Assurance-emploi (AE)

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Citation : RP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2019 TSS 1764

Numéro de dossier du Tribunal : GE-19-2405

ENTRE :

R. P.

 

Appelant :

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimé :


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Yoan Marier
DATE DE L’AUDIENCE : 31 juillet 2019
DATE DE LA DÉCISION : 31 juillet 2019

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté, car l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Aperçu

[2] L’appelant, R. P., a travaillé pendant quelques années comme racleur à la X, à X. Il a perdu son emploi le 3 juillet 2018.

[3] L’employeur lui reproche d’avoir fumé une cigarette à proximité d’explosifs dans un wagon en mouvement à l’intérieur de la mine.

[4] L’appelant a déposé une demande de prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné cette demande et a déterminé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite. L’appelant s’est donc fait refuser l’accès aux prestations.

[5] L’appelant conteste maintenant la décision de la Commission devant le Tribunal. Il soutient que l’employeur n’a pas respecté sa propre politique de gradation des sanctions et qu’il est victime d’un conflit de personnalités avec un supérieur. Il considère aussi qu’on voulait se débarrasser de lui en raison de problèmes médicaux.

Questions préliminaires

[6] L’appelant ne s’est pas présenté à l’audience. Il s’agissait de ma deuxième tentative de tenir une audience avec l’appelant. La première audience, prévue le 24 juillet 2019, avait été ajournée, car l’avis d’audience n’avait pas été réclamé. Par la suite, un nouvel avis d’audience a été envoyé à l’appelant aux coordonnées qu’il a lui-même fourni au Tribunal, et le greffe l’a contacté par téléphone à deux reprises, afin de l’aviser de la tenue d’une nouvelle audience. Un message vocal lui a été laissé avec toutes les informations dont il avait besoin pour se présenter. Je suis convaincu que l’appelant a été avisé de la tenue de l’audience. J’ai donc procédé en l’absence de celui-ci.Note de bas de page 1

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi à la X en raison de son inconduite?

Analyse

Concernant la notion d’inconduite

[8] Un prestataire qui perd son emploi en raison de son inconduite est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 2

[9] Les principes qui entourent l’inconduite sont bien établis par la jurisprudence. Pour déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois répondre aux questions suivantes :

  1. a) Est-ce que ce que l’appelant a effectivement commis le geste qui lui est reproché?Note de bas de page 3
  2. b) Est-ce que le geste était volontaire ou délibéré? Ou est-ce que le geste était le résultat d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré?Note de bas de page 4
  3. c) Est-ce que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il risquait le congédiement en agissant comme il le faisait?Note de bas de page 5
  4. d) Y a-t-il un lien de cause à effet entre le geste reproché et le congédiement? Autrement dit, le geste en question est-il la réelle cause du congédiement?Note de bas de page 6

[10] C’est la Commission qui doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 7

Est-ce que l’appelant a effectivement commis le geste qui lui est reproché?

[11] L’employeur reproche à l’appelant un seul geste grave : il a fumé une cigarette à proximité de dynamite dans un wagon en mouvement à l’intérieur de la mine. Il a été pris en flagrant délit par un superviseur. Aux dires de l’employeur, lorsqu’il s’est fait surprendre, l’appelant a ri et a pris une dernière bouffée de sa cigarette avant de la jeter.

[12] Le superviseur a fourni une déclaration écrite à la Commission, en plus de fournir une version des faits détaillée de façon verbale.Note de bas de page 8

[13] L’appelant, de son côté, reconnait avoir fumé dans la mine, mais il soutient qu’il n’y avait pas d’explosifs à proximité.

[14] J’accorde un poids plus important à la version des faits de l’employeur. Cette version est plausible, constante et appuyée par un témoin clé, soit le superviseur qui a surpris l’appelant en flagrant délit.

[15] De surcroit, la version des faits de l’appelant comporte d’importantes contradictions qui affectent sa crédibilité en tant que témoin. Par exemple, lors d’une de ses premières conversations avec la Commission, l’appelant a nié avoir fumé dans un endroit prohibé ou dangereux sur le siteNote de bas de page 9. Quelques semaines plus tard, lors d’une autre conversation, il a reconnu avoir fumé à l’intérieur de la mine tout en sachant que c’était interdit.Note de bas de page 10 De plus, l’appelant a initialement nié avoir un quelconque dossier disciplinaire auprès de son employeurNote de bas de page 11, alors que la preuve déposée par ce dernier démontre que ceci est totalement faux.

[16] Je conclus que l’appelant a bel et bien commis le geste reproché par l’employeur.

