Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : HK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 488

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : H. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (542485) datée du 4 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 31 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 6 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3434

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a été suspendu de son emploi. Son employeur affirme l’avoir suspendu parce qu’il a agi contre la politique de vaccination établie : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le non-respect de la politique vaccinale de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite. Elle l’a donc déclaré inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne ait été congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[8] Pour savoir si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison il a été suspendu. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[9] J’estime que le prestataire a été suspendu parce qu’il a agi contre la politique vaccinale de son employeur.

[10] Le prestataire affirme avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Il soutient que son employeur a violé ses droits quand il a rejeté sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux.

[11] La Commission est d’avis que l’employeur a suspendu le prestataire parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[12] Le prestataire ne conteste pas la raison de sa suspension. Mais il ne pense pas que son employeur avait raison de rejeter sa demande de mesures d’adaptation. Je conclus que le prestataire a été suspendu parce qu’il a agi contre la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[13] La raison de la suspension du prestataire est une inconduite selon la loi.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) m’aide à décider si la suspension du prestataire est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les facteurs à prendre en compte quand on examine une affaire d’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite selon la loiNote de bas de page 5.

[16] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il perde son emploi pour cette raisonNote de bas de page 6.

[17] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[18] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 9.

[19] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options au prestataire. Et ce n’est pas à moi non plus de décider si son employeur l’a suspendu injustement ou s’il aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 10. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[20] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule McNamara, un prestataire a affirmé qu’il devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié injustementNote de bas de page 11. Il avait perdu son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage de drogues. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue. De plus, les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides.

[21] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question est de savoir si l’action ou l’omission de la personne employée est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, que la personne ait été congédiée injustement ou nonNote de bas de page 12.

[22] La Cour d’appel fédérale a aussi dit qu’en interprétant et en appliquant la Loi sur l’assurance-emploi, il faut se concentrer sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a fait remarquer qu’il y a d’autres solutions pour les personnes congédiées injustement. Ces solutions pénalisent précisément le comportement de l’employeur et évitent que ses actions coûtent de l’argent aux contribuables en versements de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 13.

[23] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, un prestataire a été congédié pour avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 14. Il a soutenu qu’il avait été congédié injustement, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec des facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation conformément à ses politiques et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La cour s’est appuyée sur la décision McNamara et a déclaré que le comportement de l’employeur n’était pas pertinent pour évaluer s’il y avait eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15.

[24] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, un prestataire a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas de page 16. Il a soutenu que son employeur devait lui accorder des mesures d’adaptation parce que son trouble est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Que l’employeur ait accordé ou non des mesures d’adaptation n’était pas pertinentNote de bas de page 17.

[25] Même si ces dossiers ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19, ce qu’ils disent est pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de suspendre le prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] Le prestataire affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part. Son employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux sans explication et n’a permis aucun recours possible contre la décision.

[27] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il serait suspendu s’il ne respectait pas la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[28] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il serait suspendu s’il ne respectait pas la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Malgré tout, le prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner, même après le rejet de sa demande de mesures d’adaptation.

[29] La politique de l’employeur prévoit ce qui suit :

  • Les membres du personnel sont tenus de confirmer leur statut vaccinal au plus tard le 12 novembre 2021.
  • Les membres du personnel peuvent demander des mesures d’adaptation fondées sur un motif de distinction illicite.
  • Les membres du personnel qui ne confirment pas leur statut vaccinal seront considérés comme réfractaires à la vaccination et mis en congé sans solde après le 26 novembre 2021.

[30] Le prestataire a parlé à la Commission de la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. À l’audience, il a dit qu’il connaissait la date limite pour confirmer son statut vaccinal et ce qui se passerait s’il ne voulait pas être entièrement vacciné.

[31] Le prestataire a demandé à son employeur d’être exempté de la vaccination contre la COVID-19. Il l’a fait pour des motifs religieux. Sa demande comprenait un affidavit et deux lettres de son église qui confirmaient son affiliation et précisaient la position de l’église sur la vaccination contre la COVID-19.

[32] L’employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation pour motifs religieux. Il a répondu que la demande ne satisfaisait pas au critère permettant d’accorder une mesure d’adaptation pour motifs religieux. La lettre de l’employeur indiquait au prestataire ce qu’il devait faire par la suite. L’employeur a aussi averti le prestataire que s’il ne respectait pas sa politique de vaccination dans les délais prescrits, il serait mis en congé administratif sans solde.

[33] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de son employeur d’avoir rejeté sa demande de mesures d’adaptation. Il dit que son employeur a supposé que ses croyances religieuses n’étaient pas sincères, mais qu’il n’en avait pas la preuve. Le prestataire est d’avis qu’il a le droit au Canada d’obtenir de son employeur les raisons qui l’amènent à penser que ses croyances religieuses ne sont pas sincères. Selon le prestataire, l’employeur a simplement donné l’illusion d’offrir des mesures d’adaptation.

[34] Je comprends la frustration du prestataire, d’autant plus qu’après deux mois de suspension, son employeur lui a dit que c’était correct et l’a rappelé au travail. Cependant, je n’ai pas le pouvoir de décider si la décision de l’employeur de lui refuser une mesure d’adaptation pour motifs religieux a porté atteinte à ses droits. Cette responsabilité revient à une cour ou à un autre tribunal.

[35] D’après le témoignage du prestataire, j’estime qu’il connaissait la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Il était au courant des délais et des conséquences du non-respect de la politique. La lettre de refus de l’exemption a donné au prestataire une autre occasion de se conformer à la politique et lui a rappelé qu’il risquait un congé sans solde s’il ne le faisait pas. Je conclus donc que le prestataire savait que sa conduite, soit le fait de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19, pouvait entraîner sa suspension.

[36] J’estime que le prestataire s’est volontairement opposé à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Il a choisi de façon consciente, voulue et intentionnelle de ne pas se faire vacciner. Il l’a fait en sachant qu’il serait mis en congé sans solde. Je considère ce congé comme une suspension. Pour ces raisons, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Alors, le prestataire a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

[37] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[38] En effet, les actions du prestataire ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que son refus de se faire vacciner pouvait entraîner sa suspension.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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