Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 508

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : J. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : J. Villeneuve

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 14 octobre 2022 (GE-22-2021)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 1er février 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 25 avril 2023
Numéro de dossier : AD-22-769

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Aperçu

[2] L’appelante, J. H. (la prestataire), a été congédiée de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La prestataire a porté cette décision en appel à la division générale du Tribunal. La division générale a rejeté l’appel. 

[4] La prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale a commis une erreur de droit en étant d’accord avec son employeur et en concluant qu’elle avait été congédiée en raison d’une inconduite. Elle affirme que son congédiement a porté atteinte à son droit à la liberté de religion, ce qui était discriminatoire et inconstitutionnel.

[5] La prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la politique de vaccination était devenue une condition d’emploi dès sa mise en œuvre.  

[6] Je conclus que la division générale n’a commis aucune erreur. Par conséquent, je rejette l’appel de la prestataire.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner si l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a rejeté sa demande d’exemption religieuse?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la politique de vaccination était devenue une condition d’emploi de la prestataire?

Analyse

[8] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division générale a fait au moins une des choses suivantesNote de bas de page 1 : 

  • Elle n’a pas offert une procédure équitable.
  • Elle n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher.
  • Elle a mal interprété ou mal appliqué la loi.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

La division générale n’a commis aucune erreur de droit

Contextuel factuel  

[9] La prestataire travaillait comme infirmière autorisée. Son employeur a mis en œuvre une politique en août 2021 exigeant la vaccination complète contre la COVID-19. Il a mis à jour la politique à deux reprises, en novembre et en décembre 2021. La politique exigeait que le personnel soit entièrement vacciné au plus tard le 7 février 2022.Note de bas de page 2

[10] La politique permettait initialement aux employés qui n’étaient pas vaccinés d’assister à une séance d’information et de passer des tests deux fois par semaine. Après la mise à jour, les employés étaient obligés d’être entièrement vaccinés, à moins d’avoir une exemption.Note de bas de page 3

[11] La politique prévoyait que des mesures disciplinaires (y compris le congédiement) seraient prises contre les employés qui ne s’y conformaient pas.Note de bas de page 4 La prestataire a demandé une exemption de la politique pour des raisons religieuses. Sa demande a été refusée. Elle ne s’est pas fait vacciner. La prestataire a été placée en congé sans solde pendant deux semaines, et ensuite on l’a congédiée.Note de bas de page 5

La décision de la division générale

[12] La division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination de l’employeur. Elle a ensuite analysé si ce motif était considéré comme une inconduite au sens de la loi.

[13] La division générale a résumé les principes juridiques pertinents aux questions d’inconduite en se fondant sur la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale.Note de bas de page 6 Elle a conclu que la Commission avait prouvé qu’il y avait eu inconduite. Elle a fondé cette conclusion sur les faits suivants :

  • La prestataire était au courant de la politique de vaccination.
  • Elle savait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne respectait pas la politique.
  • La prestataire a décidé de ne pas suivre la politique.
  • Cette décision était consciente, voulue et intentionnelle.
  • La prestataire était au courant des conséquences découlant du non-respect de la politique.Note de bas de page 7

[14] La division générale a pris en considération les arguments de la prestataire. Cette dernière a soutenu que son employeur avait refusé son exemption religieuse, ce qui contrevenait à la Charte des droits et libertés et à d’autres lois.Note de bas de page 8

[15] La division générale a conclu que la conduite de l’employeur n’est pas pertinente pour décider si l’employé a été congédié pour inconduite. La division générale a souligné que l’examen de ces arguments relève d’une autre instance et qu’elle devait concentrer son analyse sur la conduite de la prestataire.Note de bas de page 9

L’appel de la prestataire

[16] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit. Elle affirme qu’elle a été congédiée parce que son employeur a rejeté sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses. Elle soutient que c’était discriminatoire et constituait une violation de ses droits garantis par la Charte. Elle soutient également qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

[17] La prestataire affirme avoir présenté à son employeur une lettre de son pasteur indiquant qu’elle devrait être exemptée de la vaccination en raison de ses croyances religieuses sincères et fermes. L’employeur a injustement rejeté sa demande et a mis fin à son emploi pour inconduite.

[18] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas correctement tenu compte du fait que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard lorsqu’il a rejeté sa demande d’exemption religieuse. L’employeur et la Commission ont tous deux ignoré sa demande d’exemption religieuse.   

