Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 484

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : C. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 7 février 2023 (GE-22-2877)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-224

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Décision

[1]   La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2]   Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3]   La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4]   La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après qu’il a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption religieuse. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a donc conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5]   Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient qu’il s’acquittait de ses tâches sans problème et sans risque pour personne. Il affirme également qu’il a effectué ses tâches depuis son embauche en mai 2006 et qu’il a continué de le faire jusqu’à maintenant. Le prestataire prétend que la division générale a appliqué la mauvaise jurisprudence et qu’il n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite.

[6]   Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale pourrait avoir commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7]   Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8]   Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9]   L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient qu’il s’acquittait de ses tâches sans problème et sans risque pour personne. Il soutient qu’il a effectué ses tâches depuis son embauche en mai 2006 et qu’il a continué de le faire jusqu’à maintenant. Le prestataire prétend que la division générale a appliqué la mauvaise jurisprudence et qu’il n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. On ne lui a pas accordé d’exemption pour des raisons religieuses. Il avait été informé de la politique de l’employeur et il avait eu le temps de s’y conformer. Le refus du prestataire était intentionnel, et donc délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de l’Agence de la santé publique du Canada pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de tous les membres du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[21] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Il soutient qu’il accomplissait ses fonctions sans problème et sans risque pour personne lorsqu’il a été suspendu par son employeur.

[22] Le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation au prestataire en lui accordant une exemption religieuse, ou si la politique de l’employeur violait ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’endroit approprié où le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 4.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire a senti qu’il était victime en raison de son choix médical personnel. Il a déclaré qu’il a le droit d’être maître de sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 5.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur, et il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré qu’il y a d’autres moyens qui permettraient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement au sein du système juridique.

[26] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance. Elle a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[27] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[28] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[29] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[30] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[31] Le prestataire soutient que l’employeur l’a rappelé au travail et qu’il a continué d’exercer ses fonctions jusqu’à maintenant. Cependant, ce fait ne change pas la nature de l’inconduite qui a d’abord mené à la suspension du prestataireNote de bas de page 8.

[32] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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