courriel en disant que l’employeur est tenu par la loi d’émettre le relevé d’emploi et il lui a demandé de le faire.

[20] Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 3 février 2022, indiquant un manque de travailNote de bas de page 6. L’employeur a émis le relevé d’emploi, daté du 9 février 2022, en indiquant le code K pour « AutreNote de bas de page 7 ». À la case des commentaires, on a écrit « Demande de l’employé ». Le relevé d’emploi n’a pas été émis pour indiquer un manque de travail.

[21] La Commission a parlé à l’employeur en mai 2022Note de bas de page 8. Dans cette déclaration, la Commission a dit à l’employeur qu’elle considérait la raison de la cessation d’emploi comme une démission. L’employeur a déclaré qu’il considérait également qu’il s’agissait d’une démission, car le prestataire refusait de prendre des quarts de travail.

[22] Le 11 mai 2022, l’employeur a communiqué avec le prestataire par courrielNote de bas de page 9 pour savoir quelles étaient ses intentions concernant la demande de congé qu’il avait présentée le 25 janvier 2022. Le prestataire a répondu par courriel en disant qu’il était en désaccord au sujet d’un congé, qu’il n’en avait jamais demandé un et que s’il l’avait fait, il y aurait un document officiel au dossier avec l’approbation de la direction.

[23] En réponse au courriel du prestataire, l’employeur a posé une question de suivi le 12 mai 2022Note de bas de page 10. [Traduction] « Pourriez-vous, s’il vous plaît, me dire quelles sont vos intentions actuelles concernant [nom de l’entreprise]? Désirez-vous toujours travailler avec nous ou souhaitez-vous remettre votre démission? » Le prestataire a répondu qu’il n’avait pas de réponses définitives à ces questions. Il a ensuite ajouté : [traduction] « Toutefois, je vous suggère de faire ce que vous avez à faire, c’est-à-dire ce que vous avez jugé appropriéNote de bas de page 11 ».

[24] Le 16 juin 2022, l’employeur a émis un relevé d’emploi modifiéNote de bas de page 12. Le code de raison de l’émission du relevé est passé de « Autre » à « Congédiement ou Suspension ». On n’a posé aucune question à l’employeur au sujet du document modifié. Le relevé d’emploi a été émis en juin 2022, soit après la décision de révision finale rendue par la Commission en mai 2022. Les déclarations antérieures faites par l’employeur à la Commission donnent une raison pour laquelle on peut indiquer le code « Congédiement ou Suspension ». Le 4 février 2022, l’employeur a déclaré qu’il avait pour politique de congédier une personne qui n’a pas fait de quart de travail depuis trois moisNote de bas de page 13.

[25] La Commission soutient qu’il s’agissait d’une situation de départ volontaire et non d’un manque de travail. La Commission affirme que le refus de travailler dans une zone précise n’est pas un manque de travail. Il y en avait à l’hôpital, soit dans des zones ouvertes, soit dans des zones fermées. Il y avait aussi une offre permettant de travailler ailleurs.

[26] Je ne suis pas d’accord avec la logique du prestataire concernant le manque de travail. J’admets qu’il y a eu une réduction de la rémunération. Le prestataire a envoyé des courriels pour demander qu’on le paie et a mentionné à plusieurs reprises les jours manqués. Cette réduction s’explique par le fait que le prestataire quittait le travail sans faire les quarts qui lui étaient assignés. Il y avait du travail, mais il refusait de le faire. Les motifs de son refus et le harcèlement dont le prestataire fait état seront examinés plus tard.

[27] D’après mon analyse, je constate ce qui suit :

  • Le prestataire n’a pas demandé de congé autorisé.
  • Le prestataire n’a pas écrit de lettre de démission.
  • Le prestataire a proposé ou réclamé qu’un relevé d’emploi indiquant un manque de travail lui soit remis.
  • L’employeur n’a pas accusé réception de la demande de relevé d’emploi et a proposé une autre option.
  • Le prestataire a répété sa demande de relevé d’emploi et affirme que l’employeur doit produire le relevé, car la loi l’exige.
  • Le prestataire ne se présentait plus au travail et a demandé des prestations d’assurance-emploi, affirmant qu’il y avait un manque de travail.

