Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 467

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une prolongation de délai et à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. R.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 4 janvier 2023 (GE-22-2326)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 20 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-206

Sur cette page

Décision

[1] Une prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. Toutefois, la permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Son employeur ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a donc demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission de l’assurance-emploi) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] Selon la division générale, la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de son employeur. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption. La division générale a établi que la prestataire savait que son employeur risquait de la congédier dans ces circonstances. La division générale a donc conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit lorsqu’elle a conclu que sa perte d’emploi découlait d’une inconduite.

[6] J’accorde à la prestataire une prolongation du délai pour présenter sa demande à la division d’appel. Toutefois, je lui refuse la permission de faire appel parce que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher :

  1. a) La demande à la division d’appel était-elle en retard?
  2. b) Dois-je prolonger le délai permettant de présenter la demande?
  3. c) La prestataire a-t-elle soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

La demande n’était pas en retard

[8] Le 5 janvier 2023, la décision de la division générale a été communiquée à la prestataire. Le 14 janvier 2023, la prestataire a écrit au Tribunal pour indiquer qu’elle voulait demander la permission de faire appel de la décisionNote de bas de page 1.

[9] Sa demande n’était pas en retard.

La prestataire n’a soulevé aucune erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[11] La demande de permission de faire appel est une étape qui vient avant l’examen sur le fond. C’est une première étape que la partie prestataire doit franchir, où la barre est moins haute que durant l’appel sur le fond. Lors de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ce qu’elle avance. Elle doit plutôt montrer que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit établir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[12] Alors, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[13] À l’appui de sa demande de permission de faire appel à la division d’appel, la prestataire a présenté les arguments suivants :

  1. a) Son contrat de travail ne comportait aucune exigence de vaccination ni aucune modalité de congédiement pour personnes non vaccinées.
  2. b) La Commission n’a démontré aucun manquement à une obligation explicite ou implicite de son contrat de travail qui justifierait une exigence de vaccination contre la COVID-19.
  3. c) La common law canadienne reconnaît depuis longtemps qu’une personne a le droit de préserver son intégrité physique et d’accepter ou de refuser tout traitement médical. L’exercice de ce droit ne peut pas être considéré comme un acte fautif ou indésirable, c’est-à-dire une inconduite que l’on peut sanctionner par l’exclusion au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
  4. d) Elle n’a pas désobéi à son employeur. Elle voulait simplement se protéger, alors elle a choisi d’attendre qu’il y ait de l’information plus précise sur la sûreté du vaccin.

[14] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[15] Dans la notion d’inconduite, ce n’est pas nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit être délibéré ou, du moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a délibérément décidé d’ignorer les répercussions de cet acte sur son travail.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir s’il a mal agi en congédiant la prestataire de sorte que la fin d’emploi serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné son congédiementNote de bas de page 2.

[17] La division générale a décidé que la prestataire a été congédiée parce qu’elle a refusé de suivre la politique de l’employeur qui s’appliquait à tout le personnel. La prestataire avait été informée de la politique et aurait eu le temps de s’y conformer. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel. Elle a agi de façon délibérée. C’est la cause directe de son congédiement. La division générale a établi que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Selon un principe bien établi, une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. On dit aussi que le non-respect d’une politique approuvée par un gouvernement ou une entreprise est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[20] On s’entend pour dire qu’un employeur doit prendre toutes les précautions raisonnables pour veiller à la santé et à la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi l’ordre des autorités provinciales de santé publique, qui exigeait d’appliquer une politique visant à préserver la santé du personnel et de ses patients pendant la pandémieNote de bas de page 5. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiée.

[21] Il revient à une autre instance de décider si la politique de l’employeur a violé le contrat de travail de la prestataire, ses droits garantis par la common law ou ses droits constitutionnels. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire rechercheNote de bas de page 6.

[22] Récemment, la Cour fédérale a rendu une décision dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Le prestataire dans cette affaire a fait valoir que rien ne prouvait que le vaccin était sûr et efficace. Il s’est senti discriminé par son choix médical personnel. Le prestataire a affirmé qu’il avait le droit de préserver son intégrité physique et que ses droits avaient été violés selon la loi canadienne et internationaleNote de bas de page 7.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas légalement autorisé à traiter ce genre de questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique vaccinale, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. La Cour a précisé qu’il y avait d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le système judiciaire.

[24] Dans l’affaire Paradis qui a été tranchée auparavant, un prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Selon lui, il n’y avait eu aucune inconduite de sa part parce que la politique de son employeur avait violé ses droits garantis par l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a établi que cette question relevait d’une autre instance.

[25] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres moyens de sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[26] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’accorder des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite en assurance-emploi.

[27] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de son employeur en réponse aux circonstances pandémiques exceptionnelles. C’est ce qui a entraîné la perte de son emploi.

[28] La division générale ne semble avoir commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite conformément à la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[29] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 10. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable (selon la prépondérance des probabilités) que la prestataire a été congédiée en raison de son inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[31] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] Une prolongation de délai est accordée, mais la permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.