Assurance-emploi (AE)

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Citation : ML c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 740

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (499344) datée du 1 août 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 27 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 3 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2975

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas page 1

Aperçu

[3] L’appelant est pilote d’hélicoptère chez X. Il a cessé d’occuper son emploi le 30 novembre 2021 parce qu’il n’a pas fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 comme l’exigeait la politique de vaccination de l’employeur.

[4] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que l’appelant avait été congédié en raison de son inconduite. Pour cette raison, elle ne pouvait pas lui verser des prestations.

[5] L’appelant n’est pas d’accord avec la décision de la Commission. Il admet qu’il n’a pas transmis une attestation de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur, mais il explique que la nature de son métier exige un dossier médical en règle et que le fait de recevoir le vaccin contre la Covid-19 comportait un risque trop élevé pour lui. De plus, il affirme qu’il n’a jamais commis d’inconduite au travail.

[6] Je dois déterminer si l’appelant a été congédié de son emploi en raison d’une inconduite.

Questions en litige

[7] L’appelant a-t-il fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur comme l’exigeait la politique de vaccination ?

[8] Si oui, ces gestes constituent-ils de l’inconduite ?

Analyse

[9] Pour décider si l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi considère cette raison comme une inconduite.

L’appelant a-t-il fourni une attestation de vaccination contre la Covid-19 à l’employeur comme l’exigeait la politique de vaccination ?

[10] J’estime que l’appelant a été congédié parce qu’il n’a pas fourni l’attestation de vaccination contre la Covid-19 exigé par l’employeur.

[11] L’employeur a indiqué sur le relevé d’emploi que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une suspension ou d’un congédiement.

[12] Lorsqu’il a rempli sa demande de prestations, l’appelant a indiqué qu’il avait été congédié parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.Note de bas page 2 Lors de l’audience, il a expliqué que l’attestation de vaccination exigée par l’employeur ne pouvait pas démontrer qu’il n’était pas vacciné. Il ne voulait pas se faire vacciner contre la Covid-19 et il n’avait pas d’attestation de vaccination à fournir à l’employeur.

[13] La Commission et l’appelant s’entendent sur la raison pour laquelle il a cessé d’occuper son emploi.

[14] Je conclus que l’appelant n’a pas fourni l’attestation de vaccination exigée par l’employeur et qu’il a posé les gestes reprochés par l’employeur.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la Loi ?

[15] Un travailleur qui est congédié en raison de son inconduite n’a pas le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi.Note de bas page 3

[16] Selon la Loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite. Un travailleur qui est suspendu de ses fonctions en raison de son inconduite ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[17] Pour être considérée comme une inconduite selon la Loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas page 4 Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas page 5 Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas page 6 (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal).

[18] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raison.Note de bas page 7

[19] La Commission doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de son inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été congédié en raison de son inconduite.Note de bas page 8

[20] Le 6 juin 2022, le gestionnaire des opérations chez l’employeur a indiqué à un employé de la Commission qu’une politique de vaccination a été adoptée en novembre 2021 en raison d’un arrêté d’urgence adopté par le gouvernement.Note de bas page 9 Le gestionnaire explique que le gouvernement canadien obligeait les pilotes à être vaccinés pour pouvoir entrer dans la zone sécurisée à l’aéroport et que Transports Canada a adopté une directive en ce sens. À titre d’exemple, l’appelant devait se rendre au Chili, mais il n’a pas pu y aller parce qu’il ne pouvait pas entrer dans la zone sécurisée à l’aéroport.

[21] Le gestionnaire indique également que la politique de vaccination a été expliquée verbalement aux employés en octobre 2021 et que les informations ont également été transmises par écrit en novembre 2021. En ce sens, un courriel a été transmis aux employés leur mentionnant qu’il devait fournir une attestation de vaccination contre la Covid-19 au plus tard le 15 novembre 2021 afin de pouvoir continuer à travailler.Note de bas page 10

[22] Le 8 août 2022, le gestionnaire a expliqué à la Commission qu’il a discuté longuement avec l’appelant, mais que ce dernier refusait catégoriquement de se faire vacciner.