[28] En conclusion de cette partie, d’après la preuve dont je dispose, j’estime que le prestataire a amorcé la cessation d’emploi en réclamant que l’employeur émette un relevé d’emploi. Le prestataire a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploi et a quitté volontairement son emploi. Il a cessé de faire des quarts de travail.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[29] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[30] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 14. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[31] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 15.

[32] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 16. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable.

[33] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand le prestataire a démissionné. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 17.

[34] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-là.

Les circonstances présentes quand le prestataire a démissionné

[35] Le prestataire affirme avoir été victime de harcèlement au travail et forcé de travailler dans un milieu de travail dangereux. Je tiens également compte du problème de santé dont le prestataire a déclaré être atteint.

Harcèlement

[36] J’estime que le prestataire a été victime de ce que l’on pourrait considérer comme du harcèlement. Ses déclarations solennelles ont toujours été les mêmes. Son témoignage concordait également avec les déclarations qu’il a faites à la Commission. Rien au dossier ne donne à penser que la crédibilité du prestataire est mise en doute.

[37] Le prestataire travaille depuis longtemps avec l’un des gardiens de sécurité [traduction] « principaux » de son équipe à l’hôpital. En fait, ils travaillaient ensemble dans un autre centre hospitalier. Le prestataire a fourni un courriel datant de 2016, qui fait allusion à un incident survenu en 2015, à l’appui de ses difficultés avec ce collègueNote de bas de page 18. La Commission n’a pas questionné l’employeur au sujet de l’allégation de harcèlement. Pour cette raison, je me fonderai sur le témoignage du prestataire, sur la preuve et sur ce que la Commission a fourni, mais cela n’inclut pas de déclaration de l’employeur concernant le harcèlement.

[38] Le prestataire affirme que le problème remonte à des années. Il a déclaré avoir parlé de ces difficultés à la direction, mais que celle-ci n’avait rien fait pour les régler.

[39] Le prestataire affirme que les choses se sont beaucoup aggravées en décembre 2021. Il y a eu un incident le 22 décembre 2021. Le gardien principal a appelé le prestataire par radio et l’a accusé d’utiliser son téléphone cellulaire. Selon le prestataire, il s’agissait d’une fausse accusation. Il a déclaré que c’était en fait le gardien principal qui utilisait son propre téléphone.

[40] Dans le cadre de ce même incident, le prestataire a déclaré qu’un autre collègue avait été envoyé par le gardien principal pour l’épier. Le prestataire affirme être arrivé à son nouveau poste de travail après avoir rencontré d’autres personnes dans la salle de contrôle. La personne à qui l’on avait demandé de l’épier était déjà là. Le prestataire a été surpris, car cette personne se trouvait dans la salle de contrôle alors que lui-même y était. Ce collègue rendait systématiquement compte au gardien principal par radio. Cela a aggravé l’anxiété du prestataire et lui a donné un terrible mal de tête, et il a dû partir.

[41] Un autre exemple fourni par le prestataire concerne également le gardien principal. Celui-ci désignait le prestataire par son nom de famille, ce qu’il n’aimait pas. Le gardien principal a continué à agir ainsi même après que le prestataire lui a demandé d’éviter de faire. Le prestataire a déclaré que le gardien principal l’affectait de façon vindicative aux zones fermées. Il y avait du travail dans les zones ouvertes et fermées, mais le gardien principal l’affectait toujours en zone fermée lorsqu’ils travaillaient ensemble. Le siège social annulait parfois l’affectation, mais pas toujours. Le prestataire décrit l’un de ces incidents dans son avis d’appelNote de bas de page 19.

[42] Le prestataire a fourni une chronologie des événements faisant état des dates des divers incidentsNote de bas de page 20. La chronologie montre des quarts de travail qui n’avaient pas été effectués parce qu’on l’avait été affecté à des zones fermées. Elle montre aussi les jours où il était malade. Le prestataire a pris plusieurs jours de congé de maladie payé en janvier, car la tension entre lui et son collègue était forte.

