Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citation : DR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 809

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (491784) datée du 1 août 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Manon Sauvé
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 mars 2023
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 5 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-2863

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[3] Également, la Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[4] L’appelant travaille pour le gouvernement du Canada à titre de traducteur. Le 1er février 2022, il est suspendu de son emploi pour ne pas avoir respecté la Politique de vaccination de l’employeur.

[5] Il présente une demande à la Commission pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Elle refuse de lui verser des prestations, parce qu’il a été suspendu en raison de son inconduite. En effet, il savait ou aurait dû savoir qu’il serait suspendu pour ne pas avoir respecté la Politique de son employeur.

[6] Par la suite, l’employeur n’a pas renouvelé le contrat de travail de l’appelant, parce qu’il n’a pas respecté la Politique de vaccination.

[7] L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission. Il n’a pas commis d’inconduite en refusant de se faire vacciner. Il avait le droit de la faire, parce qu’entre autres, la convention collective ne prévoit pas l’obligation vaccinale, les vaccins contre la COVID-19 sont expérimentaux.

Question en litige

[8] L’appelant a-t-il était suspendu et congédié de son emploi en raison d’une inconduite ?

Analyse

[9] Ce sont les mêmes critères qui s’appliquent lorsque le Tribunal doit déterminer si un appelant a été suspendu ou a perdu son emploi en raison de son inconduite. Toutefois, les conséquences ne sont pas les mêmes. En effet, lorsqu’il s’agit d’une suspension, l’appelant n’est pas admissible à recevoir des prestations. Alors que dans le cas d’un congédiement, il est exclu du bénéfice des prestations.

[10] Pour décider si l’appelant a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a été suspendu et congédié de son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu et congédié de son emploi ?

[11] Je retiens que l’appelant travaille pour le gouvernement du Canada à titre de traducteur.

[12] Dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, son employeur, le gouvernement du Canada, met en œuvre une politique de vaccination contre la COVID-19.

[13] La politique s’applique à tous les employés, dont l’appelant. Les employés disposent d’un délai pour être informés de la nature des vaccins. Ils disposent également d’un délai pour se conformer à la politique ou pour fournir une attestation d’exemption pour des raisons médicales ou religieuses.

[14] L’appelant n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur. Il est suspendu pour cette raison.

[15] Concernant la perte de son emploi, l’employeur a avisé l’appelant, un mois avant la fin de son contrat, qu’il devait respecter la politique de vaccination, sinon son contrat ne serait pas renouvelé. Il s’agissait d’une condition pour que l’emploi se poursuive.

[16] L’appelant n’a pas rempli la condition pour que son contrat soit renouvelé. L’employeur a mis fin à son emploi.

[17] J’estime que l’appelant a été suspendu et a perdu son emploi, parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

La raison de la suspension et du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi ?

[18] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupableNote de bas de page 5.

[19] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu et congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[20] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu et a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu et congédié en raison de son inconduiteNote de bas de page 7.

[21] Selon la Commission, le refus de l’appelant de se conformer à la politique de l’employeur constitue de l’inconduite. Il savait ou aurait dû savoir qu’il serait suspendu en ne se conformant pas à la politique de vaccination.

[22] Pour sa part, l’appelant soutient que l’employeur ne pouvait pas lui imposer une politique de vaccination qui n’est pas prévue dans la convention collective ou dans son contrat de travail.

[23] Il avait le droit de refuser un traitement médical selon la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que le Code civil du Québec.

[24] Avant de procéder à l’analyse, je vais disposer de certaines questions reliées à la politique de l’employeur.

[25] Je n’ai pas à décider de la légalité de la politique de l’employeur, du refus de transmettre des informations médicales à l’employeur, du refus de recevoir un vaccin, du respect des droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que l’absence d’obligation vaccinale dans un contrat de travail et une convention collective. Également, je n’ai pas à décider si le vaccin est efficace ou quel est son contenu. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de trancher ces questions. Il existe des instances spécialisées pour ces enjeuxNote de bas de page 8.

[26] Concernant la décision A.L citéeNote de bas de page 9 par l’appelant au soutien de ses prétentions, elle n’est pas pertinente, puisque la Cour fédérale dans la décision Cecchetto a confirmé que le Tribunal n’avait pas pour rôle de décider si la Politique de vaccination respectait la convention collective ou le contrat de travail.

[27] De plus, dans l’arrêt ParadisNote de bas de page 10, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur contrevenait aux droits des employés. Dans ce cas-ci il s’agissait d’une politique concernant la consommation de drogue et d’alcool qui, selon le prestataire, contrevenait à l’Alberta Human Rights Act.

[28] Par ailleurs, je n’ai pas à décider si la politique de l’employeur est justifiée ou raisonnable. Ce n’est pas le comportement de l’employeur que je dois analyser, mais le geste du prestataireNote de bas de page 11. Toutefois, il est vrai que je dois tenir compte du contexteNote de bas de page 12.

[29] Dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 13, la Cour a effectivement tenu compte du contexte. Ainsi, la prestataire travaille à titre de réceptionniste pour une Première nation. Elle vit également dans la réserve. L’employeur a adopté une politique visant à interdire la consommation d’alcool au travail et dans la réserve, afin de traiter le problème de consommation d’alcool et de drogue de la population. La prestataire a consommé de l’alcool à son domicile. Elle a été congédiée. En fait, la Première nation avait intérêt à maintenir sa crédibilité et donner l’exemple dans la lutte contre les problèmes de consommation.

[30] La Cour d’appel fédérale a également qu’il importe peu que la politique ne soit pas stipulée dans le contrat de travail, il peut s’agir d’une condition morale, ou matérielle explicite ou impliciteNote de bas de page 14.

[31] Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a statué que les tribunaux doivent mettre l’accent sur la conduite du prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 15.

[32] Toujours dans l’arrêt NelsonNote de bas de page 16, la Cour d’appel fédérale réitérait qu’il faut appliquer une appréciation objective comme l’exige la Loi. En effet, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ».

[33] Je retiens que l’appelant a été informé de la Politique de vaccination de son employeur et des conséquences en cas de refus de la respecter, à savoir une suspension ou le congédiement.

[34] Dans les faits, il savait qu’il serait suspendu en raison de son refus de se conformer à la Politique de vaccination. Par la suite, il savait que son contrat ne serait pas renouvelé s’il ne respectait pas la politique de vaccination de son employeur. Il a créé sa situation de chômageNote de bas de page 17.

[35] J’estime que l’inconduite peut prendre différentes formes dont le non-respect d’une politique de vaccination qui est une condition essentielle au maintien en emploi. Ce qui est le cas de l’appelantNote de bas de page 18.

[36] Je suis d’avis que l’appelant a refusé de se soumettre à la Politique de vaccination pour des motifs personnels. En agissant ainsi, il savait qu’il serait suspendu et congédié. Il a provoqué sa situation de chômage. Il a le droit de faire des choix personnels, mais il ne peut pas les faire assumer par l’ensemble des cotisants au Régime de l’assurance-emploi.

[37] Je conclus que la Commission a démontré que l’appelant a été suspendu et congédié en raison de son inconduite.

Alors, l’appelant a-t-il été suspendu et congédié en raison d’une inconduite ?

[38] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que l’appelant a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations en raison de sa suspension et qu’il en est exclu du bénéfice des prestations en raison de son congédiement.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.