Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 459

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : P. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 27 janvier 2023 (GE-22-3095)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 19 avril 2023
Numéro de dossier : AD-23-209

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Celui-ci ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur, qui ne lui a pas accordé d’exemption. Selon la division générale, la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient ne jamais avoir pensé qu’elle perdrait son emploi pour avoir refusé un vaccin. La prestataire fait valoir que la division générale a ignoré le fait que son employeur a rejeté arbitrairement ses demandes d’exemption. Elle soutient que la politique de l’employeur violait ses droits religieux et son intégrité corporelle. La prestataire fait valoir que la division générale n’a pas compris la chronologie et le contexte de ce qui s’est passé.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter durant l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur susceptible de révision. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu erreur susceptible de révision pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient qu’elle n’a jamais pensé qu’elle perdrait son emploi pour avoir refusé un vaccin. La prestataire fait valoir que la division générale a ignoré le fait que son employeur a rejeté arbitrairement ses demandes d’exemption. Elle soutient que la politique de l’employeur violait ses droits religieux et son intégrité corporelle. La prestataire fait valoir que la division générale n’a pas compris la chronologie et le contexte de ce qui s’est passé. En avril 2022, le travail se faisait toujours en ligne, ce qui s’est poursuivi jusqu’à l’automne; de plus, toutes les restrictions avaient été levées et les travailleurs non-vaccinés étaient rappelés au travail.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire, ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la gravité de la sanction imposée par l’employeur ou de décider s’il s’est rendu coupable d’une inconduite en suspendant injustement la prestataire, mais plutôt de décider si la prestataire est coupable d’une inconduite ayant entraîné sa suspensionNote de bas de page 1.

[16] La division générale a établi que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle a refusé de respecter la politique de l’employeur qui s’appliquait à tous les employés. Elle avait été informée de la politique et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a refusé intentionnellement, ce qui était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. Le fait de ne pas respecter une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie est aussi considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans le cas présent, l’employeur a suivi les recommandations des responsables de la santé publique pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de tous les employés et de la clientèle pendant la pandémieNote de bas de page 4. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue.

[21] Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection aux employés travaillant à domicile pendant la pandémie.

[22] Autrement dit, le Tribunal n’a pas l’expertise ni la compétence pour décider si les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité relativement à la COVID-19 ont cessé parce que la prestataire travaillait à domicile ou si elles ont continué de s’appliquer.

[23] Par conséquent, je juge qu’il n’y a pas d’erreur susceptible de révision dans la décision de la division générale selon laquelle elle n’a pas la compétence de trancher les questions sur le caractère raisonnable de la politique de l’employeur qui s’applique aux travailleurs travaillant à domicile.

[24] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire en acceptant ses demandes d’exemption, si la politique a enfreint ses droits au travail, ou si la politique a enfreint ses droits de la personne et constitutionnels, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 5.

[25] Récemment, dans l’affaire Cecchetto, la Cour fédérale a rendu une décisionconcernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que personne n’avait prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Il se sentait victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a affirmé avoir le droit de contrôler son intégrité corporelle et il a ajouté que ses droits avaient été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel voulant que, de par la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à régler ces questions. La Cour a convenu que, lorsqu’il a fait le choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers celui-ci et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré que le système juridique offre d’autres voies par lesquelles la prestataire peut présenter ses demandes.

[27] Dans une affaire précédente, intitulée Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de la Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a ajouté que, pour sanctionner le comportement d’un employeur, les parties prestataires ont d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[29] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a précisé que l’obligation de mettre en place des mesures d’adaptation, qui revient à l’employeur, n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite dans le contexte de l’assurance-emploi.

[30] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[31] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[32] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[33] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur susceptible de révision, comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Elle n’a cerné dans la décision aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée, que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[34] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale et tenu compte des arguments que la prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[35] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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