Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 518

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Rebekah Ferriss

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 7 novembre 2022 (GE-22-1360)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 mars 2023

Personnes présentes à l’audience :

Appelant
Représentante de l’intimée

Date de la décision : Le 25 avril 2023
Numéro de dossier : AD-22-832

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur révisable.

Aperçu

[2] L’appelant, S. S. (prestataire), était gardien de sécurité. Son employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Le prestataire a demandé une exemption médicale, que l’employeur a refusée. Le prestataire a été mis en congé sans solde puis congédié en raison du non-respect de la politique.

[3] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations puisqu’il avait été suspendu puis congédié en raison de sa propre inconduite.

[4] Le prestataire a porté en appel la décision de la Commission devant la division générale du Tribunal. La division générale a décidé que la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il ne pouvait donc pas recevoir de prestations.

[5] Le prestataire fait maintenant appel de la décision de la division générale. Il soutient qu’elle a commis plusieurs erreurs.

[6] Je rejette l’appel du prestataire. La division générale n’a commis aucune erreur révisable dans sa décision. Le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher :

  1. a) La division générale a-t-elle manqué à l’équité procédurale?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en décidant de ne pas examiner les arguments du prestataire sur la Déclaration canadienne des droits?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence en appuyant les conclusions de la Commission?
  4. d) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des erreurs de fait?

Analyse

[8] Je peux intervenir seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si elle a fait au moins une des choses suivantesNote de bas de page 1 :

  • omettre d’offrir une procédure équitable;
  • omettre de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou décider d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • mal interpréter ou mal appliquer la loi;
  • fonder sa décision sur une erreur de fait importante.

La division générale n’a commis aucune erreur révisable

[9] La division générale devait établir la raison pour laquelle le prestataire avait arrêté de travailler et décider si cette raison constituait une inconduite selon la loi.

[10] La division générale a établi que le prestataire avait été mis en congé sans solde le 16 octobre 2021, puis congédié le 9 décembre 2021 parce qu’il n’avait pas respecté la politique vaccinale de son employeurNote de bas de page 2. La division générale a conclu que ce motif de suspension et de congédiement constituait bel et bien une inconduiteNote de bas de page 3.

[11] La division générale a résumé les principes juridiques pertinents de la jurisprudenceNote de bas de page 4. Elle a tenu compte de la politique de l’employeur, qui disait que le personnel avait jusqu’au 15 octobre 2021 pour fournir une preuve de vaccinationNote de bas de page 5.

[12] Il y avait possibilité de demander une exemption pour des raisons médicales ou liées aux droits de la personne. La politique présentait les exigences relatives aux exemptions médicales. Elle précisait aussi que toute personne qui ne fournissait pas de preuve de vaccination ou qui n’obtenait pas d’exemption pouvait être congédiée pour inconduite et insubordination délibéréesNote de bas de page 6.

[13] La division générale a mentionné que le prestataire avait reçu une copie de la politique et qu’il l’avait consultéeNote de bas de page 7. La division générale a établi que le prestataire n’était pas exemptéNote de bas de page 8. Il s’était fié à un billet médical de son médecin. Son employeur lui avait demandé de faire remplir un formulaire d’exemption médicale spécifique par son fournisseur de soins de santé, mais il ne l’a pas fait. La division générale a conclu que la demande d’exemption du prestataire n’a pas été approuvée par l’employeurNote de bas de page 9.

[14] La division générale a estimé que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il serait suspendu et congédié s’il ne respectait pas la politiqueNote de bas de page 10. Par conséquent, la division générale a décidé que la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu, puis qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

La division générale a respecté l’équité procédurale

[15] Le prestataire affirme que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale parce que ses témoins n’ont pas prêté serment. Je considère que le fait de ne pas assermenter les témoins du prestataire ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale.

[16] Les règles sur la preuve sont moins strictes au Tribunal que dans les cours. Les témoins de l’appelant ont pu s’exprimer et fournir des éléments de preuve. Rien ne prouve que la division générale a accordé moins d’importance au témoignage parce que les témoins n’avaient pas prêté serment. La division générale a fait référence au témoignage des témoins sans laisser à croire qu’elle ne le prenait pas au sérieux en raison de l’absence de sermentNote de bas de page 11.

La division générale n’a commis aucune erreur en omettant de se pencher sur la Déclaration canadienne des droits

[17] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé de ne pas examiner les arguments qu’il a présentés au sujet de la Déclaration canadienne des droitsNote de bas de page 12. Il dit que les articles 1(a) et 1(b) protègent ses droits. Il fait référence à des observations qu’il a présentées à la division générale et qui, selon lui, n’ont pas été examinées correctementNote de bas de page 13.

[18] La division générale n’a pas explicitement traité de ce sujet dans sa décision. Elle a reconnu que le prestataire avait présenté d’autres arguments concernant le fait que son employeur ne lui ait pas accordé de mesure d’adaptation, qu’il le harcelait et l’intimidait. Il a également soutenu qu’il avait été congédié de façon injustifiéeNote de bas de page 14.

