Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1749

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (475179) datée du 25 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Date de la décision : Le 3 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2233

Sur cette page

Introduction

[1] La prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’avait pas reçu le vaccin contre la COVID-19. Son employeur a mis en place une politique qui exigeait que le personnel se fasse vacciner ou obtienne une exemption approuvée. À la date limite, la prestataire n’était pas vaccinée et n’avait pas obtenu d’exemption. L’employeur l’a donc mise en congé sans solde (suspension).

[2] La Commission a décidé que la prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduite. La prestataire a demandé à la Commission de réviser cette décision parce qu’elle estime que la suspension pour une période indéfinie de l’employeur devrait plutôt être considérée comme un congédiement. Elle ne conteste pas le fait qu’elle a perdu son emploi pour avoir refusé de se faire vacciner contre la COVID-19, mais elle affirme qu’elle avait le droit de décider de se faire vacciner ou non.

[3] La Commission a maintenu sa décision parce que la prestataire était au courant de l’exigence de l’employeur selon laquelle elle devait se faire vacciner, qu’elle savait que le non-respect de la politique lui ferait perdre son emploi et qu’elle a fait le choix de ne pas se conformer à la politique. La prestataire a fait appel de cette décision devant le Tribunal.

Question en litige

[4] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de façon sommaire.

Analyse

[5] Je dois rejeter un appel de façon sommaire si je suis convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1.

[6] La loi prévoit qu’une partie prestataire qui est congédiée de son emploi en raison d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 2.

[7] Elle prévoit également qu’une partie prestataire qui est suspendue de son emploi en raison de son inconduite est inadmissible au bénéfice des prestations jusqu’à ce que l’une des conditions suivantes soit remplie :

  • sa période de suspension prend fin;
  • elle perd son emploi ou le quitte volontairement;
  • elle travaille assez d’heures auprès d’un autre employeur après le début de la suspensionNote de bas de page 3.

[8] La prestataire travaillait comme infirmière autorisée dans un hôpital. Le 7 septembre 2021, l’employeur a mis en place une politique qui exigeait que l’ensemble du personnel soit vacciné contre la COVID-19 ou bénéficie d’une exemption approuvée au plus tard le 30 octobre 2021Note de bas de page 4. Les personnes qui n’étaient pas vaccinées contre la COVID-19 ou qui n’avaient pas d’exemption approuvée avant la date limite pouvaient être placées en congé pour une période indéterminée ou faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 5.

[9] La Commission a fourni plusieurs documents communiqués par l’employeur à la prestataire.

[10] Le 1er septembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel à la prestataire pour lui demander de lire la politique et de fournir une déclaration concernant sa décision de se faire vacciner au plus tard le 15 septembre 2021Note de bas de page 6.

[11] Le 7 septembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel à tout le personnel pour annoncer la politique de vaccination contre la COVID-19. Dans ce courriel, il précise que tout le monde doit être entièrement vacciné au plus tard le 30 octobre 2021. Ainsi, le personnel devait recevoir sa première dose de vaccin au plus tard le 15 septembre 2021Note de bas de page 7.

[12] Le 16 septembre 2021, l’employeur a envoyé un courriel directement à la prestataire. Il lui a rappelé que la politique exigeait qu’elle déclare son statut vaccinal et qu’elle reçoive sa première dose du vaccin au plus tard le 15 septembre 2021. Ce courriel précise que si elle ne se conforme pas aux exigences de la politique au plus tard le 30 octobre 2021, elle sera placée en congé sans solde pour une période indéterminée jusqu’à ce qu’elle soit entièrement vaccinée ou que la vaccination ne soit plus requiseNote de bas de page 8.

[13] La prestataire a dit qu’elle était au courant de la politique et des conséquences de ne pas se faire vacciner. Elle savait que si elle ne se conformait pas à la politique, elle ne pourrait pas continuer à travaillerNote de bas de page 9.

[14] Le 16 septembre 2021, la prestataire a demandé à l’employeur une exemption à l’obligation de se faire vacciner pour des motifs religieuxNote de bas de page 10. L’employeur a rejeté sa demande le 22 octobre 2021Note de bas de page 11.

