Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 548

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (510530) datée du 3 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jillian Evans
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2743

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] M. T. travaillait comme chauffeur pour une compagnie de transport. Son employeur affirme qu’il a été mis en congé sans solde parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de la compagnie : il n’a pas confirmé avoir reçu les vaccins contre la COVID-19 approuvés avant la date limite du 20 décembre 2021 imposée par la politique.

[4] Lorsqu’il n’a pas satisfait aux exigences de la politique, son employeur a déclaré à l’appelant qu’il n’était pas admissible au travail. Elle l’a mis en congé sans solde à compter du 21 décembre 2021 et a émis un relevé d’emploi indiquant qu’il était en congé pour une période indéterminée. 

[5] L’appelant a demandé des prestations régulières le 17 janvier 2022.

[6] La Commission a d’abord rejeté la demande de l’appelant pour deux motifs :

  1. a. il avait choisi de prendre volontairement un congé sans justification;
  2. b. il a volontairement fait en sorte de ne pas pouvoir effectuer son travailNote de bas de page 2.

[7] M. T. a contesté que sa cessation d’emploi avait été volontaire de quelque façon que ce soit. Il a indiqué qu’il était prêt et disposé à travailler, mais que son employeur refusait de lui permettre de revenir. Il a demandé la révision de son dossier.

[8] Après sa révision, la Commission a examiné les échanges entre l’employeur et l’appelant et elle était d’accord avec l’appelant pour dire que son congé était bel et bien involontaire. Il n’a pas quitté volontairement son emploi. Il voulait continuer à travailler là-bas.

[9] Dans sa décision découlant d’une révision, la Commission a révisé le fondement de son refus. Comme l’appelant a été suspendu pour avoir refusé de se conformer à la politique de vaccination de son employeur, la Commission a établi qu’il avait été suspendu de son emploi pour inconduite.

[10] Les personnes qui sont suspendues de leur emploi en raison d’une inconduite n’ont pas droit aux prestations pendant la durée de leur suspension. La Commission a donc rejeté la demande de prestations du prestataire.

[11] L’appelant convient qu’il a été suspendu de son emploi, mais il n’est pas d’accord qu’il a commis une inconduite. Il affirme que la Commission a eu tort de conclure que sa décision de ne pas fournir ses renseignements médicaux personnels à son employeur était une inconduite. Il affirme que la politique de l’employeur n’est pas appuyée par des preuves scientifiques, et qu’il n’y a aucune preuve que le fait d’exiger que les membres du personnel soient vaccinés empêche de quelque façon que ce soit la transmission du virus.

[12] Il ajoute qu’en exigeant qu’il divulgue ce genre de renseignements, son employeur violait sa convention collective.

[13] La suspension de l’appelant a pris fin en août 2022 lorsqu’il a respecté les exigences de vaccination de son employeur. Il est retourné au travail.

[14] L’appelant affirme qu’il devrait avoir droit à des prestations pour la période pendant laquelle son employeur l’a forcé à s’absenter du travail sans salaire, car ce n’était pas de sa faute, et il était prêt et disposé à travailler pendant toute cette période.

Question en litige

[15]   L’appelant a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[16] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas de page 3.

[17] Pour décider si M. T. a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison il a été suspendu. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été placé en congé involontaire?

[18] L’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[19] La Commission a obtenu une copie de la politique de l’employeur. Au moment de sa première publication, elle exigeait ce qui suit :

  1. a. Tous les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés au plus tard le 29 novembre 2021.
  2. b. Tous les membres du personnel doivent fournir une preuve de leur statut de personne entièrement vaccinée dans le même délaiNote de bas de page 4.

[20] La politique prévoyait également que les membres du personnel qui ne répondaient pas à ces exigences ne seraient plus admissibles au travail et ne seraient pas payés.

[21] Par la suite, l’employeur a reporté la date limite au 20 décembre 2021.

[22] Dans une lettre datée du 21 décembre 2021 que la Commission a obtenue de l’employeur, l’appelant a été informé par écrit que, comme il n’avait pas fourni de preuve indiquant qu’il était entièrement vacciné, il ne pouvait pas continuer à travailler.

[23] La lettre informait également l’appelant que tant que cette exigence ne serait pas respectée [traduction] « il cesserait d’avoir accès au lieu de travail, au réseau, aux systèmes et au service de courriel ».

[24] L’appelant affirme qu’il était apte à travailler à compter du 21 décembre 2021, mais il convient qu’en raison de la politique, il n’était pas capable de travailler. Il a choisi de ne pas répondre aux exigences de la politique et, par conséquent, il n’était pas physiquement en mesure d’accomplir les tâches de son emploi.