[23] Puisque l’appelant a clairement mentionné son intention de ne pas se faire vacciner, l’employeur n’a pas eu d’autres choix que de le congédier. Le gestionnaire explique que si l’appelant avait eu l’intention de se faire vacciner plus tard, il aurait été suspendu. Il indique également qu’avant la pandémie de la Covid-19, les pilotes devaient se conformer à la vaccination obligatoire pour pouvoir atterrir dans certains pays, comme la vaccination contre la fièvre par exemple.

[24] Le gestionnaire explique aussi qu’un mois après l’avoir congédié, il a rappelé l’appelant pour lui offrir un poste comme mécanicien (qui n’exigeait pas d’attestation de vaccination). Une formation était offerte, mais l’appelant a refusé.

[25] L’appelant explique qu’il a refusé de se faire vacciner parce que le vaccin contre la Covid-19 était expérimental et que les effets secondaires n’étaient pas connus à long terme. Il fait valoir qu’il s’est prévalu de son droit d’exercer son consentement libre et éclairé. Il explique que s’il avait eu des effets secondaires graves, il aurait pu perdre sa licence de pilote. Pour conserver celle-ci, il doit se soumettre à des visites régulières chez le médecin et comme beaucoup de gens ont eu des allergies au vaccin ou des myocardites après avoir reçu le vaccin contre la Covid-19, il ne voulait pas recevoir ce vaccin. Cependant, il indique ne pas avoir demandé une exemption pour des raisons médicales à l’employeur.

[26] L’appelant admet avoir été informé de la politique de vaccination ainsi que des conséquences s’il ne s’y conformait pas. Il savait qu’il serait congédié s’il ne fournissait pas une attestation de vaccination contre la Covid-19. Cependant, il fait valoir que c’est un choix personnel de se faire vacciner ou non et il se demande, d’un point de vue de l’éthique, si un employeur peut forcer ses employés à se faire vacciner. Il affirme que l’employeur a changé unilatéralement les conditions d’emploi en adoptant cette politique. Il explique qu’en tant que pilote d’hélicoptère, il devait atterrir dans des aéroports surtout pour l’essence.Note de bas page 11

[27] L’appelant soulève également des questions reliées à la Charte canadienne des droits et libertés. Il mentionne cependant ne pas contester une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi et il comprend que d’autres instances peuvent répondre à ses questionnements. Il explique qu’il n’a pas commis d’inconduite au travail et qu’il craignait les effets secondaires du vaccin.

[28] La Commission soutient que l’employeur a le droit d’adopter des règles et des directives ou des politiques qui circonscrivent le lien d’emploi et que le refus d’obéir ou d’obtempérer à une directive peut constituer une inconduite au sens de la Loi. Particulièrement, la Commission affirme que l’appelant a volontairement refusé de se conformer à la politique de vaccination adoptée par l’employeur et que ce geste constitue une inconduite.

[29] La Commission affirme également que le Tribunal n’a pas la compétence pour déterminer si l’employeur a agi de façon équitable ou raisonnable lorsqu’il a adopté sa politique de vaccination obligatoire.Note de bas page 12

[30] Je suis d’accord avec la Commission. Parce qu’il n’a pas accepté de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, l’appelant ne pouvait plus continuer à travailler. Il n’est pas question de déterminer si l’appelant avait le droit ou non de consentir à recevoir le vaccin contre la Covid-19. En l’espèce, l’appelant a fait le choix de ne pas consentir à recevoir le vaccin contre le Covid-19. Cependant s’il ne le faisait pas, il y avait des conséquences et l’appelant le savait.

