Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1740

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (473354) datée du 1er juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 8 novembre 2022
Personne présente à l’audience : D. A.
Partie appelante
Date de la décision : Le 14 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2218

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire, D. A., travaillait comme magasinier principal et il a perdu son emploi. L’employeur du prestataire affirme qu’il a été congédié parce qu’il s’est opposé à sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner et une exemption ne lui a pas été accordée.

[4] Le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, mais il affirme que le non‑respect de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

Documents supplémentaires

[6] Le prestataire a déclaré à l’audience qu’il nous avait envoyé des documents par courriel la veille. J’ai constaté qu’ils n’avaient pas été téléversés avant l’audience. J’ai demandé au prestataire ce que contenaient les documents. Il a répondu qu’il y avait une décision d’arbitrage relatif aux relations de travail qui était semblable à son cas selon lui, des documents d’une compagnie aérienne qui autorisaient son exemption religieuse et un prix de son employeur qu’il a reçu environ six mois après son congédiement.

[7] En fait, les documents contenaient aussi des arguments que le prestataire n’a pas présentés à l’audience.

[8] La Commission n’avait pas d’autres arguments. Le courriel du prestataire est accepté et porte le numéro GD8 dans le dossier d’appel.

[9] À l’audience, le prestataire a lu des parties de sa demande d’exemption et de la réponse de son employeur. On a demandé au prestataire de déposer ces documents après l’audience, ce qu’il a fait. Cet échange de courriels est accepté et porte le numéro GD10 dans le dossier. Ce même document indiquait également qu’une lettre de licenciement se trouvait en pièce jointe, mais ce n’était pas le cas.

[10] Le prestataire a également déposé un document qui datait du 8 novembre 2022. Il s’agit d’une communication interne de l’employeur qui parle d’une annonce officielle au sujet du personnel qui a été congédié pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination. Il s’agit du document GD9. Toutefois, je juge que ce n’est pas pertinent, car je dois seulement décider si le prestataire est admissible aux prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[11] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[12] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. C’est le cas lorsque l’employeur vous a congédié ou suspenduNote de bas de page 2.

[13] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[14] J’admets que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire de son employeur. C’est la raison que l’employeur du prestataire a fournie à la Commission. Le prestataire convient qu’il a été congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. Selon le prestataire, le non-respect de la politique n’est pas une inconduite. Le prestataire ne croyait pas que son employeur mettrait réellement fin à leur relation d’emploi de 20 ans. Le prestataire estime que son employeur a fait de la discrimination en ne lui accordant pas une mesure d’adaptation religieuse. Le prestataire estime qu’il devrait avoir droit aux prestations.

La raison du congédiement est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[16] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment décider si le congédiement du prestataire constitue une inconduite au sens de la loi. La jurisprudence énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération quand on examine la question de l’inconduite.

[17] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[18] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et évaluer s’il s’agit d’une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[20] Je dois me concentrer seulement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je n’ai pas le pouvoir de décider si d’autres lois donnent des options différentes au prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptationNote de bas de page 9. Je peux examiner une seule chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la loi.

[21] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[22]  La Commission affirme que l’employeur avait une politique de vaccination. Elle affirme également que l’employeur a communiqué clairement au prestataire ses attentes au sujet de la vaccination. L’employeur a expliqué ses attentes au prestataire par courriel. Le prestataire savait donc ou aurait dû savoir quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique. La Commission affirme que le prestataire était au courant de la politique et qu’il y a eu inconduite parce qu’il connaissait l’existence de la politique de vaccination obligatoire et qu’il a choisi de ne pas se faire vacciner.

[23] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique de vaccination de l’employeur était injuste et allait à l’encontre de ses croyances religieuses. De plus, il n’y a pas eu d’inconduite selon le prestataire parce qu’il aurait pu exercer ses fonctions si l’employeur lui avait permis de se rendre au travail. Le prestataire estime également que son employeur a enfreint ses droits de la personne en lui refusant une exemption religieuse. Le prestataire affirme qu’il croit que la politique de l’employeur n’était pas raisonnable et qu’elle va à l’encontre de la convention collective.