[19] La prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la politique de vaccination était devenue une condition de son emploi. Elle affirme que l’employeur a mis en place une nouvelle politique sans son consentement. Son contrat ne comportait aucune exigence de vaccination et le non-respect d’une nouvelle politique ne peut constituer une inconduite.

[20] La Commission soutient que la division générale n’a commis aucune erreur révisable. Elle affirme que le caractère raisonnable de la politique n’est pas pertinent pour décider si la conduite de la prestataire constitue une inconduite.

[21] La Commission affirme que la division générale a examiné l’argument de la prestataire concernant le rejet de sa demande d’exemption. Selon elle, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en concluant qu’une autre instance pourrait examiner les arguments de la prestataire et qu’il n’appartient pas au Tribunal de décider si ses droits ont été violés.

[22] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle ne pouvait pas tenir compte de la conduite de l’employeur. La division générale a discuté de l’argument de la prestataire selon lequel le rejet de sa demande d’exemption contrevenait à la Charte et à d’autres lois.Note de bas de page 10

[23] La division générale a conclu que la prestataire peut soulever ces arguments devant d’autres cours et tribunaux. Elle a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas pertinente parce que son analyse doit se concentrer sur la conduite de l’employé. La division générale a déclaré qu’elle ne tranchait pas la question de savoir si la prestataire avait d’autre recours en vertu d’autres lois et qu’elle limitait son analyse à la Loi sur l’assurance-emploi.

[24] La division générale n’a pas commis d’erreur dans cette décision. Une décision récente de la Cour fédérale a également confirmé ce que les autres décisions citées par la division générale ont déclaré au sujet du pouvoir du Tribunal de rendre des décisions sur la conduite de l’employeur.

[25] Dans l’arrêt Cecchetto c Canada (Procureur général), la Cour fédérale a examiné une décision de la division d’appel refusant la permission de faire appel.Note de bas de page 11 Cette affaire portait également sur une inconduite et un refus de se faire vacciner. Le prestataire a déclaré qu’il avait des raisons légitimes de refuser de se faire vacciner et il a remis en question la légalité de l’exigence vaccinale.

[26] La Cour a conclu que ces questions ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. Elle a confirmé que le Tribunal exerce un rôle restreint lorsqu’il décide pourquoi une partie prestataire a été congédiée et si le motif constitue une inconduite.

[27] La Cour a déclaré qu’il ne relève pas de la compétence du Tribunal de rendre des décisions sur le bien-fondé, la légitimité ou la légalité d’une politique. Cette décision, ainsi que les autres affaires sur lesquelles la division générale s’est appuyée, montrent clairement que la conduite de l’employeur qui a rejeté la demande d’exemption de la prestataire n’est pas pertinente lorsqu’on tranche la question de l’inconduite.

[28] La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a décidé qu’elle pouvait se concentrer uniquement sur la conduite de la prestataire. La prestataire avait peut-être une très bonne raison de ne pas se faire vacciner, mais elle était au courant de la politique et du fait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne s’y conformait pas.

[29] La division générale n’a pas non plus commis d’erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la politique était devenue une condition d’emploi de la prestataire. La division générale a souligné que l’employeur a la capacité de gérer les activités quotidiennes du milieu de travail. Elle a conclu que la politique de vaccination obligatoire est devenue une condition d’emploi une fois qu’elle a été adoptée par l’employeur.Note de bas de page 12

[30] Dans l’affaire Cecchetto, le prestataire a également soutenu que le refus de respecter une politique mise en place sans le consentement de l’employé ne constitue pas une inconduite. Son contrat de travail initial ne prévoyait aucune exigence de vaccination.

[31] La Cour a admis que l’employeur peut introduire une politique exigeant la vaccination même si elle ne faisait pas partie du contrat de travail initial. La Cour a conclu que la division générale avait raisonnablement conclu que le non-respect de la politique constituait une inconduite.

[32] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a conclu que l’employeur pouvait mettre en œuvre la politique et qu’elle était devenue une condition d’emploi de la prestataire.

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

[34] La division générale n’a pas commis d’erreur en omettant d’examiner si l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la prestataire ou violé ses droits. Cela ne relevait pas de sa compétence.

[35] La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la politique de vaccination était devenue une condition d’emploi de la prestataire une fois qu’elle avait été mise en œuvre par l’employeur.

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