Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 487

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse : H. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 février 2023 (GE-22-3434)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 21 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-301

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il ne présente aucun argument défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, H. K., travaille comme X pour X. Le 22 avril 2022, il a été mis en congé sans solde après avoir refusé de se conformer à la politique de X sur la vaccination obligatoire contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que son refus de se faire vacciner constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté l’appel du prestataire. Elle était d’avis qu’il avait enfreint volontairement la politique de vaccination de son employeur. Elle a établi que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique pouvait entraîner la perte de son emploi.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • Elle a ignoré la preuve qui montre que X n’a pas pris au sérieux sa demande d’exemption pour motifs religieux.
  • Elle a ignoré le fait qu’en le forçant à se faire vacciner sous menace d’une suspension, X a porté atteinte à ses droits garantis par la Charte.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Le prestataire doit démontrer au moins une des choses suivantes :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Un appel a une chance raisonnable de succès si la partie prestataire présente un argument défendableNote de bas de page 3. Si elle n’en a pas, l’affaire prend fin à cette étape-ci.

[7] À cette étape préliminaire, je dois répondre à la question suivante : peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit applicable et la preuve qui l’ont menée à sa décision. J’ai conclu que le prestataire ne présente aucun argument défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal compris la preuve

[9] Devant la division générale, le prestataire a affirmé qu’il n’a rien fait de mal en refusant de se faire vacciner. Il était d’avis que X avait porté atteinte à ses droits lorsqu’il l’a forcé sous menace d’une cessation d’emploi.

[10] Étant donné le droit entourant l’inconduite, je ne vois pas comment la division générale aurait pu commettre une erreur en rejetant ces arguments.

La division générale a examiné tous les facteurs pertinents

[11] Après avoir examiné la preuve à sa disposition, la division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • X était libre d’établir et d’appliquer des politiques de vaccination et de dépistage comme il l’entendait;
  • X a adopté et annoncé une politique claire exigeant que le personnel fournisse une preuve de vaccination entière;
  • Le prestataire savait que le non-respect de la politique à une certaine date entraînerait la perte de son emploi.
  • Le prestataire a refusé intentionnellement de se faire vacciner dans les délais raisonnables exigés par son employeur.

[12] Ces conclusions semblent bien refléter ce que l’on trouve dans les documents au dossier et ce que le prestataire a déclaré dans son témoignage. Il insiste sur le fait qu’il avait de bonnes raisons de ne pas se faire vacciner. Mais du point de vue de X, le prestataire a enfreint les règles. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actions étaient délibérées et qu’elles ont mené à sa suspension. Le prestataire a peut-être cru que son refus de suivre la politique vaccinale de son employeur ne poserait aucun problème, mais du point de vue de l’assurance-emploi, ce n’était à lui d’en décider.

La division générale n’a pas ignoré la demande d’exemption

[13] Le prestataire accuse la division générale de ne pas avoir tenu compte de sa tentative d’exemption pour motifs religieux. Il soutient que X n’a jamais expliqué pourquoi il a rejeté sa demande d’exemption.

[14] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[15] La division générale n’a pas ignoré la tentative du prestataire d’obtenir une exemption pour motifs religieux. La division générale en a même beaucoup parléNote de bas de page 4. Dans sa décision, elle a noté les faits suivants :

  • Le prestataire a appuyé sa demande d’exemption par un affidavit et deux lettres de son égliseNote de bas de page 5.
  • Les documents confirmaient l’objection du prestataire parce qu’il croyait que le vaccin était produit à partir de lignées cellulaires de fœtus avortés.
  • X a rejeté la demande d’exemption du prestataire parce que celle-ci ne satisfaisait pas au critère lui permettant d’accorder une mesure d’adaptation.
  • Le prestataire a senti que X ne lui avait pas fourni d’explication adéquate pour son refus et qu’il n’avait jamais rien fait de plus que simplement donner l’illusion d’offrir des mesures d’adaptation.

