Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 468

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (481529) datée du 7 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jillian Evans
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 3 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2326

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Décision

1. L’appel de S. R. est rejeté.

2. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante, S. R., a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose de façon délibérée qui a entraîné sa perte d’emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

3. L’appelante, S. R., travaillait pour une entreprise qui fournissait des soins dentaires itinérants dans les centres de soins de longue durée. Son employeur affirme avoir mis fin à son emploi parce qu’elle n’a pas respecté les politiques sur l’immunisation contre la COVID-19 que les centres avaient établies pour les fournisseurs de services externes.

4. L’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé. Elle convient qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 dans les délais prescrits par les politiques des centres de soins et qu’elle savait qu’elle perdrait son emploi en conséquence.

5. La Commission a décidé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

6. L’appelante affirme que sa décision de ne pas se faire vacciner ne devrait pas l’exclure du bénéfice des prestations. Elle a toujours été une employée dévouée et respectée, et n’a jamais reçu de plaintes associées à son rendement ou de mesures disciplinaires.

7. L’appelante conteste la conclusion de la Commission sur l’inconduite. Elle fait valoir que le non-respect de politiques externes qui ne faisaient pas partie de son contrat de travail initial ne devrait pas l’exclure du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

8. Mon rôle est de décider si les actions et les comportements de l’appelante correspondent effectivement à la définition juridique d’une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige : l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

9. Pour savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison elle a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

10. La Commission et l’appelante s’entendent sur la raison de la perte d’emploi.

11. L’appelante était assistante dentaire pour une entreprise qui fournissait des soins dentaires itinérants dans les centres de soins de longue durée. À l’été et à l’automne 2021, ces centres ont mis en place des politiques suivant les obligations provinciales et les ordonnances de santé publiqueNote de bas de page 2.

12. Les politiques des centres de soins exigeaient qu’à une certaine date, toutes les personnes qui fournissaient des services à leurs résidents devaient être vaccinées contre la COVID-19. Ces politiques s’appliquaient aux fournisseurs de services internes et externesNote de bas de page 3.

13. En août 2021, l’employeur a informé l’appelante qu’en raison des nouvelles exigences de vaccination des centres de soins, les membres du personnel de l’entreprise (fournisseur de services externes) seraient autorisés à travailler seulement s’ils étaient vaccinés. L’employeur a donné à l’appelante jusqu’au 12 octobre 2021 pour répondre à l’exigence de vaccinationNote de bas de page 4.

14. L’appelante confirme qu’elle était au courant de cette exigence, qu’elle comprenait qu’elle ne pourrait plus travailler pour l’entreprise sans la vaccination requise et qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner.

15. Elle a reconnu que ce choix signifiait qu’elle ne pourrait plus travailler pour son employeur : peu après que l’employeur a avisé le personnel des politiques des centres de soins, l’appelante lui a envoyé un courriel pour l’informer que ces politiques mèneraient à la fin de son emploi dans l’entrepriseNote de bas de page 5.

16. L’appelante a déclaré à l’audience qu’elle et son employeur se sont entendus pour que son emploi se poursuive jusqu’à la date limite de vaccination.

17. S. R. a formé la personne qui allait la remplacer, et son dernier jour de travail a été le vendredi 8 octobre 2021Note de bas de page 6.

18. Sur le relevé d’emploi de l’appelante, l’employeur a inscrit que la raison de la fin d’emploi était une démissionNote de bas de page 7. L’appelante conteste cette note. Elle affirme qu’elle n’a pas démissionné, qu’elle voulait continuer à travailler et qu’en réalité, elle a été [traduction] « congédiée parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 8 ».

19. Malgré la note sur le relevé d’emploi, l’employeur a confirmé, lorsqu’il a été contacté par la Commission, que l’appelante avait été congédiée. Même si l’employeur [traduction] « ne voulait pas perdre cette employée parce qu’elle était excellente, [...] elle ne répondait plus aux exigences de l’emploi en raison de son refus de la vaccinationNote de bas de page 9 ».

20. L’appelante et la Commission s’entendent pour dire qu’elle a été congédiée parce qu’elle a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19.

