Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 463

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : G. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 23 février 2023
(GE-22-3078)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 19 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-210

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[4] La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de vaccination de son employeur. La division générale a estimé que le prestataire savait que son employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. Elle a conclu que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient qu’il n’a rien fait de mal qui justifierait une conclusion d’inconduite. Il est retourné au travail lorsqu’on le lui a demandé. Il soutient que l’employeur a injustement rejeté sa demande d’exemption pour des raisons religieuses. Le prestataire dit qu’il avait le droit de refuser d’exécuter un travail dangereux et que la politique de vaccination obligatoire de son employeur violait ses droits fondamentaux et constitutionnels. Il affirme que cette politique est illégale, déraisonnable, contraire à l’éthique et donc inapplicable.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire affirme qu’il n’a rien fait de mal qui justifierait une conclusion d’inconduite. Il est retourné au travail lorsqu’on le lui a demandé. Il soutient que l’employeur a injustement refusé sa demande d’exemption pour des raisons religieuses. Le prestataire dit qu’il avait le droit de refuser d’exécuter un travail dangereux et que la politique de vaccination obligatoire de son employeur violait ses droits fondamentaux et constitutionnels. Il affirme que cette politique est illégale, déraisonnable, contraire à l’éthique et donc inapplicable.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique nécessairement que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, les actes reprochés doivent avoir été volontaires ou, à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de respecter la politique de vaccination de son employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. L’employeur l’avait informé de sa politique de vaccination et lui avait donné le temps de s’y conformer. Le refus du prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique de vaccination de son employeur pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de santé publique en mettant en œuvre sa politique de vaccination pour protéger la santé de tous les employés pendant la pandémieNote de bas de page 4. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[21] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Il dit qu’il avait des préoccupations légitimes sur les plans juridique, moral et de la sécurité.

[22] Le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] Les questions de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation au prestataire en lui accordant une exemption pour raisons religieuses, ou si la politique de vaccination de l’employeur violait ses droits en matière d’emploi ainsi que ses droits fondamentaux et constitutionnels relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 5.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant la question de l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[25] Le prestataire a fait valoir que refuser de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité corporelle et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien et internationalNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers celui-ci et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens par lesquels les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[27] Dans l’affaire Paradis susmentionnée, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a déclaré qu’une partie prestataire a des recours pour sanctionner le comportement d’un employeur qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[29] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation d’un employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite dans le cadre de l’assurance-emploi.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[31] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur mise en place en réponse à la situation exceptionnelle créée par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[32] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas de page 8.

[33] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[34] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[35] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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