[31] J’ai pris connaissance des documents transmis par l’appelant avant l’audience et particulièrement de la décision A.L. c Commission de l’assurance-emploi du Canada.Note de bas page 13 Dans cette cause particulière, la convention collective des employés avait été renégociée afin d’y inclure une politique de vaccination obligatoire et ce cas particulier ne s’applique pas à celui de l’appelant. Je précise également que ce dossier a été contesté par la Commission devant la division d’appel du Tribunal et que la permission d’en appeler a été accordée le 9 février 2023.

[32] Mon rôle est de déterminer si l’appelant a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire contre la Covid-19 adoptée par l’employeur. Je n’ai pas à analyser le comportement de l’employeur pour déterminer si l’adoption d’une telle politique est justifiée. En ce sens, la Cour d’appel fédérale a statué que le Tribunal doit mettre l’accent sur la conduite du prestataire et non sur celle de l’employeur. Ainsi, il y a inconduite lorsqu’un prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.Note de bas page 14

[33] Mon rôle n’est pas non plus de déterminer si le congédiement était une mesure appropriée. Une décision récente a été rendue par la Cour d’appel fédérale qui indique que le Tribunal a « un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système judiciaire ».Note de bas page 15 Cette décision précise également que le Tribunal n'a pas la compétence de statuer sur la légitimité ou la légalité des directives et des politiques gouvernementales visant à lutter contre la pandémie de la Covid-19 et qu’il existe d'autres façons pour un prestataire de contester ces directives et politiques. Il est également précisé qu’il est raisonnable que le Tribunal n'examine pas ces arguments et que les tribunaux n'interviendront pas dans les décisions du Tribunal pour ce motif.

[34] Bien que je comprenne les explications de l’appelant concernant les choix qu’il a faits, l’employeur a adopté une politique et il exigeait que les employés soient vaccinés contre la Covid-19. Cette politique prévoit des mesures d’adaptation et un employé pouvait demander une exemption de vaccination, notamment pour des raisons médicales ou pour des motifs religieux. S’il y avait un risque pour sa santé, l’appelant pouvait rencontrer son médecin et demander à son employeur une exemption de fournir l’attestation contre la Covid-19 pour des raisons médicales.

[35] L’employeur a des responsabilités quant à la santé et la sécurité de ses employés et il peut adopter des directives ou des politiques en ce sens. Mon rôle n’est pas de déterminer si la suspension était une mesure appropriée ou si l’employeur aurait dû proposer une mesure alternative au congédiement.Note de bas page 16 Au sens de la Loi, lorsqu’un employé ne respecte pas une directive de l’employeur de façon volontaire, ce comportement l’empêche de remplir ses obligations envers son employeur.

[36] C’est en ce sens que l’appelant a posé un geste volontaire et qu’il ne respecte pas ses obligations envers son employeur. En ne respectant pas la politique de vaccination contre la Covid-19 de l’employeur, l’appelant a commis une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. L’appelant savait qu’il pouvait être congédié s’il ne fournissait pas une attestation de vaccination contre la Covid-19 et il a choisi de ne pas le faire. Ce geste est volontaire.

[37] Pour conclure à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, l’intention coupable n’a pas non plus à être démontrée. C’est-à-dire que je n’ai pas à déterminer si l’appelant a fait quelque chose de mal.

[38] L’appelant a été congédié parce qu’il n’a pas respecté les règles émises par l’employeur; il a refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire pour tous les employés (à moins de présenter une exemption médicale ou pour des motifs religieux). En refusant de se conformer aux règles de l’employeur, l’appelant ne satisfait pas aux obligations de son emploi.

[39] L’appelant connaissait les règles et il a décidé de ne pas s’y conformer. Ce geste volontaire constitue une inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite ?

[40] L’appelant ne peut pas recevoir des prestations régulières s’il a été congédié après avoir commis une inconduite. Lorsqu’un employé ne respecte pas les règles de son employeur, il peut présumer qu’il sera suspendu ou congédié.

[41] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur et que le fait d’avoir refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur constitue une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[42] La Commission a prouvé que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi il ne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[43] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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