Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 454

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : D. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 25 janvier 2023 (GE-22-3261)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 18 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-203

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Elle n’a pas obtenu d’exemption. Elle a donc demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de suivre la politique de l’employeur. La prestataire n’avait pas obtenu d’exemption. La division générale a jugé que la prestataire savait que, dans les circonstances, son employeur allait probablement la congédier. La division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel. Elle soutient que le gouvernement n’a pas ordonné aux employeuses et employeurs de renvoyer leur personnel. Il a ordonné qu’une politique soit mise en place pour protéger tout le monde, pas seulement un groupe de personnes. Elle fait valoir que son employeur ne l’a jamais forcée à faire quoi que ce soit pour conserver son emploi. Il y avait toujours une façon de continuer à cheminer ensemble. La prestataire maintient que sa santé et sa sécurité n’ont jamais été prises en considération et que son employeur aurait pu s’arranger pour appliquer la politique sans rendre les choses si difficiles. On a loué son rôle de travailleuse essentielle pendant la pandémie, puis on l’a tout bonnement, injustement relevée de ses fonctions.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève‑t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables que voici :

  1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où la barre est moins haute que celle qu’il faut franchir durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer la possibilité de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait permettre d’accueillir l’appel.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

La prestataire soulève‑t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Selon la prestataire, le gouvernement n’a pas ordonné aux employeuses et employeurs de renvoyer leur personnel. Il a ordonné qu’une politique soit mise en place pour protéger tout le monde, pas seulement un groupe de personnes. Elle fait valoir que son employeur ne l’a jamais forcée à faire quoi que ce soit pour conserver son emploi. Il y avait toujours une façon de continuer à cheminer ensemble. La prestataire maintient que sa santé et sa sécurité n’ont jamais été prises en considération et que son employeur aurait pu s’arranger pour appliquer la politique sans rendre les choses si difficiles. On a loué son rôle de travailleuse essentielle pendant la pandémie, puis on l’a tout bonnement, injustement relevée de ses fonctions.

[13] Il fallait que la division générale décide si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou, à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé d’ignorer les répercussions de ses actes sur son rendement au travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de décider s’il s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle manière que le congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique. Elle n’avait pas obtenu d’exemption. On l’avait informée de la politique et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré et la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait mener à un congédiement.

[18] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de son employeuse ou employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. Le fait de ne pas suivre une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est aussi considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[20] Personne ne conteste vraiment le fait qu’une employeuse ou un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur les lieux de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi la directive du médecin-hygiéniste en chef qui visait à établir une politique de vaccination pour protéger la santé de tout le personnel pendant la pandémieNote de bas de page 4. La politique était en vigueur au congédiement de la prestataire.

[21] Le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour décider si les mesures de santé et de sécurité mises en place par l’employeur pour combattre la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] Les questions de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire et si la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de la convention collective relèvent d’une autre autorité. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 5.

[23] Récemment, dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a rendu une décision concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée de façon unilatérale par un employeur n’est pas une inconduite. Il avançait que personne n’avait prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Il se sentait victime de discrimination en raison d’un choix médical personnel. Il a affirmé avoir le droit de contrôler son intégrité physique et il a ajouté que ses droits avaient été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 6.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel voulant que, de par la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à régler ces questions. La Cour a convenu que, lorsqu’il a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et donc perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré que le système juridique offre d’autres voies par lesquelles la prestataire peut adéquatement porter plainte.

[25] Dans une affaire précédente, appelée Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a jugé que cette question relevait d’une autre autorité.

[26] La Cour fédérale a ajouté que, pour sanctionner le comportement d’un employeur, les prestataires ont d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[27] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a précisé que l’obligation de mettre en place des mesures d’adaptation, qui revient à l’employeur, n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi.

[28] Comme je l’ai expliqué plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle manière que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné le congédiement.

[29] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[30] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[31] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité si l’existence d’une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[32] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision comme la compétence de la division générale ou le non‑respect d’un principe de justice naturelle. Elle n’a cerné dans la décision aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale et tenu compte des arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. Cela met donc un terme à l’appel.

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