Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1746

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (473925) datée du 19 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 14 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2021

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. L’employeur de la prestataire affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire. L’employeur affirme que la prestataire ne satisfaisait pas aux exigences d’une exemption fondée sur les droits de la personne.

[4] La prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. 

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] La prestataire affirme qu’elle n’est pas d’accord sur le fait que ses gestes constituent une inconduite. Elle a dit que sa demande d’exemption religieuse aurait dû être approuvée. Elle a dit que sa religion ne lui permet pas de recevoir un vaccin expérimental.

[7] La prestataire affirme qu’elle suit d’autres protocoles de sécurité, y compris le masquage, le lavage des mains et l’utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI). Elle affirme que lorsque ces protocoles sont suivis, la transmission de la COVID-19 est très faible. Elle dit que même les personnes vaccinées peuvent transmettre la COVID-19 et la contracter.

[8] La prestataire affirme qu’elle s’appuie sur d’autres lois, y compris la Charte canadienne des droits et libertés, et sur une autre affaire du Tribunal.Note de bas de page 2

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider de deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[11] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[12] La prestataire a remis au Tribunal une copie de la politique de vaccination de l’employeur contre la COVID-19. La politique est datée du 26 août 2021 et a été mise à jour le 18 novembre 2021. Elle précise que les employés doivent avoir reçu la première dose du vaccin au plus tard le 17 janvier 2022. Elle dit que la vaccination complète doit être effectuée au plus tard le 7 février 2022. La politique prévoit une exemption médicale. Elle permet aux employés qui ne sont pas entièrement vaccinés d’assister à une séance d’information sur la vaccination et de passer des tests deux fois par semaine. La politique prévoit que si on ne respecte pas ces directives des mesures disciplinaires seront prises, ce qui comprend le congédiement.Note de bas de page 3

[13] La politique de l’employeur a encore été mise à jour le 16 décembre 2021. La nouvelle version exige que tout le personnel soit entièrement vacciné.Note de bas de page 4

[14] La prestataire affirme avoir été informée de la nouvelle mise à jour qui a été apportée à la politique en décembre 2021 par son superviseur. En janvier 2022, alors qu’elle passait un test de dépistage, on lui a répété que la vaccination était obligatoire. Elle dit qu’elle n’avait plus le choix de faire des tests. Elle dit que la politique exige maintenant la vaccination obligatoire. Elle a affirmé que l’employeur n’accordait pas d’exemptions religieuses.

[15] La prestataire affirme qu’elle ne s’est pas fait vacciner. Elle a été placée en congé sans solde de deux semaines le 20 janvier 2022. Elle a ensuite été congédiée.

[16] L’employeur a communiqué avec la prestataire le 3 février 2022. Il lui a écrit qu’elle était congédiée pour un motif valable le jour même. L’employeur a noté qu’elle n’avait toujours pas reçu la première dose du vaccin.

[17] La prestataire affirme qu’elle n’a pas demandé d’exemption médicale. Elle dit qu’elle est allergique au vaccin contre la grippe. Son médecin de famille lui a dit de consulter un allergologue. L’allergologue lui a dit qu’elle pouvait se faire vacciner sous la supervision d’un médecin. Elle a dit qu’elle n’a pas fourni la déclaration de l’allergologue à son employeur. La prestataire a dit qu’elle n’a pas demandé d’exemption médicale.

[18] La prestataire affirme avoir demandé une exemption fondée sur des motifs religieux. Son chef religieux a écrit une lettre, datée du 15 janvier 2022, pour demander une exemption de la vaccination contre la COVID-19 et du dépistage. La prestataire a remis à son employeur la lettre de son chef religieux.Note de bas de page 5

[19] L’employeur a dit à la Commission que la politique comprend une exemption fondée sur les droits de la personne. L’employeur a affirmé que la prestataire ne répondait pas aux exigences d’une exemption fondée sur les droits de la personne.

[20] À la lumière de ces renseignements, je conclus qu’il n’est pas contesté que la prestataire a été congédiée de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[21] La raison du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelle.Note de bas de page 6 L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée.Note de bas de page 7 Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi.Note de bas de page 8

[23] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raison.Note de bas de page 9

[24] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.Note de bas de page 10

[25] La prestataire est une infirmière autorisée. Elle a travaillé pour l’employeur pendant plus de 6 ans. Elle a exercé divers rôles, y compris celui d’infirmière. Elle affirme avoir de bons antécédents professionnels et n’avoir aucun dossier disciplinaire. Elle dit avoir une bonne relation de travail avec ses collègues, les patients et les membres de leur famille.

