Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 539

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (504911) datée du 26 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 13 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3007

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelante.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension)Note de bas de page 1. Par conséquent, l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[3] L’appelante a été suspendue de son emploi. Son employeur a déclaré l’avoir suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Bien que l’appelante ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que son employeur l’a injustement suspendue parce qu’elle n’était pas à l’aise de se faire vacciner contre la COVID-19. Elle ajoute que son employeur a modifié ses conditions d’emploi lorsqu’il a mis sa politique en place.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension fournie par l’employeur. Elle a conclu que l’appelante avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

La Charte des droits et libertés

[6] Dans son avis d’appel, l’appelante fait un renvoi à la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 3.

[7] Je signale que le Tribunal ne peut pas examiner des arguments liés à la Charte, à moins qu’ils portent spécifiquement sur la façon dont le droit relatif l’assurance-emploi (la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi) viole la Charte. À l’audience, je l’ai dit à l’appelante et lui ai demandé si elle voulait présenter un argument fondé sur la Charte que le Tribunal pourrait prendre en considération. Elle a dit que non.

[8] Je remarque que l’appelante a poursuivi en faisant un renvoi à la Charte (en disant que la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur viole les droits que la Charte lui reconnaît), mais elle l’a fait en sachant que je ne peux pas tenir compte de cet argument ici pour la raison indiquée ci-dessus.

Question en litige

[9] L’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 4.

[11] Pour décider si l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois déterminer pourquoi l’appelante a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi?

[12] J’estime que l’appelante a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur.

[13] L’appelante et la Commission s’entendent sur la raison de la suspension de l’appelante. Celle-ci affirme que son employeur l’a suspendue parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 5. Bien que son employeur n’ait jamais parlé à la Commission, je constate qu’il n’y a aucune preuve permettant de conclure qu’elle a été suspendue pour une autre raison.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite selon la loi?

[14] Selon la loi, la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite.

[15] La Loi sur lassurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si la suspension de l’appelante constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 8.

[17] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 9.

[18] La Commission doit prouver que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas de page 11. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 12.

[20] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si l’appelante a d’autres options aux termes d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si l’appelante a été suspendue à tort ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) pour elleNote de bas de page 13. Je peux examiner une seule chose : la question de savoir si ce que l’appelante a fait ou a omis de faire est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelante connaissait la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur et savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne la respectait pas; elle a cependant choisi de ne pas le faire malgré tout Note de bas de page 14 .

[22] L’appelante affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’il était injuste de la part de son employeur de la suspendre parce qu’elle ne s’était pas fait vacciner.

[23] L’appelante a fait les déclarations suivantes à la Commission :

  • Son employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 le 1er novembre 2021Note de bas de page 15.
  • Les superviseurs ont commencé à demander une preuve de statut vaccinal le 8 novembre 2021Note de bas de page 16.
  • Tous les membres du personnel devaient être entièrement vaccinés au plus tard le 22 novembre 2021Note de bas de page 17.
  • Elle savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne respectait pas la politiqueNote de bas de page 18.
  • Elle a discuté avec sa superviseure ou son superviseur après la mise en place de la politique. On lui a demandé si elle se ferait vacciner, en lui répétant la date limite et ce qui se passerait si elle ne respectait pas la politique.
  • Elle n’a pas divulgué son statut vaccinal à son employeurNote de bas de page 19.
  • Elle a fait le choix personnel de ne pas divulguer son statut vaccinal ou de ne pas se faire vacciner. Elle est préoccupée par le fait que les effets du vaccin contre la COVID-19 sur la santé ne sont pas suffisamment connus et c’est à elle de décider de ce qui entre dans son corpsNote de bas de page 20.
  • La politique de son employeur permettait des exemptions, mais elle n’en a pas fait la demande parce qu’elle n’était pas admissibleNote de bas de page 21.
  • Son employeur a modifié ses conditions d’emploi en mettant la politique en placeNote de bas de page 22.
  • Son employeur n’a pas offert d’autres mesures d’adaptation, à part le respect de la politique ou l’obtention d’une exemption.

