Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 441

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (494949) datée du 9 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Sylvie Charron
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience  : Le 28 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 12 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2657

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a agi contre sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Bien que l’appelant ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme qu’agir contre la politique de vaccination n’est pas une inconduite. Il affirme aussi qu’il a demandé à être exempté de la vaccination pour des motifs religieux et que cela lui a été refusé. Il estime qu’il s’agit d’une discrimination fondée sur la religion ainsi que d’un congédiement injustifié.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter les documents déposés après l’audience ou peu de temps avant

[6] Lors de l’audience, l’appelant a déposé certains documents qu’il souhaitait inclure pour que je les examine. Il a également envoyé des documents à la dernière minute le soir précédant l’audience. La Commission a répondu à ces observations. Ces documents figurent aux pages GD-9, GD-11 et GD-12 du dossier d’appel et ont tous été pris en considération pour rendre la présente décision.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une partie appelante ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas page 2.

[9] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[10] J’estime que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a agi contre la politique de vaccination de son employeur en refusant de se faire vacciner.

[11] Dans des observations très complètes et approfondies, l’appelant affirme que son employeur a fait preuve de partialité en n’acceptant pas sa demande d’exemption pour motifs religieux et que ce rejet est injuste. Il souligne qu’il a travaillé pendant de nombreux mois avant que les vaccins ne deviennent obligatoires. Il avait accepté de se soumettre à des tests deux fois par semaineNote de bas page 3.

[12] L’appelant affirme qu’après avoir été suspendu de son emploi, il a commencé à faire beaucoup de recherches sur les vaccins. Il a conclu que les vaccins ont été produits à l’aide de lignées de cellules fœtales et que cela va à l’encontre de ses croyances personnelles. Il a expliqué qu’il adhère à l’Association internationale pour la conscience de Krishna, qui selon lui est encore plus pure que la foi hindoue de base. Par exemple, il ne doit y avoir aucune mise à mort d’animaux.

[13] L’appelant est catégorique sur le fait qu’il n’aime pas être traité comme un risque pour la sécurité, étant donné que les vaccins n’empêchent pas la transmission ou l’infection. Dans l’ensemble, les vaccins ne sont pas sécuritairesNote de bas page 4.

[14] Les observations de l’appelant s’articulent autour de deux éléments principaux. Premièrement, l’employeur n’a pas justifié le congédiement en raison de sa demande d’exemption pour motifs religieux. Il fait valoir que le refus de se faire vacciner en raison de sa foi n’est pas une inconduite entraînant un congédiement. Deuxièmement, l’appelant souligne les effets néfastes de ce congédiement, en indiquant qu’il a besoin de l’aide financière que les prestations d’assurance-emploi sont censées lui apporter. Il a cotisé au système pendant plus de cinq ans et a besoin d’aide maintenant. Il estime qu’il est injuste de lui refuser des prestations d’assurance-emploi.

[15] La Commission affirme que la conduite de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. L’appelant a été informé de la politique de vaccination et des délais pour se faire vacciner. Il a également été informé des conséquences du non-respect de la politique. L’appelant a choisi de ne pas se conformer à la politique. Ce choix était délibéré, délibéré et intentionnel. Voilà la définition d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[16] J’estime que l’appelant a été congédié de son emploi en raison de son refus de se faire vacciner.

[17] L’appelant convient que c’est la raison pour laquelle il a été congédié. Je ne vois rien dans la preuve qui contredit cette conclusionNote de bas page 5.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[18] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

[19] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de l’appelant est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[20] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 6. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 8.

[21] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas page 9.

[22] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 10.

[23] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à l’appelant. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement congédié ou aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas page 11. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que l’appelant a fait ou a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[24] Dans une affaire de la Cour d’appel fédérale appelée McNamara, l’appelant a soutenu qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’a congédié à tortNote de bas page 12. Il a perdu son emploi en raison de la politique de dépistage des drogues de son employeur. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié, puisque le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité en raison d’une consommation de drogues. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage auraient dû être encore valides.