[16] La division générale a reconnu que X n’avait peut-être pas examiné correctement la demande du prestataire, mais qu’elle ne pouvait rien y faire :

Je comprends la frustration du prestataire, d’autant plus qu’après deux mois de suspension, son employeur lui a dit que c’était correct et l’a rappelé au travail. Cependant, je n’ai pas le pouvoir de décider si la décision de l’employeur de lui refuser une mesure d’adaptation pour motifs religieux a porté atteinte à ses droits. Cette responsabilité revient à une cour ou à un autre tribunalNote de bas de page 6.

[17] Dans son rôle de juge des faits, la division générale a droit à une certaine latitude dans sa façon d’évaluer la preuve dont elle disposeNote de bas de page 7. Dans cette affaire, la division générale a examiné la preuve entourant la demande d’exemption. Cependant, elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour dire si la réponse de X était bonne ou mauvaise. Comme nous le verrons ci-dessous, cette conclusion est conforme à la loi.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[18] Dans son examen d’une inconduite, le Tribunal ne peut pas évaluer le bien-fondé d’un différend entre une personne employée et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste pour le prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de la suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle qui risque d’entraîner une perte d’emploi

[19] Devant la division générale, le prestataire a affirmé que rien dans la loi n’exigeait que X mette en place une politique de vaccination obligatoire. Il a soutenu que le dépistage ou la vaccination n’a jamais été une condition de son emploi.

[20] On ne peut pas soutenir que la division générale a fait erreur quand elle a rejeté ces arguments.

[21] Il est important de garder à l’esprit que le terme « inconduite » a un sens précis en assurance-emploi qui ne correspond pas nécessairement à l’usage courant du mot. La division générale a défini l’inconduite de la façon suivante :

[P]our qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite selon la loi.

Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il perde son emploi pour cette raisonNote de bas de page 8.

[22] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit entourant l’inconduite. Elle a ensuite mentionné à juste titre que, lorsqu’elle établit l’admissibilité à l’assurance-emploi, elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Un contrat de travail n’a pas à définir explicitement ce qu’est une inconduite

[23] Le prestataire soutient que rien dans son contrat de travail et sa convention collective ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, la jurisprudence dit que là n’est pas la question. L’important, c’est de savoir si l’employeur a une politique en place et si la personne employée l’a ignorée délibérément.

[24] Dans une affaire intitulée Lemire, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible de provoquer son congédiementNote de bas de page 9.

[25] Dans l’affaire Lemire, la cour a confirmé qu’un employé qui livre de la nourriture commet une inconduite s’il met sur pied une entreprise parallèle pour vendre des cigarettes aux clients. La cour est arrivée à cette conclusion même si l’employeur n’avait pas de politique explicite qui interdisait une telle conduite.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la division générale

[26] Une décision très récente de la Cour fédérale confirme l’approche de la division générale à l’égard de l’inconduite quand il y a une obligation de vaccination contre la COVID-19. Comme dans le dossier actuel, le prestataire de l’affaire Cecchetto a refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 10. La Cour fédérale a confirmé ce qu’avait conclu la division d’appel, c’est-à-dire que le Tribunal n’est pas autorisé à trancher ces questions :

[traduction]
Malgré les arguments du demandeur, le fait que la division d’appel n’a pas évalué ni établi le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique provinciale de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ne justifie pas l’annulation de sa décision. Ce genre de conclusion ne relevait ni du mandat ni de la compétence du Tribunal de la sécurité sociale, que ce soit à la division d’appel ou à la division généraleNote de bas de page 11.

[27] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique vaccinale de l’employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour fédérale a déclaré que le prestataire avait d’autres options dans le système de justice pour faire valoir ses revendications en matière de congédiement injustifié ou de droits de la personne.

[28] Dans le dossier actuel, comme dans l’affaire Cecchetto, l’important est de se demander si le prestataire a enfreint la politique vaccinale de son employeur. Si c’est le cas, il faut aussi se demander si cette faute était délibérée et susceptible d’entraîner une suspension ou un congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Conclusion

[29] Pour les motifs que j’ai mentionnés, je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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