Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 552

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : M. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (507548) datée du 12 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 7 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3005

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension)Note de bas page 1. Par conséquent, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 2.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. L’employeur de l’appelante a déclaré qu’elle avait été suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Même si l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que son employeur l’a injustement suspendue parce qu’elle n’a pas voulu les défier, elle ne se sentait tout simplement pas à l’aise de se faire vacciner contre la COVID-19.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a décidé que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la Commission a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

La Charte des droits et libertés

[6] Dans son avis d’appel, l’appelante fait référence à la Charte des droits et libertésNote de bas page 3.

[7] Je remarque que le Tribunal ne peut examiner aucun argument lié à la Charte à moins qu’il ne se concentre spécifiquement sur la façon dont la loi sur l’assurance-emploi (la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi) viole la Charte. À l’audience, je l’ai dit à l’appelante et je lui ai demandé si elle voulait présenter un argument fondé sur la Charte que le Tribunal pourrait prendre en considération. Elle a répondu que non.

[8] Je note que l’appelante a quand même fait référence à la Charte (en disant que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur viole ses droits garantis par la Charte), mais elle l’a fait en sachant que je ne peux pas tenir compte de cet argument ici pour la raison que je viens de mentionner.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas page 4.

[11] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[12] Je conclus que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[13] L’appelante et la Commission s’entendent sur la raison de la suspension de l’appelante. Celle-ci affirme que son employeur l’a suspendue parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas page 5. Son employeur affirme également que c’est la raison pour laquelle il l’a suspendueNote de bas page 6.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[14] La raison de la suspension de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et tribunaux) nous montre comment établir si la suspension de l’appelante constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 7. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 8. Pour qu’il y ait une inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de malNote de bas page 9).

[17] Il y a une inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 10.

[18] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 11.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 12. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 13.

[20] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si elle a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables pour l’appelanteNote de bas page 14 (lui offrir des mesures d’adaptation). Je peux seulement examiner une chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite parce que l’appelante connaissait la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, et elle savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne la respectait pas, mais elle a choisi de ne pas la suivre malgré toutNote de bas page 15.

[22] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle n’avait pas l’intention de faire quelque chose de mal et que son employeur l’a injustement suspendue parce qu’elle ne s’est pas fait vaccinerNote de bas page 16.

[23] L’appelante a déclaré ce qui suit à la Commission :

  • Elle connaissait la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas page 17.
  • Les membres du personnel ont été informés en septembre 2021 à un moment donné lors d’une assemblée municipale et sur le site Web de l’employeurNote de bas page 18.
  • La politique exigeait que les membres du personnel reçoivent leur première dose de vaccin au plus tard le 15 octobre 2021Note de bas page 19.
  • Elle savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne respectait pas la politiqueNote de bas page 20.
  • Elle n’a pas demandé d’exemption parce qu’elle n’a pas pu en obtenir une. Elle a des problèmes de santé et a parlé à son médecin, mais celui-ci lui a dit qu’elle n’était pas admissible à une exemptionNote de bas page 21.
  • Elle avait des préoccupations au sujet de la vaccination contre la COVID-19 parce qu’elle estime que l’on ne connaît pas assez ses effets secondaires potentielsNote de bas page 22.
  • Elle voulait avoir plus d’information sur le vaccin avant de décider de le recevoir.
  • Elle n’avait pas l’intention de défier son employeur. Elle ne voulait tout simplement pas se faire vacciner contre une maladie qu’elle ne connaissait pas assez.
  • Son employeur ne lui a pas offert d’autres mesures d’adaptation, à part suivre sa politique ou obtenir une exemption.

[24] L’employeur de l’appelante a déclaré ce qui suit à la CommissionNote de bas page 23 :

  • L’appelante a été embauchée sur une base contractuelle jusqu’en mai 2022.
  • À l’expiration de son contrat, elle était toujours en congé sans solde parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[25] La politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur de l’appelante, datée du 19 août 2021 et du 2 septembre 2021, prévoit ce qui suit :

  • On s’attend à ce que tous les membres du personnel soient entièrement vaccinés d’ici le 15 octobre 2021, à l’exception des personnes qui bénéficient d’une exemption médicale ou d’une exemption relative aux droits de la personne approuvéeNote de bas page 24.
  • Les membres du personnel qui ne sont pas entièrement vaccinés au plus tard le 15 octobre 2021 seront placés en congé sans soldeNote de bas page 25.
  • La politique s’applique à tous les membres du personnel, peu importe l’endroit où ils travaillentNote de bas page 26.

[26] Je compatis avec l’appelante, mais je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite pour les raisons qui suivent.

[27] J’estime que l’appelante a posé les gestes qui ont mené à sa suspension, car elle savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et ce qu’elle devait faire pour la suivre.

[28] J’estime également que les gestes de l’appelante étaient intentionnels, car elle a pris la décision consciente de ne pas suivre la politique de son employeur.

[29] Il y a des preuves manifestes que l’appelante était au courant de la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle était au courant, comme je l’ai mentionné plus haut.

