Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 426

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire appel

Partie demanderesse : D. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 23 décembre 2022 (GE-22-2670)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 13 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-98

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La partie demanderesse (la prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Elle n’a pas obtenu une exemption fondée sur des motifs religieux. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie défenderesse (la Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. La prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été placée en congé sans solde, puis congédiée de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle n’a pas obtenu une exemption fondée ses croyances religieuses. La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. La prestataire soutient que les courriels qu’elle a reçus de son employeur ne disaient pas qu’elle serait congédiée si elle ne déclarait pas son statut. On indiquait plutôt qu’elle serait inscrite comme non-vaccinée. Elle soutient que la politique n’était pas claire. La prestataire soutient que son relevé d’emploi indique qu’elle est en congé, non qu’elle a commis une inconduite. Elle soutient qu’il était déraisonnable de la part de son employeur de refuser son exemption fondée sur des motifs religieux.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?  

[12] La prestataire soutient que les courriels qu’elle a reçus de son employeur ne disaient pas qu’elle serait congédiée si elle ne déclarait pas son statut. On indiquait plutôt qu’elle serait inscrite comme non-vaccinée. Elle soutient que la politique n’était pas claire. La prestataire soutient que son relevé d’emploi indique qu’elle est en congé, non qu’elle a commis une inconduite. Elle soutient qu’il était déraisonnable de la part de son employeur de refuser son exemption fondée sur des motifs religieux.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement reproché résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié. Il s’agit plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement. Note de bas de page 1

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue et ensuite congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique. Elle n’a pas obtenu d’exemption fondée sur des motifs religieux. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. La prestataire a refusé intentionnellement; elle a agi délibérément. Il s’agissait de la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La preuve appuie la conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus entraînerait son congédiement. L’employeur de la prestataire lui a envoyé une lettre datée du 27 novembre 2021. Elle indique que l’employeur refusait sa demande de mesures d’adaptation fondées sur des motifs religieux. La lettre précise également que si la prestataire refuse toujours de respecter la politique, elle [traduction] « sera congédiée » le 1er décembre 2021.Note de bas de page 2 Le lendemain, la prestataire a accusé réception et a répondu à la lettre en disant que l’employeur s’exposait ainsi à une plainte pour congédiement injustifié.Note de bas de page 3 L’employeur a mis fin à l’emploi de la prestataire le 2 décembre 2021.

[19] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 4 On considère également comme une inconduite au sens de la Loi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une entreprise.Note de bas de page 5

[21] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. En l’espèce, l’employeur a mis en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiée.Note de bas de page 6

[22] Je juge que la division générale n’a pas commis d’erreur révisable lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas la compétence de décider du caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[23] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire en acceptant sa demande d’exemption pour des motifs religieux, ou si la politique violait ses droits de la personne et constitutionnels, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demande.Note de bas de page 7

[24] La Cour fédérale a rendu récemment une décision dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire a senti qu’il faisait l’objet de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit d’assumer sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés aux termes du droit canadien et du droit international.Note de bas de page 8

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 9 La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens qui permettraient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le système juridique.

[26] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a déclaré qu’un employé a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement.

[28] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.  

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié. Il s’agit plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[30] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[31] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[32] La prestataire soutient que son employeur l’a rappelée au travail. Ce fait ne change pas la nature de l’inconduite qui a d’abord mené à son congédiement.Note de bas de page 11

[33] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 12 Cela ne change rien au fait qu’en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’elle a été congédiée en raison d’une inconduite.

[34] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[35] La permission de faire appel est refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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