[43] À la suite du harcèlement allégué, le prestataire a envoyé des courriels à la direction et au syndicat. Il décrivait le scénario et demandait qu’on le paie pour le quart de travail complet qu’il avait manqué. Il exigeait également que le gardien principal et son collègue, s’il y a lieu, rendent des comptes. Le prestataire a déclaré qu’aucune des demandes de paiement n’avait jamais été réglée en sa faveur et que les collègues n’avaient pas eu à rendre des comptes.

[44] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas le harcèlement; les tribunaux n’ont pas non plus interprété le terme. Par conséquent, je vais employer la définition qui a été ajoutée au Code canadien du travailNote de bas de page 21. La voici :

harcèlement et violence Tout acte, comportement ou propos, notamment de nature sexuelle, qui pourrait vraisemblablement offenser ou humilier un employé ou lui causer toute autre blessure ou maladie, physique ou psychologique, y compris tout acte, comportement ou propos réglementaire […]

[45] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a élargi cette définition et a extrait les principes clés suivants pour définir le harcèlementNote de bas de page 22 :

  • les auteurs de harcèlement peuvent agir seuls ou en groupe et n’occupent pas nécessairement des postes de supervision ou de gestion;
  • le harcèlement peut prendre plusieurs formes, notamment un acte, un comportement, un propos, de l’intimidation et une menace;
  • dans certains cas, un seul incident suffit pour être considéré comme du harcèlement;
  • l’accent est mis sur le prétendu auteur du harcèlement et sur le fait de savoir si cette personne savait ou aurait raisonnablement dû savoir que son comportement pourrait offenser, embarrasser ou humilier une autre personne ou lui causer toute autre blessure psychologique ou physique.

[46] Bien que je ne sois pas tenu de respecter ces définitions, je trouve convaincants la définition du Code canadien du travail et les autres principes clés de la division d’appel.

[47] En appliquant cette définition et les principes clés aux déclarations et à la preuve du prestataire, j’estime qu’il a été la cible de harcèlement au sens de l’article 29(c)(i) de la Loi sur l’assurance-emploi. En effet, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les gestes et les commentaires du gardien principal offensent, humilient ou causent du stress au prestataire. La Commission a parlé à l’employeur à plusieurs reprises et les problèmes relatifs aux allégations de harcèlement n’ont pas été remis en question. Il n’y a rien pour réfuter le témoignage du prestataire.

Conditions de travail dangereuses pour la santé et la sécurité

[48] J’estime que les conditions de travail pourraient constituer un danger pour la santé du prestataire.

[49] Le prestataire a déclaré que certains des quarts de surveillance de patients atteints de la COVID-19 auxquels il avait été affecté se trouvaient dans les zones fermées. C’est ce qui posait problème pour lui. Le prestataire a déclaré avoir fait carrière comme microbiologiste auparavant, et qu’il s’est fondé sur ses connaissances et sa formation pour déterminer qu’il ne pouvait pas travailler dans les zones fermées. Le manque de ventilation augmentait les risques pour lui. Le prestataire affirme qu’il est atteint d’hypertension et qu’il ne peut pas courir le risque de travailler dans des zones fermées où le danger que représente la COVID-19 est plus élevé.

[50] Le prestataire a déclaré qu’il connaît le système de ventilation et qu’il est conscient du risque. L’employeur a dit que le prestataire a refusé de travailler à la surveillance de patients atteints de la COVID. Je n’ai trouvé aucun endroit où la Commission a interrogé l’employeur au sujet de la déclaration du prestataire concernant les zones ouvertes ou fermées.

[51] Je crois le prestataire lorsqu’il dit qu’il pouvait travailler auprès de patients atteints de la COVID sans problème. Il a soulevé cette question auprès du syndicat par courrielNote de bas de page 23.

[52] Je reconnais que le prestataire avait des préoccupations au sujet du travail dans les zones fermées. À l’audience, on a demandé au prestataire comment il savait que la ventilation ne serait pas assurée par les unités de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC). Le prestataire a répondu qu’il connaît l’hôpital, car il y travaille depuis longtemps, et qu’il comprend le système de CVC. Il s’est fié à cette information et à ses connaissances en microbiologie, et le système de CVC ne suffit pas à faire contrepoids au manque de ventilation dans les zones fermées.