[15] La prestataire a été mise en congé sans solde (suspendue) à compter du 31 octobre 2021Note de bas de page 12. La lettre de suspension de l’employeur indique que la prestataire est mise en congé administratif sans solde parce qu’elle ne se conforme pas à la politique sur la COVID-19Note de bas de page 13.

[16] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission doit démontrer que la prestataire a adopté une conduite délibérée alors qu’elle savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’elle pourrait l’empêcher de s’acquitter de ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 14.

[17] Une conduite délibérée signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 15. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 16.

[18] Avant de rejeter un appel de façon sommaire, le Tribunal doit envoyer un avis écrit à la prestataire et lui donner le temps de présenter des observationsNote de bas de page 17.

[19] Étant donné que la preuve au dossier démontre que la prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur et qu’elle savait qu’elle pouvait perdre son emploi pour cette raison, le Tribunal a envoyé un avis de son intention de rejeter l’appel de façon sommaire le 14 octobre 2022Note de bas de page 18. La prestataire a présenté d’autres observations, qui ont été prises en considération dans la rédaction de la présente décisionNote de bas de page 19.

[20] D’après la preuve au dossier, je constate que l’employeur a mis en place une politique qui exigeait que la prestataire soit vaccinée contre la COVID-19 ou qu’une exemption soit approuvée. La prestataire a été avisée de cette politique. On lui a dit qu’elle serait suspendue si elle ne respectait pas la politique.

[21] La prestataire a fait valoir que sa suspension devrait être considérée comme un congédiement puisqu’elle a été mise en congé pour une période indéterminée.

[22] Il est vrai que la Commission a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Cependant, même si la prestataire avait été congédiée de son emploi plutôt que suspendue, elle n’aurait quand même pas droit aux prestations d’assurance-emploi si elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’élément essentiel n’est pas de savoir si la prestataire a été suspendue ou congédiée, mais si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] Toutefois, la preuve au dossier indique clairement que l’employeur a mis la prestataire en congé sans solde, ce qui s’apparente à une suspension. La prestataire et l’employeur ont tous deux reconnu que la prestataire pouvait reprendre son emploi si elle était vaccinée contre la COVID-19 ou si l’obligation de vaccination était levée. Cela appuie le fait que la prestataire n’a pas été congédiée de son emploi, et qu’elle fait plutôt l’objet d’une suspension pour une période indéfinie tant et aussi longtemps qu’elle ne remplit pas les conditions d’emploi.

[24] La prestataire a également fait valoir que la politique de l’employeur n’était pas raisonnable, que l’employeur aurait pu fournir des mesures d’adaptation à l’exigence de se faire vacciner, comme passer des tests, et que l’employeur avait rejeté de façon déraisonnable sa demande d’exemption pour motif religieux.

[25] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en place cette politique comme exigence pour tout le personnel, cette politique est devenue une condition d’emploi pour la prestataire.

[26] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique d’un employeur était raisonnable ou si le congédiement d’une partie prestataire était justifiéNote de bas de page 20.

[27] Je comprends que la prestataire voulait recevoir des mesures d’adaptation ou être exemptée de la politique de l’employeur, mais ce n’est pas mon rôle de décider si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation ou accueillir sa demande d’exemption. Il m’appartient de décider si la prestataire est admissible aux prestations d’assurance-emploi conformément à la Loi sur l’assurance-emploi.

[28] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 21.

[29] La prestataire n’était pas vaccinée et n’avait pas d’exemption approuvée. Elle ne respectait pas la politique de l’employeur. Et au moment où elle a été suspendue, elle n’avait pas l’intention de se conformer à la politique.

[30] Si j’accepte les faits comme étant vrais, il n’y a aucun argument que la prestataire pourrait présenter qui me mènerait à une conclusion différente. Il n’y a aucune preuve qu’elle pourrait fournir qui changerait ces faits. Par conséquent, je conclus que son appel est voué à l’échec, peu importe les arguments ou les éléments de preuve qu’elle pourrait présenter à une audienceNote de bas de page 22. Par conséquent, je dois rejeter son appel de façon sommaireNote de bas de page 23.

Conclusion

[31] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel est rejeté de façon sommaire.

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