[24] Le prestataire ne conteste pas que son employeur avait une politique de vaccination et qu’il le savait.

[25] L’employeur a présenté la politique de vaccination le 7 septembre 2021. Le 15 octobre 2021, il l’a mise à jour et a prolongé la date limite pour que les employés reçoivent deux doses d’un [traduction] « vaccin acceptable contre la COVID-19 au plus tard à la fin de la journée du 20 novembre 2021Note de bas de page 11 ». La politique comprend aussi un processus pour obtenir une mesure d’adaptation ou une exemption médicaleNote de bas de page 12.

[26] Le personnel a aussi reçu un avis de rappel par courriel le 17 novembre 2021Note de bas de page 13. Cet avis mentionnait qu’un incident de cybersécurité s’était produit et que toute demande de mesures d’adaptation ou preuve de vaccination envoyée par courriel du 29 octobre 2021 au 7 novembre 2021 devait être envoyée de nouveau.

[27] La politique prévoit qu’une personne qui omet de se faire vacciner au plus tard le 31 décembre 2021 perdra son emploiNote de bas de page 14. La politique précise que l’obligation de se faire vacciner ne s’applique pas aux personnes qui bénéficient d’une mesure d’adaptation approuvée au titre du Code des droits de la personne de l’Ontario ou d’une exemption médicaleNote de bas de page 15.

[28] Le prestataire affirme qu’il a choisi de ne pas se faire vacciner parce que c’était contraire à ses croyances religieuses.

[29] Le prestataire a déclaré qu’il a demandé une mesure d’adaptation le 29 octobre 2021, mais qu’il a dû l’envoyer encore le 8 novembre 2021 en raison d’un incident de cybersécuritéNote de bas de page 16. Le prestataire affirme que l’employeur a refusé de lui offrir une mesure d’adaptation en fonction de motifs religieux. Le prestataire m’a lu la lettre de refus qu’il a reçue par courriel le 12 novembre 2021Note de bas de page 17.

[30] Le prestataire ne croyait pas que son employeur le congédierait s’il n’était pas vacciné. Le prestataire a dit qu’après avoir reçu la lettre refusant de lui accorder une mesure d’adaptation, il n’a pas fait d’autres démarches auprès de son employeur. Il dit qu’il ne connaissait aucun moyen de contester le refus de l’employeur.

[31] Dans ses observations écrites, le prestataire reconnaît avoir lu la politique de son employeurNote de bas de page 18. Le prestataire affirme également qu’il croyait pouvoir obtenir une mesure d’adaptation en raison de ses croyances religieuses.

[32] Le prestataire pensait que son syndicat interviendrait pour remédier à la situation. Le prestataire ne croyait pas que l’employeur pouvait le mettre en congé sans solde parce que la convention collective ne le permettait pas. Le prestataire affirme aussi qu’il ne pensait pas que l’employeur le congédierait parce qu’il n’était pas vacciné. Pourtant, le prestataire affirme qu’il comprenait qu’il y avait une politique de vaccination obligatoire, qui prévoyait un congédiement si on ne la respectait pas.

[33] Le prestataire estime que l’employeur n’a pas le droit de lui refuser des mesures d’adaptation pour motif religieux. Le prestataire affirme qu’il existe d’autres politiques internes que l’employeur ne respecte pas. Le prestataire affirme que c’est la raison pour laquelle il ne pensait pas qu’on mettrait fin à son emploi.

Exemption médicale ou autre

[34] Le prestataire savait que, s’il ne se faisait pas vacciner, son employeur exigeait qu’il obtienne une exemption pour conserver son emploiNote de bas de page 19. Le prestataire a présenté une demande d’exemption fondée sur la religion à son employeurNote de bas de page 20. Le prestataire affirme que l’employeur a refusé sa demande par courrielNote de bas de page 21.

[35] Le prestataire a témoigné au sujet de ses croyances religieuses sincères sur la vaccination. J’admets que le prestataire refuse de se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances religieuses.

Éléments liés à l’inconduite?

