Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : VT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 491

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : V. T.
Représentante ou représentant : M. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 30 janvier 2023 (GE-22-2372)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-215

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, la prestataire a fait appel devant la division générale.

[4] La division générale a jugé que la prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a estimé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. La prestataire soutient qu’elle n’a pas demandé les services d’une traductrice ou d’un traducteur, mais ceux d’une représentante ou d’un représentant. Elle fait valoir qu’on l’a empêchée de présenter ses arguments parce que la division générale l’a interrogée sur ses compétences en anglais et son niveau d’instruction, créant ainsi un environnement intimidant. La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle a déposé un grief parce que la politique de vaccination contre la COVID-19 a été imposée unilatéralement par son employeur. Elle soutient que la division générale n’a pas tenu compte de sa lettre d’exemption pour motif religieux et de ses croyances.Elle dit qu’elle était disponible pour travailler parce qu’elle a commencé à chercher un emploi immédiatement après avoir été congédiée et qu’elle a continué à chercher un emploi convenable jusqu’à ce qu’elle en trouve un.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse d’accorder la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient qu’elle n’a pas demandé les services d’une traductrice ou d’un traducteur, mais ceux d’une représentante ou d’un représentant. Elle fait valoir qu’on l’a empêchée de présenter ses arguments parce que la division générale l’a interrogée sur ses compétences en anglais et son niveau d’instruction, créant ainsi un environnement intimidant. La prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle a déposé un grief parce que la politique de vaccination contre la COVID-19 a été imposée unilatéralement par son employeur. Elle soutient que la division générale n’a pas tenu compte de sa lettre d’exemption pour motif religieux et de ses croyances. Elle dit qu’elle était disponible pour travailler parce qu’elle a commencé à chercher un emploi immédiatement après avoir été congédiée et qu’elle a continué à chercher un emploi convenable jusqu’à ce qu’elle en trouve un.

Inconduite

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne employée a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiementNote de bas page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. La prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. C’était la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[17] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas page 3.

[19] Le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail n’est pas contesté. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi l’ordonnance de l’administratrice de la santé provinciale pour mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de l’ensemble du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiée.

[20] La prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur la question de savoir si l’employeur aurait dû tenir compte de ses croyances religieuses et s’il a enfreint son contrat de travail et sa convention collective.

[21] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire en lui accordant une exemption pour motif religieux, si la politique de l’employeur violait ses droits en matière d’emploi ou si la politique violait ses droits humains et constitutionnels, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demandeNote de bas page 4.

[22] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[23] Le prestataire a déclaré que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a dit qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés au regard du droit canadien et du droit internationalNote de bas page 5.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, conformément à la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 6. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons de faire progresser les demandes du prestataire dans le cadre du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur allait à l’encontre de ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi sur les droits de la personne de l’Alberta]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’une partie prestataire a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement.

[27] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[28] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[29] La preuve prépondérante présentée à la division générale révèle que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur, qui a été mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[30] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 7.

[31] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance si l’existence d’une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

Disponibilité

[32] La prestataire soutient qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi parce qu’elle a commencé à chercher un emploi immédiatement après avoir été congédiée et qu’elle a continué à chercher un emploi convenable jusqu’à ce qu’elle en trouve un.

[33] La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas commencé à chercher un autre emploi dès qu’elle avait été congédiée. À la lumière des déclarations initiales que la prestataire a faites à la Commission le 1er mars 2022 et le 4 mai 2022, la division générale a conclu qu’elle avait commencé à chercher un autre emploi le 4 mai 2022, après sa dernière conversation avec la Commission.

[34] Je note que le 1er mars 2022, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait postulé à aucun emploi depuis son congédiementNote de bas page 8. Le 4 mai 2022, la prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas cherché d’emploi dernièrement parce qu’elle n’était pas vaccinée et que personne ne l’embaucheraitNote de bas page 9.

[35] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a conclu, d’après la preuve, que la prestataire n’était pas disponible du 15 novembre 2021 au 3 mai 2022.

Justice naturelle

[36] La prestataire soutient que dans ses documents d’appel, elle n’a pas demandé à la division générale de trouver une ou un interprète, mais plutôt une représentante ou un représentant.

[37] La division générale n’avait pas l’obligation de fournir une représentante ou un représentant à la prestataireNote de bas page 10. Bien que l’accès aux services juridiques soit fondamentalement important dans toute société libre et démocratique, le texte de la Constitution, la jurisprudence et la compréhension historique de la primauté du droit ne permettent pas de conclure qu’il existe un droit constitutionnel général à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat dans les procédures devant les cours et tribunaux traitant des droits et obligationsNote de bas page 11.

[38] La prestataire soutient que la membre de la division générale l’a interrogée sur ses compétences en anglais et son niveau d’instruction, ce qui a créé un environnement intimidant et l’a empêchée de présenter pleinement ses arguments.

[39] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. L’audience a duré plus de deux heures. La prestataire a eu amplement l’occasion de présenter ses arguments. La membre de la division générale a exercé son rôle de juge des faits en interrogeant la prestataire sur ses compétences en anglais et son niveau d’instruction pour savoir, entre autres choses, si elle comprenait les conséquences du non-respect de la politique.

[40] Je conclus que la division générale n’a pas manqué à la justice naturelle.

Décision

[41] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[42] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.