Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 514

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (549784) datée du 7 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elyse Rosen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 1er mars 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 6 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3708

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant est parti en vacances au Sri Lanka pendant trois semaines pour s’occuper de la succession de sa défunte mère. Il devait retourner au travail le 30 mai 2022. Il n’est pas revenu au moment prévu et n’a pas communiqué avec son employeur pour l’informer de son retard.

[4] Après une semaine sans nouvelles de lui, l’employeur de l’appelant lui a envoyé une lettre de cessation d’emploi. Il a émis un relevé d’emploi indiquant que l’appelant avait démissionné.

[5] La Commission affirme que l’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] L’appelant reconnaît qu’il n’est pas retourné au travail à la date prévue et qu’il n’a pas communiqué avec son employeur pour l’informer de son retard. Cependant, il affirme que cette situation était indépendante de sa volonté. Il dit que le 25 mai 2022, il a développé une grave éruption cutanée, qui, selon lui, a été causée par une réaction allergique. L’éruption provoquait des démangeaisons et était disgracieuse, et il croyait ne pas pouvoir voyager dans cet état. Il a déclaré à la Commission qu’il y avait des troubles politiques au Sri Lanka et que les services cellulaires et d’internet étaient souvent interrompus. Cela l’a empêché de communiquer avec son employeur pour l’informer de son retard.

[7] Il n’est pas d’accord avec la raison de l’émission du relevé d’emploi, qui indique qu’il a démissionné. Il dit avoir toujours eu l’intention de reprendre son emploi. Il insiste sur le fait qu’il a été congédié. Il affirme que son employeur utilise comme excuse le fait qu’il n’ait pas repris le travail à la date prévue. Il croit qu’il avait l’intention de le congédier avant même qu’il parte en vacances.

Questions en litige

[8] L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi sans justification ou a-t-il été congédié pour inconduite?

Analyse

[9] La Commission a décidé que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Elle a pris cette décision en se fondant sur le fait qu’il avait quitté volontairement son emploi.

[10] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle a quitté volontairement son emploi sans justification ou si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 2. Selon la jurisprudence, comme ces deux notions sont traitées ensemble dans la loi, je peux appliquer l’une ou l’autre au moment de décider si l’appelant est exclu du bénéfice des prestationsNote de bas de page 3. Je peux le faire même si la décision de révision de la Commission indique que l’appelant a été exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification.

Qu’est-ce qui a entraîné la perte d’emploi?

[11] La Commission affirme que l’appelant a abandonné son emploi. Elle conclut qu’il s’agit d’un départ volontaire. Je ne suis pas d’accord pour les raisons suivantes :

  • L’employeur de l’appelant lui a envoyé une lettre indiquant qu’il avait été congédiéNote de bas de page 4. C’est ce qui a entraîné la perte d’emploi.
  • Dès que l’appelant a pris connaissance de la lettre de congédiement, il a réagi en demandant à l’employeur de réviser sa décisionNote de bas de page 5.
  • Il a communiqué avec son superviseur, les ressources humaines et le propriétaire de l’entreprise pour essayer de les convaincre de le reprendre.
  • Il a déclaré qu’il avait toujours eu l’intention de retourner au travail.

[12] Il ressort clairement des éléments de preuve que l’appelant n’a pas abandonné son travail et qu’il souhaitait continuer à travailler.

[13] Je sais que dans certaines décisions de ce Tribunal, on conclut que le fait de ne pas reprendre le travail à la date prévue peut être considéré comme un départ volontaire. Je ne suis pas liée par ces décisions. De toute façon, je ne crois pas que les faits dans la présente affaire démontrent que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[14] J’estime que la perte d’emploi est survenue parce que l’appelant a été congédié et que l’employeur a refusé de le reprendre. Maintenant, je dois décider si la raison de son congédiement était une inconduite au sens de la loi.

L’appelant a-t-il été congédié en raison d’inconduite?

[15] Pour répondre à cette question, je dois d’abord décider pourquoi l’appelant a été congédié. Ensuite, je dois décider si la raison de son congédiement peut être considérée comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été congédié?

[16] J’estime que l’appelant a été congédié parce qu’il n’est pas retourné au travail le 30 mai 2022 et qu’il n’a pas communiqué avec son employeur pour l’aviser qu’il ne serait pas de retour à la date prévue.

[17] Dans les documents qu’il a déposés avant l’audience, l’appelant a affirmé qu’il avait été congédié parce que certains de ses collègues estimaient qu’il avait une relation trop étroite avec le propriétaire de l’entreprise. À l’audience, il a changé son histoire. Il a déclaré qu’il y avait une conspiration pour se débarrasser de lui et qu’un de ses superviseurs lui avait dit qu’on allait l’envoyer pour de [traduction] « longues vacances ». L’appelant a compris que cela voulait dire qu’on prévoyait de le congédier.

[18] Je ne crois pas que le congédiement de l’appelant résulte de l’une ou l’autre de ces raisons. Il n’y a aucune preuve pour appuyer ces deux théories. Son histoire au sujet d’une prétendue conspiration et d’insinuations au sujet de longues vacances a été abordée pour la première fois à l’audience. Aucune de ces versions n’est très convaincante, et le fait que l’explication de l’appelant a changé entre le dépôt de l’avis d’appel et l’audience rend les deux versions difficiles à croire.

