Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1750

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : R. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (464715) datée du 9 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Date de la décision : Le 2 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1741

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Décision

[1] Le prestataire a perdu son emploi au motif qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. La politique exigeait que le personnel soit vacciné contre la COVID-19 ou qu’il obtienne des mesures d’adaptation approuvées. Le prestataire ne s’était pas conformé à la politique à la date limite. Par conséquent, l’employeur l’a mis en congé sans solde (suspension) et l’a congédié par la suite.

[2] La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi parce qu’il a été congédié en raison d’une inconduite. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser cette décision parce qu’il ne pouvait pas se faire vacciner pour des raisons religieuses. Il estimait également que la politique de l’employeur violait son droit à la confidentialité de ses renseignements médicaux.

[3] La Commission a maintenu sa décision parce que le prestataire connaissait la politique de l’employeur qui exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19 ou qu’il dispose d’une mesure d’adaptation approuvée. Il savait que le non‑respect de la politique lui ferait perdre son emploi et il a choisi de ne pas s’y conformer. Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal.

Question en litige

[4] Je dois décider si l’appel doit être rejeté de façon sommaire.

Analyse

[5] Je dois rejeter l’appel de façon sommaire si je suis convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1.

[6] Selon la loi, les prestataires qui sont congédiés en raison d’une inconduite sont exclus du bénéfice des prestationsNote de bas de page 2.

[7] Elle précise également que les prestataires qui sont suspendus de leur emploi en raison de leur inconduite ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations jusqu’à ce que l’une des conditions suivantes soit remplie :

  • la fin de leur période de suspension;
  • la perte de leur emploi ou leur départ volontaire;
  • le cumul d’un nombre suffisant d’heures chez un autre employeur depuis le début de la suspensionNote de bas de page 3.

[8] Le prestataire travaillait comme pilote. En octobre 2021, le gouvernement fédéral a mis en place des lignes directrices qui exigent que le personnel sous réglementation fédérale du secteur des transports soit entièrement vacciné ou dispose de mesures d’adaptation approuvées d’ici le 30 octobre 2021. Le personnel devait signer un formulaire faisant état de son statut vaccinal d’ici le 24 septembre 2021Note de bas de page 4. Les membres du personnel qui n’ont pas fait part de leur statut vaccinal seraient considérés comme non vaccinés. De plus, le personnel qui n’était pas entièrement vacciné et qui n’avait pas de mesures d’adaptation dans le cadre de l’obligation ne pourrait pas continuer à travaillerNote de bas de page 5.

[9] L’employeur a envoyé un courriel à tout le personnel le 8 septembre 2021 pour lui annoncer la vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 6.

[10] Le prestataire connaissait les exigences rattachées à l’obligationNote de bas de page 7. Il savait qu’il ne pouvait pas continuer à travailler s’il ne satisfaisait pas aux exigencesNote de bas de page 8.

[11] Le prestataire refusait de se faire vacciner pour des raisons religieusesNote de bas de page 9. Il estimait également que l’employeur violait son droit à la vie privée en lui demandant son statut vaccinalNote de bas de page 10.

[12] Il a demandé à l’employeur des mesures d’adaptation à la politique pour des motifs religieuxNote de bas de page 11. Cependant, l’employeur a refusé sa demandeNote de bas de page 12. 

[13] L’employeur a envoyé au prestataire une lettre datée du 5 octobre 2021. La lettre mentionne que le prestataire n’a pas déclaré son statut vaccinal au 24 septembre 2021 et qu’il contrevient donc à la politique. L’employeur a organisé une rencontre pour discuter de la non‑conformité du prestataireNote de bas de page 13.

[14] L’employeur a suspendu le prestataire le 1er novembre 2021Note de bas de page 14. Il a envoyé au prestataire une lettre mentionnant qu’il n’avait pas déclaré son statut vaccinal au 24 septembre 2021. Après avoir rencontré le prestataire, l’employeur a établi qu’il ne se conforme pas délibérément à la politique. Il a donc été suspendu sans solde entre le 2 novembre 2021 et le 30 novembre 2021.