[25] Je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de son employeur.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[26] L’appelant a été suspendu pour inconduite.

[27] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si les actions de l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Celle-ci établit le critère juridique relatif à l’inconduite. Dans certaines circonstances, par exemple, le terme « inconduite » désigne la violation d’une règle d’emploi par l’employée ou l’employé.

[28] Lorsque la Commission est d’avis qu’une partie prestataire qui demande des prestations a commis une inconduite, c’est à elle qu’incombe le fardeau de le prouver. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités.

[29] Dans le cas de M. T., cela signifie que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.

[30] Selon la jurisprudence, pour être considéré comme une inconduite, le comportement de l’appelant doit être délibéré. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7.

[31] Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable. M. T. n’a pas à avoir eu l’intention de faire quelque chose d’illégal, de dangereux ou de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 8.

[32] La Commission affirme que l’appelant connaissait la politique obligatoire, qu’il savait qu’elle l’obligeait à fournir son statut vaccinal à son employeur, et qu’il a fait un choix délibéré et clair de ne pas se conformer aux exigences. La Commission estime que cette conduite était délibérée et intentionnelle.

[33] L’appelant convient qu’il a été informé de la politique au moins en novembre 2021 et qu’il devait envoyer son certificat de vaccination par courriel à son employeur au plus tard à une certaine date.

[34] À l’audience, il a décrit une conversation téléphonique qu’il avait eue avec son superviseur dans les jours précédant la date limite. Au cours de cet appel, l’appelant a informé son superviseur qu’il ne fournirait pas les renseignements médicaux demandés et son superviseur lui a dit qu’il ne serait pas autorisé à travailler s’il ne le faisait pas.

[35] Je considère que la décision de l’appelant de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur était intentionnelle.

[36] La jurisprudence prévoit également que pour qu’un comportement constitue une inconduite, la partie appelante doit avoir su ou aurait raisonnablement dû comprendre que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raisonNote de bas de page 9.

[37] L’appelant affirme que le refus de se conformer à la politique de l’employeur n’allait pas nuire à sa capacité d’effectuer son travail. Il a présenté des documents à la Commission et au Tribunal qui, selon lui, démontrent que les vaccins n’empêchent pas la transmission de la COVID-19.

[38] L’appelant fait valoir qu’il aurait pu continuer à effectuer ses tâches de façon sécuritaire, compétente et efficace sans respecter la politique de vaccination. Il affirme que la politique n’avait pas l’effet escompté (réduire la transmission et protéger la santé et la sécurité des communautés qu’ils servaient) et que son refus de s’y conformer n’est donc pas une inconduite.

[39] Je peux uniquement trancher les questions au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer sur l’efficacité du vaccin ou sur les questions de preuve scientifique. Aussi, ce n’est pas à moi de décider si l’employeur de M. T. aurait dû prendre des mesures d’adaptation raisonnables pour lui permettre de continuer à travailler sans fournir de certificat de vaccination. La Cour fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si la politique de l’employeur était équitable ou si le congédiement d’une employée ou d’un employé au titre de cette politique était justifié ou raisonnableNote de bas de page 10.

[40] Le Tribunal doit se concentrer sur le comportement et les actions de l’appelant, et non sur la conduite de l’employeurNote de bas de page 11. Je peux seulement examiner une chose : si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[41] J’ai conclu que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

Autres questions

[42] L’appelant soutient également que la politique contrevient à sa convention collective. C’est pourquoi, soutient-il, la politique elle-même était illégale et donc le refus de la suivre ne peut pas constituer une inconduite.

[43] Comme je l’ai mentionné plus haut, je peux seulement décider s’il y a eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas interpréter une convention collective ni décider si un employeur a enfreint une convention collectiveNote de bas de page 12. Le pouvoir juridique des membres du Tribunal ne comprend pas l’interprétation et l’application d’une convention collective. Les tribunaux ont clairement dit que les parties prestataires ont d’autres moyens juridiques de contester la légalité de ce que l’employeur a fait ou omis de faire. Par exemple, lorsqu’une employée ou un employé avec une convention collective croit que son employeur a enfreint celle-ci, elle ou il peut déposer un grief (ou demander à son syndicat de déposer un grief) au titre de cette convention. Encore une fois, le Tribunal doit se concentrer sur le comportement et les actions de l’appelant, et non sur la conduite de l’employeurNote de bas de page 13.

Conclusion

[44] L’appelant savait ce qu’il devait faire au titre de la politique de vaccination, et ce qui se passerait s’il ne la respectait pas. Mais il a décidé de ne pas le suivre.

[45] Les actions de M. T. ont mené à sa suspension. Il a agi délibérément.

[46] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

[47] Ainsi, l’appel est rejeté.

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