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[37]  Personne ne conteste le fait que l’employeur avait une politique de vaccination. Le prestataire le savait. J’admets que le prestataire a choisi de faire passer ses croyances religieuses en premier. Je conclus que c’était le choix du prestataire de ne pas se faire vacciner. Par conséquent, ce choix était conscient, délibéré et intentionnel.

[38]  Le prestataire n’avait pas d’exemption religieuse ou médicale. Son employeur a clairement indiqué qu’un employé non vacciné qui n’avait pas eu d’exemption ferait l’objet de mesures disciplinaires, y compris la cessation d’emploiNote de bas de page 22.

[39] De plus, le fait qu’une compagnie aérienne a accepté l’exemption religieuse du prestataire ne m’engage à rienNote de bas de page 23. Encore une fois, je dois me concentrer seulement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je n’ai pas le pouvoir de décider si d’autres lois donnent des options différentes au prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptationNote de bas de page 24. Je peux examiner une seule chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la loi.

[40]  La politique de l’employeur exige que les personnes qui travaillent pour lui obtiennent une exemption ou se fassent vacciner. Le prestataire ne s’est pas fait vacciner et n’avait pas d’exemption. Il ne respectait donc pas la politique de son employeur. Par conséquent, il ne pouvait pas se rendre au travail pour s’acquitter de ses obligations envers son employeur. C’est ce qui constitue une inconduite.

[41]  Le prestataire a déclaré qu’il ne croyait pas perdre son emploi en ne se faisant pas vacciner. Pourtant, il ne conteste pas le fait que les communications de l’employeur indiquaient clairement que l’omission de se faire vacciner (ou d’obtenir une exemption) entraînerait un congédiement. Le prestataire a fait valoir que l’employeur ne respectait pas toujours ses propres politiques. Je le répète, la loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 25. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 26. Je conclus que le prestataire savait, ou aurait dû savoir, que son congédiement était une réelle possibilité. Ma conclusion est fondée sur les courriels non contestés que l’employeur a échangés avec le prestataireNote de bas de page 27. Le prestataire a aussi dit qu’il ne croyait pas que l’employeur pouvait le placer en congé sans solde. Une fois que le prestataire a été placé en congé sans solde, il aurait dû être clair que l’employeur appliquait sa politique. À tout le moins, à ce moment-là, le prestataire aurait dû savoir qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour ne pas avoir respecté la politique.

[42]  Étant donné qu’il ne s’est pas fait vacciner ou qu’il n’a pas obtenu une exemption, l’inconduite a entraîné la perte d’emploi du prestataire.

[43] Je conclus que la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il y avait une politique de vaccination obligatoire et qu’il n’a pas suivi la politique ni obtenu d’exemption. Le prestataire savait qu’en ne respectant pas la politique, il ne serait pas autorisé à travailler. Il ne pourrait donc plus s’acquitter de ses obligations envers son employeur. Le prestataire savait, ou aurait dû savoir, qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié pour cette raison.

[44] Le prestataire affirme que son employeur a enfreint la convention collective en mettant en œuvre une politique de façon unilatérale. C’est une question qu’il vaut mieux laisser à une commission ou à un tribunal du travail. La Cour suprême du Canada a rendu une décision sur la question de savoir si une politique de sécurité en milieu de travail est raisonnable et sur les éléments à prendre en compte pour étudier cette questionNote de bas de page 28. Toutefois, il s’agissait d’un arbitrage en matière de travail. Je ne suis pas arbitre pour une commission du travail et le prestataire devrait présenter ses arguments au sujet de la convention collective et d’une transgression potentielle à un autre organisme. De plus, je ne suis pas liée par la décision arbitrale en matière de travail que le prestataire a présentéeNote de bas de page 29.

Prestations d’assurance-emploi

[45] Le prestataire croit également qu’il devrait avoir droit à des prestations parce qu’il a cotisé à l’assurance-emploi pendant des années. L’assurance-emploi est un régime d’assurance et, comme pour les autres régimes d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour recevoir des prestations. Le régime d’assurance-emploi vise à aider les personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent sans emploi et incapables de trouver un autre emploi. J’estime que cela ne s’applique pas dans cette situationNote de bas de page 30.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[46] Selon mes conclusions précédentes, j’estime que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[47] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[48] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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