Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 442

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 janvier 2023 (GE-22-2657)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 14 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-197

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a constaté que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a jugé que le prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption pour motifs religieux. Elle a décidé que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que l’employeur a refusé injustement de lui accorder une exemption pour motifs religieux. Il affirme que les vaccins contre la COVID-19 ne sont ni efficaces ni sécuritaires. Il dit que les exigences en matière de vaccination n’étaient pas une de ses conditions d’emploi et que le fait de refuser une procédure expérimentale ne constitue pas une inconduite. Le prestataire soutient qu’il a droit à l’autonomie corporelle. Il affirme que la politique de l’employeur violait ses droits humains et constitutionnels.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse d’accorder la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que l’employeur a refusé injustement de lui accorder une exemption pour motifs religieux. Il dit que les vaccins contre la COVID-19 ne sont ni efficaces ni sécuritaires. Il affirme que les exigences en matière de vaccination n’étaient pas une de ses conditions d’emploi et que le fait de refuser une procédure expérimentale ne constitue pas une inconduite. Le prestataire soutient qu’il a droit à l’autonomie corporelle. Il soutient que la politique de l’employeur violait ses droits humains et constitutionnels.

[13] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, de déterminer les faits pertinents à la question de droit dont elle est saisie et d’énoncer, dans sa décision écrite, sa propre décision indépendante à cet égard. Ce n’est pas le rôle de la division générale d’enquêter sur la conduite de la Commission pendant le processus de demande.

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiementNote de bas page 1.

[17] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été congédié parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. C’est la cause directe de son congédiement.

[18] La division générale a conclu que le prestataire savait que le fait de refuser de se conformer à la politique pourrait entraîner son congédiement.

[19] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2.

[21] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été congédiéNote de bas page 3.

[22] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Il soutient que la division générale a ignoré la preuve décrivant l’inefficacité et la nature nocive du traitement médical obligatoire.

[23] Je remarque que la division générale a bel et bien tenu compte des arguments du prestataire concernant le caractère sécuritaire et l’efficacité du vaccinNote de bas page 4. Toutefois, trancher une question de santé publique dépasse de loin la portée de l’expertise du Tribunal en matière d’assurance-emploi et ne relève pas de sa compétence.

[24] Je ne vois donc pas d’erreur révisable dans la conclusion de la division générale selon laquelle elle n’était pas compétente pour trancher les questions relatives à l’efficacité du vaccin ou au caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[25] La question de savoir si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en lui accordant une exemption pour motifs religieux, ou si la politique de l’employeur violait ses droits du travail, ou encore si la politique violait ses droits humains et constitutionnels, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas page 5.

[26] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[27] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés en vertu du droit canadien et du droit international.Note de bas page 6

[28] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, conformément à la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 7. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons de faire progresser les demandes du prestataire dans le cadre du système juridique.

[29] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur allait à l’encontre de ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi sur les droits de la personne de l’Alberta]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[30] La Cour fédérale a déclaré qu’une partie prestataire a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement.

[31] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[32] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[33] La preuve prépondérante présentée à la division générale révèle que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur, qui a été mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[34] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 8.

[35] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance si l’existence d’une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[36] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[37] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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