[19] En réponse à ces arguments supplémentaires, la division générale a établi qu’elle ne pouvait pas décider si le congédiement ou la sanction imposée était justifié. Elle pouvait seulement décider si la conduite du prestataire constituait une inconduiteNote de bas de page 15. Elle a aussi mentionné que le prestataire pouvait faire valoir ces arguments devant un autre tribunal ou une courNote de bas de page 16.

[20] Dans les observations que le prestataire a présentées à la division générale au sujet de la Déclaration canadienne des droits, il a mis l’accent sur la conduite de son employeur, qui l’aurait harcelé et congédié illégalement. Il a aussi contesté le fait que la Commission n’ait pas examiné la politique de l’employeur et qu’elle classe les gens selon deux catégories, soit les vaccinés et non-vaccinésNote de bas de page 17.

[21] Dans sa décision, la division générale ne fait pas explicitement référence à la Déclaration canadienne des droits. Toutefois, elle reconnaît les arguments supplémentaires du prestataire concernant le traitement qu’il a reçu de son employeur, qui était le point central de ses observations. J’estime que la division générale a abordé ces questions adéquatement lorsqu’elle a conclu que la loi ne lui permettait pas de se prononcer sur la conduite de l’employeur.

[22] Une décision récente de la Cour fédérale a également confirmé que le Tribunal ne peut pas tenir compte de la conduite d’un employeurNote de bas de page 18. Dans cette affaire, la Cour a conclu qu’un employé qui avait décidé délibérément de ne pas suivre la politique vaccinale de son employeur avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Ce prestataire pouvait s’adresser à d’autres instances pour faire valoir ses revendications de congédiement injustifié ou de violation de droits de la personne.

[23] La division générale n’est pas tenue d’examiner tous les arguments d’une partie prestataire. Les motifs doivent simplement permettre de comprendre pourquoi le Tribunal a rendu sa décisionNote de bas de page 19. Je conclus que les motifs de la division générale montrent clairement pourquoi elle n’a pas abordé les arguments du prestataire concernant la conduite de l’employeur.

La division générale n’a commis aucune erreur de compétence

[24] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a appuyé les conclusions de la Commission sans examiner les faits. Il dit avoir fait tout ce que son employeur exigeait de façon respectueuse et en temps opportun. Il soutient qu’il ne s’agit pas d’une inconduite et que la division générale a seulement tranché une question dont elle connaissait déjà la réponse sans analyser les faits comme il faut.

[25] J’estime que cet argument ne montre pas qu’il y a eu erreur de compétence. La division générale devait trouver la raison pour laquelle le prestataire avait été suspendu puis congédié, et décider si cette raison était considérée comme une inconduite selon la loi. La division générale a répondu à ces deux questions dans sa décision.

[26] Le prestataire n’est pas d’accord avec les conclusions de la division générale parce qu’elles concordent avec celles de la Commission. La division générale a expliqué pourquoi elle a tiré ses conclusions en s’appuyant sur la preuve au dossier. La division générale n’a pas commis d’erreur de compétence et n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait lorsqu’elle a tiré ses conclusions.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait importante

[27] Le prestataire affirme qu’il n’a pas choisi de quitter son emploi sans solde ou d’être suspendu. Il s’attendait à ce que son employeur respecte ses droits fondamentaux. Il dit avoir fourni à son employeur un billet médical qui justifiait clairement une exemption.

[28] Le prestataire soutient que la politique prévoyait qu’une exemption serait accordée pour des raisons médicales et qu’il a fourni tous les renseignements nécessaires. Il est d’avis que l’exigence de la politique selon laquelle il lui fallait renoncer à la confidentialité enfreint la législation sur les droits de la personne et la protection de la vie privée.

[29] Je considère que la division générale a tenu compte des faits pertinents. Elle a cité la politique et précisé ce qui était exigé d’une personne qui demandait une exemption pour des raisons médicalesNote de bas de page 20. Le prestataire a confirmé qu’il n’a pas fait les démarches requises par la politique et que l’employeur ne lui a pas accordé d’exemptionNote de bas de page 21.

[30] La division générale a examiné le billet rédigé par le médecin du prestataire et y fait référence dans sa décision. La division générale a posé des questions au prestataire au sujet de ce billet. Elle a mentionné que la politique précise que la preuve médicale doit être jugée satisfaisante par l’employeur et que le billet du prestataire ne l’était pasNote de bas de page 22.

[31] La division générale ne s’est pas demandé si la politique violait la vie privée ou les droits de la personne. Comme je l’ai déjà mentionné, la division générale a établi que lorsqu’elle évalue s’il y a eu inconduite, elle peut seulement se pencher sur la conduite de la partie prestataire. Le Tribunal n’a pas compétence pour décider si la politique d’un employeur a porté atteinte aux droits d’une partie prestataire.

[32] La division générale a bien cité et appliqué la loi concernant l’inconduite. Elle a appuyé ses conclusions par des éléments de preuve et expliqué les motifs de sa décision. Elle n’a commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

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