21. L’appelante a compris que son emploi avait pris fin parce qu’elle n’était plus en mesure de fournir les services pour lesquels elle avait été embauchée. Je ne vois aucune preuve qui contredit cette situation, alors je conclus que l’appelante a perdu son emploi pour cette raison.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?

22. Le choix de l’appelante de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 constitue une inconduite.

23. La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas exactement l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) m’aide à décider si les actions et les comportements de l’appelante constituent une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

24. Les décisions que les tribunaux ont rendues montrent qu’il y a une différence entre l’utilisation courante du mot « inconduite » et le sens juridique de ce mot dans le contexte de l’assurance-emploi.

25. La Commission est responsable de prouver que le choix de S. R. de ne pas se faire vacciner correspond au sens juridique du mot.

26. Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. La Commission doit donc prouver que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10. La Commission n’a pas à prouver qu’il y a eu tromperie ou désir de causer du tort à l’employeur.

27. La jurisprudence dit aussi que, dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, l’inconduite est un comportement qui pourrait empêcher une personne de remplir ses obligations envers son employeur. Lorsqu’une personne employée ne peut plus fournir les services qui lui sont demandés dans son contrat de travail en raison de ses propres actions, elle ne peut pas forcer les autres à assumer le fardeau de son chômageNote de bas de page 11.

28. De son côté, la Commission a le fardeau de prouver que les choix et les actions de l’appelante allaient à l’encontre de ses responsabilités professionnelles essentielles. Selon la jurisprudence, la Commission n’a pas à démontrer que le comportement de la personne est dangereux, criminel, trompeur ou contraire à l’éthique pour qu’il constitue une inconduite.

29. Par exemple, si une personne qui conduit un camion dans son emploi perd son permis de conduire en raison de son propre comportement pendant qu’elle ne travaillait pas, elle sera alors incapable d’effectuer des tâches essentielles à son emploi. Dans la mesure où un choix personnel et intentionnel empêche une personne employée d’accomplir l’essentiel de son travail, son comportement peut être considéré comme une inconduiteNote de bas de page 12.

30. Enfin, la jurisprudence établit aussi que le comportement d’une personne est considéré comme une inconduite dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi si cette personne pouvait prévoir, de façon objective et raisonnable, que ses actions étaient susceptibles d’entraîner son congédiementNote de bas de page 13.

31. J’estime que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable, que S. R. a perdu son emploi en raison d’une inconduite :

  • Elle savait que si elle n’avait pas reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 12 octobre 2021, elle ne serait plus en mesure de fournir des soins dentaires à la clientèle de son employeur. Elle a quand même décidé consciemment de ne pas se faire vacciner.
  • La capacité de traiter les résidents des centres de soins de longue durée était un élément fondamental des responsabilités professionnelles de l’appelante.
  • L’appelante ne pouvait pas traiter les résidents des centres de soins sans être vaccinée. Le respect des politiques vaccinales établies par les centres de soins est devenu essentiel à l’emploi de l’appelante.
  • L’appelante savait très bien qu’elle perdrait son emploi si elle ne se faisait pas vacciner contre la COVID-19, mais elle a quand même décidé de ne pas se conformer aux politiques.

32. L’appelante a soulevé d’autres questions dans ses observations.

33. L’appelante a fait valoir qu’elle avait cotisé à l’assurance-emploi pendant toute sa vie active et qu’il était injuste qu’on lui refuse maintenant des prestations au moment où elle en a le plus besoin.

34. La Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Comme pour tout autre régime de ce type, il faut satisfaire à des conditions précises pour recevoir des prestationsNote de bas de page 14. Le rôle du Tribunal est de décider si l’appelante, qui demande des prestations du régime d’assurance, remplissait les conditions requises. J’ai décidé que non.

35. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre des décisions fondées sur la compassion ou l’équité. Il doit suivre le droit lié à l’affaire et appliquer la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

36. Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. En effet, ses actions ont entraîné son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner l’empêcherait d’effectuer son travail et qu’elle perdrait son emploi en conséquence.

Conclusion

37. La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

38. Par conséquent, l’appel est rejeté.

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