[19] Je préfère la raison claire et logique énoncée dans la lettre de congédiement : l’appelant ne s’est pas présenté au travail après la fin de ses vacances autorisées et il n’a pas communiqué avec son employeur pour l’aviser qu’il ne serait pas de retour à la date prévue. Cette raison est appuyée par la preuve de la Commission concernant sa conversation avec l’employeurNote de bas de page 6. Je trouve cette raison convaincante.

[20] Maintenant, je dois décider si cette raison est une inconduite au sens de la loi.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite?

[21] J’estime que la décision de l’appelant de ne pas retourner au travail et de ne pas aviser son employeur constitue une inconduite.

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la façon d’agir doit être délibérée ou si négligente ou insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire qu’une personne veuille faire quelque chose de mal pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

[23] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.

[24] Je considère que la conduite de l’appelant était si négligente et insouciante qu’elle peut être considérée comme délibérée. J’estime aussi qu’il savait ou aurait dû savoir que cela l’empêcherait de s’acquitter de ses obligations envers son employeur et que celui-ci pourrait le congédier.

[25] D’après la preuve de la Commission et le témoignage de l’appelant à l’audience, je tire les conclusions suivantes :

  • L’appelant devait obtenir l’autorisation de son employeur avant de partir en vacances. Il avait droit à trois semaines de vacances et devait retourner au travail le 30 mai 2022.
  • Avant de partir, son superviseur a insisté pour savoir à quelle date il partirait en vacances et à quelle date il reviendrait travailler. La date de retour de l’appelant était manifestement importante pour l’employeur.
  • Son rôle était un rôle clé dans l’entreprise. C’était un rôle exigeant et stressant. La personne qui le remplaçait normalement lorsqu’il s’absentait devait prendre des vacances immédiatement après avoir assumé le rôle de l’appelant, tant il était épuisant d’assumer ce rôle en plus du sien.
  • L’appelant a annulé son vol de retour au Canada, qui était prévu pour le 26 mai 2022, et a fait une nouvelle réservation pour le 26 juin 2022. Il a fait cela parce qu’il avait une éruption cutanée et ne se sentait pas à l’aise de voyager. Il n’a pas communiqué avec son employeur avant de repousser son vol, même si cela voulait dire qu’il ne serait pas de retour le 30 mai 2022, comme prévu. 
  • Dans les jours et les semaines suivant sa nouvelle réservation de vol, il n’a pas informé son employeur qu’il ne serait pas de retour le 30 mai 2022 et qu’il serait absent jusqu’à la fin du mois de juin 2022.
  • La première fois qu’il a communiqué avec son employeur après avoir annulé son vol du 26 mai 2022, c’était le 12 juin 2022, soit seulement après avoir appris qu’il avait reçu une lettre de congédiement. 
  • Il aurait été possible pour lui de communiquer plus tôt avec son employeur, mais il n’a pas tenté de le faire. Il n’a pas tenté de communiquer avec lui parce qu’il [traduction] « n’a pas pris la chose au sérieux ».
  • Il reconnaît maintenant que c’était une erreur de ne pas communiquer avec son employeur pour lui faire savoir qu’il ne serait pas de retour à temps. Il s’est excusé pour son erreurNote de bas de page 7.

[26] D’après la preuve, il est loin d’être clair pour moi que l’appelant n’aurait pas pu prendre l’avion pour rentrer chez lui le 26 mai 2022, comme prévu au départ, malgré sa réaction allergique. Cela dit, je suis prêt à lui accorder le bénéfice du doute quant au fait que ses éruptions cutanées l’ont empêché de voyager ce jour-là.

[27] Toutefois, le fait de reporter son vol à près d’un mois après la date de retour prévue et de ne pas informer son employeur qu’il ne serait pas de retour à la date prévue était insouciant.

[28] Selon les dires de l’appelant, le rôle de ce dernier était très difficile. Il aurait dû être clair pour lui qu’après une période de trois semaines au cours de laquelle une autre personne devait assumer son rôle, en plus du leur, il était nécessaire qu’il revienne. S’il ne pouvait pas revenir à la date convenue, il était important qu’il le fasse savoir le plus rapidement possible à son employeur et qu’il revienne le plus tôt possible. L’appelant n’a fait ni l’un ni l’autre. Il n’a pas pris la situation au sérieux. Il n’a fait aucune démarche pour communiquer avec son employeur. Il a réservé un vol le 26 juin 2002, même si des vols étaient disponibles plus tôtNote de bas de page 8. Il s’agit d’une inconduite au sens de la loi.

[29] L’appelant affirme qu’il ne pensait pas que quelque chose se passerait s’il ne revenait pas à la date prévue et qu’il ne communiquait pas avec son employeur pour l’aviser. C’est de l’aveuglement volontaire. S’il ne savait pas que sa conduite l’empêcherait de s’acquitter de ses obligations envers son employeur et qu’elle pourrait lui valoir un congédiement, il aurait certainement dû le savoir. Je ne peux pas accepter que l’appelant ait cru qu’il pouvait s’absenter du travail pendant un mois supplémentaire après la fin de ses vacances de trois semaines, sans en aviser qui que ce soit et sans conséquence.

[30] L’appelant affirme avoir consulté un avocat et avoir été informé que son employeur était obligé de le prévenir avant de le congédier. Cette question ne relève pas de la compétence du Tribunal. Tout ce que je dois examiner, c’est si la conduite qui a mené à son congédiement constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Ma décision n’a aucune incidence sur les recours en droit civil que l’appelant peut avoir contre son employeur, et il est libre de poursuivre ces recours s’il le souhaite.

Conclusion

[31] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[32] L’appel est rejeté.

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