[24] La politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de l’employeur de l’appelante prévoit ce qui suit :

  • Tous les membres du personnel doivent fournir une preuve de vaccination à compter du 8 novembre 2021Note de bas de page 23.
  • Les personnes qui ne fournissent pas de preuve de vaccination ou qui refusent de divulguer leur statut vaccinal au plus tard le 22 novembre 2021 seront considérées comme n’étant pas vaccinéesNote de bas de page 24.
  • Après le 22 novembre 2021, les personnes non vaccinées n’ayant pas d’exemption médicale ou religieuse approuvée seront mises en congé sans solde pendant trois moisNote de bas de page 25.
  • Après trois mois de congé sans solde, les membres du personnel qui ne sont pas au moins partiellement vaccinés peuvent être congédiésNote de bas de page 26.

[25] Je compatis avec l’appelante, mais je suis d’avis que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons ci-dessous.

[26] J’estime que l’appelante a commis les actes ayant mené à sa suspension, car elle savait que son employeur avait une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 et ce qu’elle devait faire pour la respecter.

[27] J’estime également que les actes de l’appelante étaient intentionnels, car elle a pris la décision consciente de ne pas respecter la politique de son employeur.

[28] Des preuves manifestes confirment que l’appelante était au courant de la politique de son employeur. Elle a dit qu’elle la connaissait, comme je l’ai mentionné plus haut.

[29] Il y a aussi des éléments de preuve clairs montrant que l’appelante a choisi de ne pas respecter la politique de son employeur. Elle a dit ne pas avoir divulgué son statut vaccinal ni s’être fait vacciner avant l’échéance donnée par son employeur; elle n’a pas non plus demandé une exemption à la politique, comme je l’ai mentionné plus haut.

[30] Je reconnais que l’appelante a des préoccupations concernant la vaccination contre la COVID-19 et qu’elle estime que son employeur aurait dû lui offrir des dispositions spéciales au lieu de lui demander de respecter sa politique (en se faisant vacciner ou en demandant qu’on lui accorde une exemption).

[31] Je reconnais également que l’appelante croit que son employeur a modifié ses conditions d’emploi lorsqu’il a mis sa politique en place.

[32] Malheureusement, je suis d’avis que ces arguments ne sont pas pertinents dans la présente affaire. Comme je l’ai mentionné plus haut, je dois axer mon analyse de l’inconduite sur la façon d’agir de la personne employée, et non sur celle de l’employeur. Cela signifie que je dois me concentrer sur les actes de l’appelante qui ont mené à sa suspension et sur la question de savoir si elle savait que ses actes pouvaient mener à sa suspension. Si l’appelante veut invoquer ces arguments, elle doit le faire par l’entremise d’une autre instance.

[33] Bien que je reconnaisse les préoccupations de l’appelante concernant la politique obligatoire de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, j’estime que la preuve démontre clairement qu’elle a pris la décision consciente de ne pas la respecter. Elle n’a pas divulgué son statut vaccinal et ne n’est pas fait vacciner comme l’exigeait la politique, ce qui démontre que ses actes étaient intentionnels.

[34] J’estime également que l’appelante savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur pouvait entraîner sa suspension de son emploi.

[35] Il est évident que l’appelante savait qu’elle pouvait être suspendue si elle ne respectait pas la politique. Elle a dit qu’elle le savait et qu’elle en avait discuté avec sa superviseure ou son superviseur, comme je l’ai mentionné plus haut.

[36] Je dois donc conclure que la façon d’agir de l’appelante constitue une inconduite au sens de la loi puisqu’elle a commis les actes ayant mené à sa suspension (elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeur). Ses actes étaient intentionnels et elle savait ou aurait dû savoir qu’ils allaient mener à sa suspension.

Somme toute, l’appelante a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[37] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[38] En effet, les actions de l’appelante ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait que le non-respect de la directive obligatoire de son employeur relativement à la COVID-19 était susceptible d’entraîner sa suspension.

[39] L’appelante affirme être admissible à l’assurance-emploi parce qu’elle verse des cotisations depuis plusieurs annéesNote de bas de page 27.

[40] Je comprends l’argument de l’appelante et je suis sensible à sa situation. Cependant, l’assurance-emploi n’est pas une prestation automatique. Comme pour tout autre régime d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour avoir droit aux prestations l’assurance-emploi. Dans la présente affaire, l’appelante ne remplit pas ces conditions puisqu’elle a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[41] La Commission a prouvé que l’appelante a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelante est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[42] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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