[53] Je dois tirer une conclusion à partir des faits portés à ma connaissance. J’estime que la carrière antérieure de microbiologiste du prestataire et ses connaissances de l’hôpital font en sorte qu’il est bien placé pour connaître la sécurité des diverses zones. Je reconnais que certaines zones comportent plus de risques que d’autres.

[54] L’employeur a dit à la Commission qu’il y a un risque inhérent à l’emploi, car [traduction] « bon nombre » de ses employés ont effectivement contracté la COVIDNote de bas de page 24.

[55] Le prestataire affirme avoir le droit de refuser de travailler dans ces zones. C’est sa liberté de choix. Le prestataire affirme que son état de santé l’a amené à chercher un emploi comme gardien travaillant la nuit seulement à la surveillance de patients.

[56] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas discuté avec son médecin de ses problèmes au travail, car il ne devrait pas avoir à le faire. Il connaît ses limitations, comme on lui a dit dans le passé d’éviter l’activité trop intense. À l’appui de ses problèmes de santé, le prestataire a fourni une liste de ses médicamentsNote de bas de page 25. Il dit qu’il fait de l’hypertension et que son médecin lui a conseillé d’éviter l’activité intense.

[57] Pour conclure cette section, d’après la preuve dont je dispose et sans déclaration de l’employeur à la Commission sur cette question précise, je crois le prestataire et le fait que les conditions de travail dans les zones fermées constituaient un danger pour sa santé.

État de santé du prestataire

[58] Je conviens que le prestataire devait tenir compte de ses problèmes de santé. Il dit avoir de graves problèmes de santé. Il n’y a rien au dossier qui permette de réfuter cette affirmation.

[59] Le prestataire n’a pas fourni de certificat médical à l’appui du fait que c’est le seul type de travail qu’il peut faire. Il a bien fourni la liste des médicaments sur ordonnance qu’il prend et a déclaré que c’est la preuve de son problème de santé sous-jacentNote de bas de page 26. Le prestataire a déclaré qu’il ne devrait pas avoir à consulter un médecin. Il sait ce que le médecin lui a conseillé par le passé. Son médecin lui a dit d’éviter tout effort intense même à la maison.

[60] Je reconnais que le prestataire a cherché du travail comme gardien de sécurité de nuit en milieu hospitalier seulement. C’est l’objectif qu’il s’est fixé et il a travaillé fort pour trouver cet emploi, postuler et finalement être embauché.

[61] Je suis d’accord pour dire que le prestataire a des problèmes de santé. Les médicaments qui lui ont été prescrits appuient cette conclusion. Je conviens que le prestataire doit tenir compte de ses problèmes de santé lorsqu’il travaille. Je ne dispose d’aucun élément qui vienne réfuter ses déclarations, qui sont appuyées par sa liste de médicaments.

Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables

[62] J’estime que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui et mon analyse le montrera.

[63] La Commission affirme que le prestataire aurait pu accepter l’emploi et travailler dans un centre commercial plutôt que de démissionner.

[64] J’ajouterais à cette solution raisonnable. J’estime qu’il aurait également été raisonnable de discuter de toutes les autres options possibles avec son employeur. J’estime également qu’il aurait pu parler à son médecin des avantages de réduire le stress causé par le harcèlement comparativement au risque d’accepter l’emploi au centre commercial. Le médecin aurait très bien pu se ranger du côté du prestataire à ce sujet. Si le médecin ne recommandait pas cet emploi, cela nous mène à la possibilité de prendre un congé.

[65] Je reconnais que le prestataire peut avoir certains droits à une affectation d’emploi précise chez cet employeur. Le prestataire a fourni un document confirmant qu’il s’agissait de son [traduction] « poste permanentNote de bas de page 27 ». La Commission a interrogé l’employeur à ce sujetNote de bas de page 28. Celui-ci a répondu qu’il n’y a aucune garantie et que l’on déplace les employés [traduction] « constamment ». L’employeur a également déclaré qu’il ne va pas obliger une personne qu’il emploie à travailler là où elle ne veut pas le faire.

