Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : GC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 464

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (515035) datée du 17 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-3078

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a démontré que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa mise en congé sans solde). Par conséquent, l’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 7 mars 2022 au 17 juin 2022Note de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a été mis en congé sans solde (suspendu). L’employeur de l’appelant affirme qu’il a été suspendu parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. Il a refusé de se faire vacciner.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme que ne pas respecter la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a d’abord décidé que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite, puis a modifié sa décision à l’étape de la révision en concluant que l’appelant avait été suspendu en raison d’une inconduite. La Commission a donc conclu que l’appelant n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 7 mars 2022 au 17 juin 2022.

[6] L’appelant est en désaccord avec la décision de la Commission de lui refuser des prestations d’assurance-emploi. Il fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Question que je dois examiner en premier

Partie potentielle mise en cause

[7] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’ancien employeur de la partie appelante pour lui demander s’il veut être mis en cause dans l’appel. Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans cet appel parce que rien dans le dossier n’indique que ma décision pourrait lui imposer des obligations légales.

Question en litige

[8] L’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] La loi dit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si l’employeur l’a suspendueNote de bas de page 2.

[10] Pour décider si l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelant a été suspendu. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu?

[11] Il n’est pas contesté que l’appelant a été mis en congé sans solde involontaire (suspendu) parce qu’il a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19 dans les délais prévus par la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

[12] Je ne vois rien dans le dossier qui pourrait m’amener à conclure autrement. Je conclus donc que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il a refusé de se faire vacciner, comme l’exigeait la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[13] Oui, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[14] Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite de l’appelant était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4.

[15] Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour qu’il y ait inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[16] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[17] La Commission doit prouver que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[18] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’appelant était au courant de la politique obligatoire de l’employeur du 6 octobre 2021, qui exigeait que tous les employés soient vaccinés contre la COVID-19 à moins qu’une exemption ne leur soit accordée.
  • L’appelant a demandé une exemption pour des raisons religieuses. Le 15 décembre 2021, l’employeur a rejeté sa demande.
  • L’appelant savait que s’il n’était pas vacciné au plus tard le 12 janvier 2022, il serait mis en congé administratif sans solde (suspendu).

[19] L’appelant affirme qu’à sa connaissance, aucune inconduite n’est consignée dans son dossier d’emploi. Il a soutenu qu’il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour continuer à travailler avant d’être suspendu. Il a demandé une exemption pour des raisons religieuses, qui lui a été refusée. Il a suivi la formation obligatoire sur la COVID‑19 et rempli la déclaration de vaccination en indiquant qu’il n’était pas vacciné. Il a déposé un grief par l’intermédiaire de son syndicat et il a respecté tous les protocoles de sécurité. Il dit avoir franchi toutes sortes d’obstacles pour protéger son autonomie corporelle et continuer à travailler. Il a déposé une plainte relative à son [traduction] « droit de refuser d’exécuter un travail dangereux » qui aurait dû l’empêcher d’être suspendu jusqu’à la fin d’une enquête. Cependant, son employeur l’a tout de même suspendu à compter du 13 janvier 2022.

[20] L’appelant a déclaré que son employeur a suspendu sa politique de vaccination obligatoire en juin 2022. Il a été autorisé à retourner au travail le 20 juin 2022. Il s’est demandé comment l’employeur pouvait le traiter de façon aussi injuste. L’employeur l’a empêché de travailler et de gagner un revenu pendant six mois, seulement pour lui permettre de revenir alors qu’il y avait un arriéré de travail.

[21] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 8. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[22] L’appelant a confirmé qu’il avait discuté avec son employeur de la politique de vaccination obligatoire au cours de ses démarches pour continuer à travailler. Il convient qu’il connaissait les dates limites de la politique. Il était au courant de la date limite du 12 janvier 2022 énoncée dans la lettre de l’employeur du 15 décembre 2021. Il savait que l’employeur le mettrait en congé sans solde (le suspendrait) s’il ne se conformait pas à la politique. Cependant, il dit qu’il ne pouvait tout simplement pas se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses convictions religieuses profondes.

[23] Je reconnais que l’appelant dit avoir cotisé à la caisse de l’assurance-emploi, mais l’assurance-emploi est un régime d’assurance et non un fonds de pension ou un programme fondé sur les besoins qui peut être utilisé à volonté. Les parties prestataires doivent plutôt remplir les conditions d’admissibilité et les exigences énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploi pour recevoir des prestations.

[24] Au cours de l’audience, l’appelant a fait référence à d’autres décisions publiées par la Société Radio-Canada dans lesquelles d’autres personnes ont obtenu gain de cause dans leurs appels concernant des prestations d’assurance-emploi. Il dit qu’il ne connaissait pas les détails de ces décisions. Il voulait donc que son appel soit jugé sur le fond.

[25] Comme je l’ai expliqué, je ne suis pas liée par les autres décisions du TribunalNote de bas de page 10. Par conséquent, je n’ai pas à les suivre. Je suis toutefois liée par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale.

[26] Dans la décision récente Cecchetto c Canada (Procureur général), la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire d’un prestataire qui a refusé de se faire vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 11.

[27] Le prestataire dans Cecchetto travaillait dans un hôpital et on lui a refusé des prestations d’assurance-emploi parce qu’on a conclu qu’il avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Il n’avait pas respecté la directive provinciale exigeant la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour les personnes qui travaillaient dans les hôpitaux.

[28] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a confirmé que le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas le mandat ou la compétence d’évaluer le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la politique de vaccination d’un employeur. Je ne peux pas décider si d’autres lois offraient d’autres options à l’appelant ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 12. Il existe d’autres instances où l’on peut soulever ces questionsNote de bas de page 13. Je peux seulement évaluer si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] Je reconnais que l’appelant a peut-être le droit de décider de se faire vacciner ou non, mais il savait qu’il y aurait des conséquences s’il refusait de suivre la politique de l’employeur, à savoir dans la présente affaire sa suspension.

[30] Compte tenu des faits exposés ci-dessus, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite parce que le refus de l’appelant de se faire vacciner contre la COVID-19 était délibéré ou intentionnel. Il y avait une relation de cause à effet entre son refus de se faire vacciner et sa suspension. Je conclus donc que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite.

Période d’inadmissibilité

[31] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que l’appelant est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du 7 mars 2022 au 17 juin 2022. Voici ce que j’ai pris en considération.

[32] La loi dit qu’une personne est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi en cas de suspension pour inconduite. Une inadmissibilité est imposée les jours ouvrables (du lundi au vendredi) pendant la période de suspension tombant dans la période de prestationsNote de bas de page 14.

[33] Dans la présente affaire, la période de prestations de l’appelant commence le dimanche 6 mars 2022. Il a été suspendu en raison d’une inconduite du 13 janvier 2022 jusqu’à son retour au travail le 20 juin 2022. Par conséquent, il est inadmissible aux prestations d’assurance-emploi du lundi 7 mars 2022 au vendredi 17 juin 2022.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite.

[35] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.