Est-ce que le geste était volontaire ou délibéré? Ou est-ce que le geste était le résultat d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré?

[17] À mes yeux, il ne fait aucun doute que le fait d’allumer et de fumer une cigarette dans un endroit interdit ou dangereux constitue un geste volontaire. Tout indique que l’appelant a agi de son propre gré, et qu’il était en pleine possession de ses moyens lorsqu’il a commis son geste.

Est-ce que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il risquait le congédiement en agissant comme il le faisait?

[18] D’abord, il convient de traiter de l’historique disciplinaire de l’appelant chez cet employeur. Dans le dossier d’appel, j’ai compté pas moins d’une dizaine de mesures disciplinaires portant le nom de l’appelant. Ces mesures ont été émises pour divers actes et omissions commis par l’appelant dans le cadre de ses fonctions, et vont du simple avertissement jusqu’au congédiement final. Il convient de noter que l’appelant a été suspendu à plusieurs reprises, dont une fois pour un manquement considéré comme sérieux.

[19] L’appelant avait donc un dossier disciplinaire très chargé. L’employeur soutient d’ailleurs que l’appelant étant près du congédiement, avant même de commettre le geste inexcusable qui a provoqué la fin de son emploi. Note de bas de page 12

[20] En ce qui concerne le geste lui-même, les politiques de l’employeur et les lois en matière de santé et sécurité sont claires : il est interdit de fumer, ou même d’avoir en sa possession un briquet ou une allumette dans une mine lorsqu’il y a un risque d’explosion. Des écriteaux sont placés à l’entrée de la mine à cet effetNote de bas de page 13, la politique de l’employeur en fait mentionNote de bas de page 14, et le Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines l’énonce noir sur blanc.Note de bas de page 15

[21] De plus, « ne pas fumer à proximité d’explosifs » n’est pas une consigne que l’employeur devrait avoir à répéter à ses employés. Le bon sens dicte qu’il s’agit d’un geste extrêmement dangereux. Qui plus est, l’appelant était dans un wagon en mouvement lorsqu’il commettait son geste, ce qui ajoute une couche supplémentaire à la dangerosité et à la gravité de son geste.

[22] Afin de justifier son geste, l’appelant soutient qu’il arrivait aussi à d’autres employés de fumer dans la mine.

[23] À mes yeux, les actions illicites d’un autre employé ne justifient pas les actions illicites de l’appelant. Il est probable que ces autres employés enfreignaient eux aussi les règles de l’employeur en fumant dans la mine; ceci ne permet pas pour autant à l’appelant d’enfreindre les règles à son tour, surtout lorsqu’il est question de la sécurité de tous, comme c’est le cas ici. De plus, l’appelant n’a pas simplement fumé une cigarette dans la mine : il a fumé une cigarette dans la mine, à proximité d’explosifs, dans un wagon en mouvement. Même s’il arrivait peut-être aux autres employés de fumer dans la mine, rien n’indique que ceux-ci fumaient dans des circonstances aussi risquées. 

[24] Dans ce contexte, compte tenu de la gravité du geste de l’appelant, j’estime que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il serait congédié en agissant comme il le faisait.

[25] Je considère qu’il n’était pas nécessaire pour l’employeur d’émettre un nouvel avertissement ou des sanctions disciplinaires graduées à l’appelant pour que son comportement soit considéré comme une inconduite. Ceci est d’autant plus vrai si on tient compte du grand nombre d’avertissements déjà reçus par celui-ci pour divers manquements au cours des dernières années.

Le geste en question est-il la réelle cause du congédiement?

[26] En terminant, j’ai pris connaissance des différentes allégations de l’appelant visant son employeur. L’appelant soutient qu’il est victime d’un confit de personnalités avec l’un de ses gestionnaires. De plus, il fait valoir que l’employeur a mis fin à son emploi afin de se débarrasser de lui, puisqu’il avait pris de longues périodes de congé de maladie au cours des derniers mois.

[27] Lorsque j’examine un dossier d’inconduite, je suis tenu de mettre l’accent sur la conduite de l’appelant et non sur celle de l’employeur. En effet, la question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant l’appelant (de sorte que ce congédiement serait injustifié), mais bien de savoir si l’appelant s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi.Note de bas de page 16

[28] À mes yeux, la preuve et la séquence des évènements dans ce dossier démontrent clairement que l’appelant a commis un geste grave et a été congédié presque immédiatement après avoir commis ce geste. Je considère que l’appelant a perdu son emploi en raison des gestes qui lui sont reprochés.

[29] Je conclus que l’appelant a bel et bien commis une inconduite, et que cette inconduite a engendré la perte de son emploi.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

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