[30] Il y a aussi des éléments de preuve clairs montrant que l’appelante a choisi de ne pas suivre la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle ne s’était pas fait vacciner avant la date limite que son employeur lui avait donnée et qu’elle n’avait pas non plus demandé d’exemption à la politique, comme il a été mentionné plus haut.

[31] Je reconnais que l’appelante a des préoccupations au sujet de l’obtention du vaccin contre la COVID-19 et qu’elle estime que son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation spéciales au lieu de lui demander de suivre sa politique (en se faisant vacciner ou en obtenant une exemption approuvée).

[32] Malheureusement, je juge que cet argument n’est pas pertinent dans la présente affaire. Comme je l’ai mentionné plus haut, je dois axer mon analyse de l’inconduite sur la conduite de l’employée ou l’employé, et non sur celle de l’employeur. Cela signifie que je dois me concentrer sur les actions de l’appelante qui ont mené à sa suspension et sur la question de savoir si elle savait que ses actions pouvaient mener à sa suspension. Si l’appelante souhaite poursuivre cet argument, elle devra le faire auprès d’une autre instance.

[33] Je reconnais également que l’appelante estime qu’elle n’a pas intentionnellement défié son employeur et qu’elle voulait simplement avoir plus de temps pour décider si elle se ferait vacciner contre la COVID-19.

[34] Malheureusement, je ne suis pas d’accord. L’appelante a le droit de choisir de se faire vacciner contre la COVID-19, mais cela ne change rien au fait que je dois axer mon analyse de l’inconduite sur la conduite de l’appelante, et non sur celle de l’employeur. Cela signifie que je dois examiner les actions de l’appelante qui ont mené à sa suspension. Lorsque je l’ai fait, j’ai conclu que la preuve montre que son employeur lui a demandé de se faire vacciner contre la COVID-19 dans un délai précis, mais qu’elle ne l’a pas fait.

[35] Autrement dit, même si je reconnais les préoccupations de l’appelante au sujet de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur, je juge que la preuve démontre clairement qu’elle a pris la décision consciente de ne pas la suivre. Elle ne s’est pas fait vacciner comme l’exigeait la politique, ce qui démontre que ses gestes étaient intentionnels.

[36] Je conclus également que l’appelante savait ou aurait dû savoir que le non‑respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur pouvait entraîner sa suspension.

[37] Il y a une preuve claire que l’appelante savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne respectait pas la politique. Elle a dit qu’elle le savait, comme je l’ai mentionné plus haut.

[38] Il y a aussi des éléments de preuve clairs montrant que l’employeur de l’appelante lui a dit à plusieurs reprises qu’elle pouvait être suspendue si elle ne respectait pas sa politique. Voici la preuve :

  • Un courriel à l’appelante, daté du 2 septembre 2021. On y précise que son dossier révèle que ses documents de vaccination contre la COVID-19 sont incomplets. On y dit également que les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés au plus tard le 15 octobre 2021, sinon ils seront placés en congé sans soldeNote de bas page 27.
  • Un courriel à l’appelante, daté du 9 septembre 2021. On y affirme que son dossier révèle qu’elle n’a pas commencé à recevoir sa série de vaccins contre la COVID-19. On réitère également la date limite de la politique et les conséquences pour les personnes qui ne la respectent pasNote de bas page 28.
  • Un courriel à l’appelante, daté du 16 septembre 2021. On y précise qu’elle doit recevoir sa première dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 17 septembre 2021 ou le 24 septembre 2021 afin d’éviter d’être mise en congé sans solde après le 15 octobre 2021Note de bas page 29.
  • Un courriel à l’appelante, daté du 23 septembre 2021. On y précise que si elle ne reçoit pas sa première dose de vaccin au plus tard le 24 septembre 2021, elle sera mise en congé sans solde à compter du 16 octobre 2021Note de bas page 30.
  • Un courriel à l’appelante, daté du 30 septembre 2021. On y précise que si elle n’a pas encore reçu sa première dose, elle sera mise en congé sans solde à compter du 16 octobre 2021Note de bas page 31.
  • Un courriel à l’appelante, daté du 4 octobre 2021. On y affirme que son dossier révèle qu’elle n’a pas suivi la politique, et que s’il n’y a aucun changement d’ici le 15 octobre 2021, elle sera mise en congé sans solde le lendemainNote de bas page 32.

[39] Par conséquent, je conclus que la conduite de l’appelante constitue une inconduite au sens de la loi puisqu’elle a adopté la conduite qui a mené à sa suspension (elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur), que ses gestes étaient intentionnels et qu’elle savait ou aurait dû savoir que ceux-ci mèneraient à sa suspension.

L’appelante a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[40] Selon mes conclusions précédentes, je juge que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[41] En effet, les actions de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se conformer à la directive obligatoire de son employeur sur la COVID-19 était susceptible d’entraîner sa suspension.

Conclusion

[42] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[43] Ainsi, l’appel est rejeté.

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