[15] Le 9 novembre 2021, le prestataire a de nouveau demandé à l’employeur une mesure d’adaptation à la politique pour des raisons religieusesNote de bas de page 15. L’employeur a répondu le 23 novembre 2021 en refusant la demande de mesures d’adaptation du prestataireNote de bas de page 16. L’employeur demande au prestataire de communiquer avec le [sic] d’ici le 28 novembre 2021 s’il a l’intention de se conformer à la politique. S’il ne communique pas avec l’employeur d’ici le 28 novembre 2021, il sera congédié pour non‑respect de la politique.

[16] Le prestataire a été congédié le 1er décembre 2021Note de bas de page 17.

[17] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi, la Commission doit démontrer que la conduite du prestataire était délibérée, car il savait ou aurait dû raisonnablement savoir que sa conduite pouvait entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 18.

[18] Une conduite délibérée désigne une conduite consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 19. Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 20.

[19] Avant de rejeter l’appel de façon sommaire, je dois envoyer un avis écrit au prestataire et lui accorder un délai pour présenter des observationsNote de bas de page 21.

[20] Comme la preuve au dossier montre que le prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination obligatoire de l’employeur et qu’il savait qu’il pourrait perdre son emploi en raison de ce choix, j’ai envoyé un avis de mon intention de rejeter le présent appel de façon sommaire le 4 août 2022Note de bas de page 22. Le prestataire a présenté des observations supplémentaires, prises en considération dans la présente décisionNote de bas de page 23.

[21] Je constate dans la preuve au dossier que l’employeur exigeait que le prestataire soit vacciné contre la COVID-19 ou obtienne une exemption approuvée. Le prestataire a été informé de cette politique. On lui a dit qu’il perdrait son emploi s’il ne respectait pas la politique.

[22] Je comprends que le prestataire a demandé une mesure d’adaptation de cette politique pour des motifs religieux. Cependant, l’employeur a refusé sa demande. Il savait qu’il n’avait pas de mesure d’adaptation approuvée applicable à l’obligation de se faire vacciner. Néanmoins, il a choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

[23] Le prestataire a déclaré que la politique de l’employeur ne faisait pas partie de son contrat de travail au moment de son embauche. La politique entre en conflit avec son droit à la vie privée. Son employeur a violé ses droits de la personne en tentant de le contraindre à se faire vacciner pour conserver son emploi.

[24] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à l’égalité (non‑discrimination). La Charte n’est qu’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[25] Les différents tribunaux judiciaires et administratifs appliquent ces lois. 

[26] Le Tribunal de la sécurité sociale (TSS) peut examiner si une disposition de la Loi ou de son règlement, ou d’une loi connexe, porte atteinte aux droits d’un prestataire garantis par la Charte

[27] Cependant, le TSS n’est pas autorisé à examiner si une mesure prise par un employeur viole les droits fondamentaux d’un prestataire garantis par la CharteNote de bas de page 24. Cela dépasse notre champ de compétence. Le TSS n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Déclaration canadienne des droits ou la Loi canadienne sur les droits de la personne ou sur les lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[28] Le prestataire peut avoir d’autres recours pour poursuivre ses prétentions selon lesquelles la politique de l’employeur entrait en conflit avec son contrat ou violait ses droits. Cependant, ces questions doivent être traitées par le tribunal judiciaire ou administratif compétent. Elles ne relèvent pas de ma compétence.

[29] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le droit d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur a fait de cette politique une exigence pour l’ensemble de son personnel, elle est devenue du même coup une condition d’emploi pour le prestataire.

[30] La Cour d’appel fédérale a affirmé que le Tribunal n’a pas à décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le congédiement d’un prestataire était justifiéNote de bas de page 25.

[31] Il est bien établi que le non‑respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 26.

[32] Le prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner. Ce refus était intentionnel. Le prestataire ne s’est donc pas conformé à la politique de l’employeur. De plus, au moment de son congédiement, il n’entendait nullement s’y conformer. Il a été informé que le non‑respect de la politique entraînerait la perte de son emploi. Aucun élément de preuve ni aucun témoignage qu’il pourrait présenter à l’audience ne changerait ce fait.

[33] Il est évident et manifeste, à la lecture du dossier, que l’appel est voué à l’échecNote de bas de page 27. Par conséquent, j’estime que le présent appel n’a aucune chance raisonnable de succès.  Je suis donc tenue par la loi de le rejeterNote de bas de page 28.

Conclusion

[34] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, l’appel est rejeté de façon sommaire. 

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