[25] La Cour d’appel fédérale a répondu qu’elle avait toujours dit que, dans les cas d’inconduite, la question était de savoir si l’acte ou l’omission de la personne constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non de savoir si la personne avait été congédiée à tortNote de bas page 13.

[26] La Cour d’appel fédérale a également déclaré que, lors de l’interprétation et de l’application de la Loi sur l’assurance-emploi, l’accent est clairement mis sur le comportement de l’employée ou de l’employé, et non sur celui de l’employeur. Elle a souligné que les personnes qui ont été congédiées à tort ont d’autres solutions à leur disposition. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur, plutôt que de faire payer les contribuables pour les actions de l’employeur par le biais des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 14.

[27] Dans une affaire plus récente appelée Paradis, l’appelant a été congédié après avoir échoué à un test de dépistageNote de bas page 15. Il a fait valoir qu’il a été congédié à tort, puisque les résultats des tests ont démontré qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a dit que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales en matière de droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a déclaré que le comportement de l’employeur n’était pas pertinent pour décider d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 16.

[28] Similairement, dans l’affaire Mishibinijima, l’appelant a perdu son emploi en raison de sa dépendance à l’alcoolNote de bas page 17. Il a fait valoir que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que la dépendance à l’alcool est considérée comme une invalidité. La Cour d’appel fédérale a de nouveau déclaré que l’accent doit être mis sur ce que l’employée ou l’employé a fait ou n’a pas fait. Le fait que l’employeur ne lui ait pas offert de mesures d’adaptation n’est pas pertinentNote de bas page 18.

[29] Ces affaires ne concernent pas les politiques de vaccination contre la COVID-19. Mais ce qu’elles disent est quand même pertinent. Mon rôle n’est pas d’examiner le comportement ou les politiques de l’employeur et de juger s’il était correct de congédier l’appelant. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[30] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • L’employeur a clairement informé l’appelant de ses attentes concernant la vaccination.
  • L’appelant savait ou aurait dû savoir ce qui se passerait s’il ne respectait pas la politique.

[31] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur n’a pas accepté sa demande d’exemption fondée sur des motifs religieux.
  • Les vaccins ne sont pas sécuritaires et n’empêchent pas la personne de contracter le virus.
  • Lorsqu’il a signé son contrat de travail en 2016, il n’y avait aucune exigence de vaccination.
  • La politique de vaccination va à l’encontre de ses croyances personnelles.
  • Il a le droit de choisir de ne pas se faire vacciner.

[32] La politique de vaccination de l’employeur a été communiquée à tout le personnel en octobre 2021. La politique précise que tout le personnel devait être entièrement vacciné au plus tard le 20 décembre 2021. On a communiqué avec l’appelant lorsqu’on a appris qu’il refusait de se faire vacciner; il a été mis en congé sans solde.

[33] L’appelant a alors été informé qu’il devait soit se faire vacciner, soit fournir une exemption valide au plus tard le 28 février 2022. Il n’a fait ni l’un ni l’autre; l’exemption pour motifs religieux lui a été refusée. L’appelant a été congédié le 28 février 2022.

[34] L’appelant savait ce qu’il devait faire dans le cadre de la politique de vaccination et ce qui se passerait s’il ne la respectait pasNote de bas page 19.

[35] Je reconnais que l’appelant croit fermement que ses croyances personnelles concernant les vaccins, la possibilité qu’ils aient été mis au point à l’aide de lignées de cellules fœtales avortées et le fait qu’ils ne soient pas efficaces auraient dû justifier l’octroi d’une exemption pour motifs religieux. Il est préférable que ces questions soient débattues dans une autre instance.

[36] L’appelant soutient également qu’il a été congédié injustement. Encore une fois, il vaut mieux en débattre dans une autre instance. Le dossier d’arbitrage présenté par l’appelant pourrait être utilisé à cette fin.

[37] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination claire.
  • L’employeur a clairement informé l’appelant de ce qu’il attendait de son personnel en matière de vaccination.
  • L’appelant connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[38] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[39] En effet, les actions de l’appelant ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait que son refus de se faire vacciner pouvait entraîner la perte de son emploi.

Conclusion

[40] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[41] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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