[66] J’estime que le prestataire croyait sincèrement que ce poste de gardien de nuit dans un hôpital lui revenait de droit. Le prestataire affirme avoir le droit de choisir où il veut travailler. Je suis d’accord. C’est son droit. Cependant, cela ne s’applique pas à la Loi sur l’assurance-emploi, qui ne garantit pas à une personne un poste particulier. Pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, une personne doit prouver qu’elle a épuisé toutes les solutions raisonnables.

[67] L’employeur a offert au prestataire un emploi de jour dans un centre commercial [traduction] « le temps que les choses se calment à [nom de l’hôpital] veuillez nous le faire savoir ». Le prestataire a répondu : [traduction] « l’offre que vous me faites ou toute autre offre potentielle ne m’intéresse pas. »

[68] Le prestataire a carrément refusé de discuter de toute autre offre. À l’audience, on lui a demandé s’il avait fait une demande de mutation dans un autre hôpital de la même ville où l’employeur assure également la sécurité. Le prestataire a déclaré qu’il ne devrait pas avoir à demander. La raison est que l’employeur savait qu’il avait du mal à travailler avec le gardien principal et qu’on aurait pu ou qu’on aurait dû offrir quelque chose.

[69] J’ai des réserves quant au fait qu’il estime que l’employeur aurait dû lui offrir de travailler dans un autre hôpital s’il y en avait eu un. Le prestataire lui-même a répondu à l’employeur que [traduction] « toute autre offre potentielle » ne l’intéressait pas. Le prestataire est responsable de prouver qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable. La Loi sur l’assurance-emploi n’impose pas à l’employeur le fardeau de prouver que le départ était fondé. De plus, le prestataire ne peut pas s’attendre à ce qu’un employeur lui offre d’autres solutions après avoir déclaré qu’aucune ne l’intéressait.

[70] J’estime qu’une autre solution raisonnable aurait été de discuter avec son médecin. Compte tenu des problèmes de santé qu’il a, il y a des emplois qui sont peut-être impossibles pour le prestataire. Le médecin peut avoir suggéré un autre emploi. Le médecin a peut-être conseillé de trouver un autre travail impliquant un peu de marche, comme au centre commercial, ce qui pourrait être acceptable étant donné l’avantage de réduire le stress causé par le harcèlement.

[71] Une discussion avec son médecin a peut-être mené le prestataire à refuser à juste titre l’offre d’emploi au centre commercial. Toutefois, cela peut les avoir amenés à discuter d’une période de congé. Le prestataire affirme qu’il n’a rien demandé à son médecin concernant un congé de maladie, car il a des problèmes de santé de longue durée. Cela dit, un congé autorisé est une solution raisonnable.

[72] Pendant l’audience, le prestataire interrompait les questions concernant les solutions de rechange, comme parler à son médecin ou à l’employeur. Il était catégorique : ce poste lui revenait à juste titre et il a la liberté de choisir. Malheureusement pour lui, les droits qu’il pouvait avoir au titre de la convention collective ne s’étendent pas à la Loi sur l’assurance-emploi.

[73] Je suis d’avis que le prestataire n’a pas épuisé toutes les solutions raisonnables. Je conviens qu’il peut avoir certains droits lui permettant de conserver son emploi de surveillance de nuit de patients. Son ancienneté et sa convention collective peuvent lui donner ces droits. Je conviens également qu’une personne peut refuser d’effectuer certaines tâches qu’elle considère comme dangereuses.

[74] Par contre, je ne suis pas d’accord avec le prestataire au sujet de la Loi sur l’assurance-emploi. La Loi prévoit qu’une personne doit épuiser toutes les solutions raisonnables avant de quitter volontairement son emploi. La Loi sur l’assurance-emploi ne garantit pas pour une personne un emploi particulier. Une personne qui demande des prestations doit prouver que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[75] Je comprends que le prestataire peut ne pas être d’accord avec cette décision. Néanmoins, selon la Cour d’appel fédérale, je peux seulement respecter le sens ordinaire de la loi. Je ne peux pas la réécrire ou la modifier pour obtenir un résultat qui semble plus équitable pour le prestataireNote de bas de page 29.

Conclusion

[76] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[77] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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