[26] La prestataire a déclaré qu’elle savait qu’elle pourrait être congédiée si elle ne respectait pas la politique. Elle a dit aussi qu’elle connaît ses propres croyances religieuses, y compris le fait que sa religion ne lui permet pas de recevoir un vaccin expérimental.

[27] La prestataire a reçu une lettre mise à jour de son chef religieux, datée du 25 mars 2022. La nouvelle lettre indique que sa religion est contre tout vaccin contre la COVID-19. Elle a remis cette lettre à la Commission. Elle dit ne pas savoir si elle a remis cette lettre mise à jour à son employeur.

[28] La prestataire affirme que son employeur n’a pas répondu à ses questions concernant la sécurité du vaccin. La prestataire a posé un certain nombre de questions à son l’employeur dans une lettre datée du 19 janvier 2022. Elle a affirmé que l’employeur n’a pas répondu à sa lettre.

[29] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son exemption religieuse aurait dû être approuvée. Elle dit que sa religion ne lui permet pas de recevoir un vaccin expérimental.

[30] La prestataire affirme que le masquage, le lavage des mains et l’utilisation d’EPI constituent une stratégie supérieure à la vaccination. Elle dit qu’elle n’avait pas le droit de choisir cette option. Elle dit que même vaccinée, elle aurait pu transmettre la COVID-19 et la contracter.

[31] La prestataire affirme qu’elle s’appuie sur d’autres lois, y compris la Charte canadienne des droits et libertés, et sur une autre affaire du Tribunal.

[32] La prestataire affirme qu’elle se trouve dans une situation financière très difficile. Elle reçoit de l’aide sociale, mais l’argent ne couvre même pas son loyer. Elle a trois enfants et son mari est invalide.

[33] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire savait que le non-respect de l’exigence vaccinale mènerait au congédiement.

[34] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite étant donné ce qui suit : la preuve montre que la prestataire était au courant de la politique, elle savait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne respectait pas la politique et elle a choisi de ne pas suivre la politique. Je juge que son choix de ne pas suivre la politique était conscient, délibéré et intentionnel. La prestataire a déclaré qu’elle était au courant de la politique et des conséquences qui en découlaient.

[35] En ce qui concerne les arguments de la prestataire :

  1. a) L’employeur a rejeté l’exemption religieuse et a enfreint d’autres lois, y compris la Charte canadienne des droits et libertés. Je signale que la prestataire peut soulever ces arguments devant une autre instance. La conduite de l’employeur n’est pas un élément pertinent aux termes de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi. Mon analyse porte plutôt sur l’acte ou l’omission de la prestataire et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 11 Je n’ai pas à décider si la prestataire a d’autres recours en vertu d’une autre loi. Je peux seulement examiner si les gestes de la prestataire constituaient une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Toutefois, je signale que la prestataire a communiqué au Tribunal un courriel qu’elle a reçu de l’Association des infirmières et des infirmiers de l’Ontario. L’Association affirme avoir déposé des griefs auprès d’employeurs au nom de ses membres.Note de bas de page 12
  2. b) Autre décision du Tribunal de la sécurité sociale. La présente décision comporte des faits distincts qui la différencient des autres décisions. D’ailleurs, les autres décisions du Tribunal ne doivent pas suivre ma décision. Dans la décision du Tribunal évoquée par la prestataire, le prestataire n’a eu que deux jours pour se conformer à la politique de vaccination de son employeur. Le membre a soutenu que le prestataire n’avait pas eu assez de temps pour se conformer à la politique et qu’il n’aurait pas pu savoir qu’il serait congédié en raison de sa conduite. En l’espèce, je conclus que la prestataire a eu assez de temps pour se conformer à la politique. Elle a été avisée qu’elle serait congédiée si elle ne respectait pas la politique.
  3. c) Autres protocoles de sécurité. J’estime que l’employeur a le droit de gérer les activités quotidiennes du milieu de travail. Cela comprend l’élaboration et la mise à jour de politiques liées à la santé et à la sécurité au travail. Dès que l’employeur a mis en œuvre une politique de vaccination obligatoire, celle-ci est devenue une condition d’emploi.
  4. d) La situation financière de la prestataire. Je suis sensible à la situation financière de la prestataire et de sa famille. Cependant, je ne peux pas modifier la loi.Note de bas de page 13

Donc, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[36] À la lumière de mes conclusions précédentes, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[37] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[38] Cela signifie que l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.