Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 443

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 20 janvier 2023 (GE-22-3127)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 14 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-176

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. Le présent appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, A. B., travaille comme X pour X. Le 26 novembre 2021, l’employeur du prestataire l’a placé en congé sans solde après qu’il a refusé de fournir une preuve démontrant qu’il avait reçu le vaccin contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de X constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu qu’il avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a également jugé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement une perte d’emploi.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a mal interprété le sens du terme « inconduite » dans la Loi sur l’assurance-emploi.
  • Elle a ignoré le fait que son relevé d’emploi ne disait rien au sujet d’un congédiement pour inconduite.
  • Elle a ignoré le fait que ni son contrat de travail ni sa convention collective ne mentionnaient une exigence relative au vaccin.
  • Elle a ignoré le fait qu’en le forçant à divulguer son statut vaccinal sous la menace d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à son droit à la vie privée.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale a :

  • agi de façon injuste;
  • outrepassé ses pouvoirs ou refusé de les exercer;
  • mal interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

[6] Avant que le prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas page 3. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[9] Le prestataire soutient qu’il n’a rien fait de mal en refusant de dire à X s’il avait été vacciné. Il accuse la division générale d’avoir ignoré la tentative de son employeur d’imposer une nouvelle condition d’emploi sans son consentement.

[10] Étant donné le droit relatif à l’inconduite, je ne vois pas comment la division générale a commis une erreur en rejetant ces arguments.

[11] Lorsque la division générale a examiné la preuve disponible, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer des politiques de vaccination et de dépistage comme il l’entendait.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique claire exigeant que les membres du personnel fournissent la preuve qu’ils avaient été entièrement vaccinés.
  • Le prestataire savait que le non-respect de la politique à une certaine date entraînerait une perte d’emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de divulguer s’il avait été vacciné dans les délais raisonnables fixés par son employeur.

[12] Ces conclusions semblent refléter fidèlement les documents au dossier, ainsi que le témoignage du prestataire. Celui-ci insiste sur le fait qu’il n’a pas été suspendu pour inconduite, mais son employeur a clairement indiqué qu’il a été mis à pied parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actes étaient délibérés et qu’ils ont vraisemblablement mené à sa suspension. Le prestataire croyait peut-être que son refus de suivre la politique ne faisait pas de mal à son employeur, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était pas à lui d’en décider.

Il est impossible de soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[13] Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien‑fondé d’un différend entre une employée ou un employé et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste au prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[14] Devant la division générale, le prestataire a soutenu que rien dans la loi n’exigeait que son employeur mette en œuvre une politique de vaccination obligatoire. Il a soutenu que se faire tester ou vacciner n’avait jamais été une condition d’emploi.

[15] Je ne vois pas comment la division générale a commis une erreur en rejetant ces arguments.

[16] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis aux fins de l’assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage quotidien du mot. La division générale a défini l’inconduite comme suit :

Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.

Il y a une inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raisonNote de bas page 4.

[17] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. La division générale a ensuite conclu à juste titre que, lorsqu’elle détermine l’admissibilité à l’assurance-emploi, elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir explicitement l’inconduite

[18] Le prestataire soutient que rien dans son contrat de travail et sa convention collective ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, la jurisprudence dit que ce n’est pas la question en litige. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a une politique et si l’employé l’a délibérément ignorée.

[19] Dans l’affaire Lemire, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas page 5.

[20] Dans l’affaire Lemire, la cour a conclu qu’il était inapproprié pour un livreur de mettre sur pied une entreprise secondaire pour vendre des cigarettes à la clientèle. La Cour a conclu que c’était le cas même si l’employeur n’avait pas de politique explicite contre une telle conduite.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la loi par la division générale

[21] Une décision récente de la Cour fédérale a réaffirmé cette approche à l’égard de l’inconduite dans le contexte précis des mandats de vaccination contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 6. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions par la loi :

[traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’y a aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur le vaccin contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 7.

[22] La Cour fédérale a convenu qu’en faisant un choix délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au titre de laLoi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons, dans le cadre du système juridique, que le prestataire aurait pu faire valoir son congédiement injustifié ou ses revendications en matière de droits de la personne.

[23] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Ici, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Conclusion

[24] Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincu que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Cela signifie que l’appel n’ira pas de l’avant.

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